L’après Jovenel Moïse, difficile succession ! (2e partie)

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Le Premier ministre Dr Ariel Henry

Dans la course à la succession du feu Président Jovenel Moïse, l’espoir du sénateur Joseph Lambert, Président du Sénat de la République, aura été de courte durée. Puisque dès le départ, il y avait anguille sous roche. Deux partis politiques sinon trois qui ont toujours fait bande à part se sont précipités pour dire qu’ils voyaient les choses autrement. En effet, les partis politiques Pitit Dessalines de Jean-Charles Moïse, Fanmi Lavalas du Dr Maryse Narcisse et le Secteur Démocratique et Populaire (SDP) qui, il faut le rappeler, n’avaient pas signé l’accord, optaient de préférence pour une autre alternative et disaient compter présenter un autre plan en vue de combler le vide présidentiel. Ce groupe pensait à une option plutôt originale avec : madame Mirlande Hyppolite Manigat ; Me. Samuel Madistin et Edgard Leblanc Fils.

Alors que d’autres entités de ces oppositions envisageaient de revenir avec encore et toujours l’ex-juge de la Cour de cassation Wendelle Coq Thélot comme Présidente provisoire de la République. Qu’importe ces voix discordantes en pleine vacance du pouvoir, les différents partis et mouvances politiques composant la DIRPOD : la Fusion des Sociaux de Démocrates, INITE, AAA et même le PHTK qui joue, sans doute, sa survie n’entendaient point en rester là. Ils pensaient qu’avec Joseph Lambert, ce politicien retors, ils pouvaient sauver la mise, en tout cas, d’après eux, ils cherchaient à éviter une aggravation de la crise. Et l’élu du département du Sud-Est qui ne vit que pour la présidence d’Haïti, la seule haute fonction qui lui manque dans son CV, ne demande qu’à rendre service. Car, d’après son calcul, c’est maintenant ou jamais. Et il va s’y employer.  Alors que toutes les frontières d’Haïti avec l’extérieur sont fermées y compris avec Saint Domingue, cet animal politique qu’est Jo Lambert s’est empressé et a trouvé les moyens pour entrer dans la capitale haïtienne sans qu’on sache par quels moyens.

En tout cas, le lendemain, tôt dans la matinée, Joseph Lambert était déjà à Port-au-Prince en vue de son installation. Les sénateurs s’étaient donnés rendez-vous samedi 10 juillet 2021 dans l’après-midi pour la prestation de serment du Président provisoire de la République, le sénateur Joseph Lambert. La presse nationale et internationale y était cordialement invitée. Comme à leur habitude les journalistes étaient en avance tant l’événement annoncé suscitait curiosité et scepticisme au sein de la population qui avait l’esprit ailleurs qu’à élire un nouveau Président sur le cadavre encore chaud du chef de l’Etat assassiné. Ce samedi 10 juillet 2021, à Port-au-Prince, il n’y avait pas grand monde dans les rues. La peur et l’inquiétude de la population face à l’avenir prenaient le pas sur le reste. Le gouvernement de son côté tentait de rassurer une population qui n’a confiance en personne. Quant aux responsables politiques de l’opposition, par peur d’être ridicule, en sourdine, ils continuaient de se déchirer pour le pouvoir et étaient incapables de trouver un consensus entre eux sans parler des dirigeants gouvernementaux qui, eux, comblaient le vide de l’exécutif vacant.

Mais, le futur Président lui ne se fait pas prier. Joseph Lambert est bien présent au Parlement pour être intronisé par ses pairs qui l’ont fait Roi. Sauf qu’il y avait de la friture sur la ligne. Plus qu’un simple problème d’intendance et technique pour Lambert qui va se faire justement ridiculiser devant la Nation et devant le reste du monde. Cet animal politique n’avait pas vu venir ce coup. Lui qui a toujours su zigzaguer entre les Bons et les Méchants, entre les Loups et les Agneaux constituant la scène politique haïtienne ces trente-cinq dernières années. Comme il fallait s’y attendre, ce samedi 10 juillet 2021, non seulement aucun membre des oppositions n’a fait le déplacement, mais personne parmi les pléthores de partis et d’organisations politiques qui ont signé le fameux « Protocole d’Entente Nationale » n’a daigné venir le féliciter pour sa brillante nomination en tant que chef de l’Etat par intérim. Pas un représentant de la très active et mouvante Société civile qui avait applaudi des deux mains cette entente politique n’a jugé utile de braver les rues de Port-au-Prince pour se rendre au Bicentenaire.

Ils n’ont même pas voulu venir prendre un peu d’air frais de l’Océan Atlantique par cette atmosphère suffocante qu’est devenue l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Pas une mouche aux alentours du Sénat. Personne. Le plus humiliant, le plus choquant, sans aucun doute, pour ce vieux routier, ce vieux de la vieille de la politique haïtienne, ce dur à cuire qu’est Jo Lambert, c’est que ce jour-là, même ceux l’ayant nommé la veille Président provisoire de la République, ayant lancé les rendez-vous, rameuté la populace, annoncé à la radio et à la télévision, sans parler des annonces sur les réseaux sociaux, c’est-à-dire les sénateurs, n’ont mis les pieds au Sénat ce samedi 10 juillet. C’était pathétique ! Sur les neufs sénateurs plus Joseph Lambert lui-même, un seul fidèle parmi les fidèles était présent avec celui qui devrait être consacré chef d’Etat d’Haïti. Humiliation suprême pour ce vieux rat de la politique qui s’est fait rouler, comme un bleu, dans la farine, pire qu’un débutant dans cette arène où l’on ne pardonne jamais les erreurs commises.

Après une attente interminable, Joseph Lambert a dû se rendre à l’évidence que son heure pour devenir Président d’Haïti n’était pas arrivée. Il a aussi compris que son rêve de devenir Président s’est brisé net devant ce complot dont seuls les politiciens haïtiens ont le secret. Avec les journalistes qui faisaient le pied-de-grue en faisant semblant de comprendre sa déception et de le rassurer, le futur/Ex est rentré bredouille chez lui avec le sentiment d’avoir été le dindon de la farce. En fait, dès le départ, la Communauté internationale à travers le Core Group à Port-au-Prince et Washington en première ligne avaient mis fin à cette plaisanterie de désigner un chef du Pouvoir exécutif en Haïti sans avoir au préalable leur avis qui vaut la garantie de pouvoir aller jusqu’au bout du processus, même si après l’affaire devrait tourner court. Entretemps, le dimanche 11 juillet 2021, une délégation américaine de haut rang avait débarqué à Port-au-Prince.

Composée de représentants du Département de la Justice, du Département d’Etat,  du Département de la Sécurité intérieure et du Conseil de Sécurité nationale américaine, cette délégation inter-agence était dans la capitale haïtienne pour comprendre et répondre à la demande des autorités qui assurent provisoirement l’intérim du pouvoir exécutif. Le même jour, c’est-à-dire, dès son arrivée ce 11 juillet, la délégation a débuté ses rencontres avec les acteurs sociopolitiques du pays. Selon la Porte-parole du Conseil de Sécurité nationale des Etats-Unis, Emily Horne, qui a fait le point sur cette mission, « La Délégation a examiné la sécurité des infrastructures essentielles avec des responsables du gouvernement haïtien et a rencontré la police nationale haïtienne qui dirige l’enquête sur l’assassinat. La délégation a également rencontré le Premier ministre par intérim, Claude Joseph, et le Premier ministre désigné, Ariel Henry, lors d’une réunion conjointe, ainsi que le Président du Sénat, Joseph Lambert, afin d’encourager un dialogue ouvert et constructif en vue de parvenir à un accord politique permettant au pays d’organiser des élections libres et équitables.

Dans toutes ses réunions, la délégation s’est engagée à soutenir le gouvernement haïtien dans sa quête de justice dans cette affaire et a affirmé le soutien des États-Unis au peuple haïtien en cette période difficile. Les États-Unis soutiennent Haïti pour qu’il devienne un pays plus sûr et plus démocratique. » On avait compris que bien avant ça, les autorités américaines avaient mis un frein aux velléités des dix sénateurs de nommer un des leurs à la présidence d’Haïti la veille de l’arrivée de cette mission de haute importance qui nous rappelle la Commission Forbes de 1930 à Port-au-Prince pendant la première occupation américaine d’Haïti. D’ailleurs, on n’en est pas loin depuis l’assassinat du Président Jovenel Moïse. Puisque, suite à cette mission, le Président américain, Joe Biden, a procédé à la nomination le jeudi 22 juillet 2021 d’un Envoyé spécial US en Haïti. Il s’agit de l’ambassadeur Daniel Lewis Foote. Un diplomate de carrière très expérimenté qui a déjà servi en Haïti en tant que chef de mission adjoint. Selon un communiqué de Ned Price, Porte-parole du Département d’Etat américain (Ministère des affaires étrangères américain), la mission de l’Envoyé spécial pour Haïti est extrêmement large.

Puisque celui-ci aura à intervenir sur l’ensemble des domaines de la vie sociopolitique du pays en servant d’autorité de référence pour toutes les institutions américaines et les partenaires internationaux d’Haïti. Le communiqué stipule «  Le Département d’État a le plaisir d’annoncer que l’ambassadeur Daniel Lewis Foote, membre de carrière du service diplomatique supérieur, sera son Envoyé spécial pour Haïti. L’Envoyé spécial s’engagera avec des partenaires haïtiens et internationaux pour faciliter la paix et la stabilité à long terme et soutenir les efforts visant à organiser des élections présidentielles et législatives libres et équitables. Il travaillera également avec des partenaires pour coordonner les efforts d’assistance dans plusieurs domaines, notamment l’aide humanitaire, la sécurité et l’enquête. De plus, l’envoyé spécial mobilisera les parties prenantes de la société civile et du secteur privé alors que nous recherchons des solutions dirigées par les Haïtiens aux nombreux défis urgents auxquels Haïti est confronté.

L’Envoyé spécial, avec l’ambassadeur des États-Unis en Haïti, dirigera les efforts diplomatiques américains et coordonnera les efforts des Agences fédérales américaines en Haïti depuis Washington, conseillera le Secrétaire et le Secrétaire adjoint par intérim du Bureau des affaires de l’hémisphère occidental, et coordonnera étroitement avec le personnel du Conseil de sécurité nationale sur les efforts de l’Administration Biden pour soutenir le peuple haïtien et les institutions démocratiques d’Haïti au lendemain du tragique assassinat de Jovenel Moïse ». En clair, c’est la mission d’un Gouverneur qui ne porte pas son titre. Autre époque autres mœurs. C’est peut-être ce que recherchaient les acteurs sociopolitiques haïtiens. Enfin, passons. Nous disons donc Joseph Lambert écarté, le pouvoir était toujours jalousement gardé par Dr Claude Joseph qui, le jour même de la terrible nouvelle de l’assassinat du chef de l’Etat, avait reçu le soutien du Core Group, cette association de diplomates en poste dans la capitale haïtienne composée : des ambassadeurs d’Allemagne, de la France, du Brésil, du Canada, des Etats-Unis d’Amérique, de l’Union européenne, du Représentant spécial du Secrétaire général des Organisations des Etats Américains, de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies.

En quelque sorte, ces principaux pays servent de tête de pont avancée pour la Maison Blanche et L’Elysée et si l’on veut pour les autres capitales de moindre importance sur le plan diplomatique et d’influence historique et politique qui ne peuvent rien en Haïti sans l’aval de ces deux mastodontes que sont Washington et Paris dans la gestion politique d’Haïti. Pendant que Claude Joseph se croit déjà au pinacle jusqu’à ce qu’un nouveau Président de la République soit élu en 2022, la succession du Président Jovenel Moïse ne cesse de nous surprendre. Claude Joseph a, en vérité, fait l’essentiel qu’il pouvait dans cette situation si inattendue et imprévisible. Une conjoncture qui aurait dû permettre à l’opposition de prendre la main sur un Premier ministre a.i. confronté de son côté à un obstacle auquel il ne s’attendait point : celui du Dr Ariel Henry nommé Premier ministre deux jours seulement avant le meurtre politique du 7 juillet 2021. (À suivre)

 

 

C.C

 

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