L’après-Jovenel Moïse, difficile succession ! (1e partie)

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Le Premier ministre habilité à conduire les affaires de la nation le Docteur Ariel Henry et le sénateur du sud-est, président du Sénat, Joseph Lambert

Même mort, le feu Président Jovenel Moïse reste un cauchemar pour l’opposition. Un obstacle presque insurmontable pour ses opposants pour accéder au Palais national voire au pouvoir. Certes, 99% d’entre eux ne souhaitaient la mort du chef de l’Etat. Ils auraient aimé qu’il soit déchu de son mandat et traduit devant la justice et même condamné. Bien que le motif, lui, soit fort discutable. Beaucoup d’opposants au Président assassiné le 7 juillet 2021 ont condamné de manière sans équivoque cet horrible et macabre meurtre. Ils l’ont fait avec sincérité et compassion. Même si seule une infime minorité continue de dire : nous condamnons l’assassinat de l’ancien Président Jovenel Moïse. Qu’importe, le mal est fait. Celui qui constituait un obstacle majeur pour l’ensemble des oppositions n’est plus.

Depuis le vendredi 23 juillet 2021, il a rejoint son père dans le caveau familial dans un cimetière dans une banlieue du Cap-Haïtien après des funérailles officielles et nationales dues à son rang de chef d’Etat. Pourtant, comme le feu Président François Mitterrand s’adressant au peuple français avant sa mort disait « Je crois aux forces de l’esprit. Là où je serai, je ne vous quitterais pas. Je ne vous abandonnerais pas », Jovenel Moïse qui, de son vivant, a été un vrai cauchemar pour ses opposants en tant que candidat à la présidence et pire encore après son installation au Palais national, semble faire les mêmes vœux, mais uniquement, à l’attention de ses adversaires politiques. A voir les difficultés qu’ont eues les leaders de l’opposition plurielle et de la Société civile pour trouver un successeur au Président défunt, on peut se demander si « Nèg bannann nan » n’avait pas fait ce même vœu : Ne vous en faites pas. Je crois aux forces de l’esprit. Là où je serai, j’aurai l’œil sur vous. Je ne vous quitterais pas. Je ne vous abandonnerais pas ».

En effet, durant plus de quinze jours, c’est-à-dire dès le lendemain de l’annonce de la disparation de manière funeste de celui qui occupait la présidence haïtienne depuis plus de quatre ans et demi, l’ensemble des oppositions se mobilisait dans l’objectif de trouver un successeur à celui qui les empêchait d’entrer au Palais national. Comme ils savent bien le faire et l’avaient fait pendant plus de quatre années consécutives, les chefs de l’opposition et de la Société civile se sont mobilisés pour trouver un « Accord » en vue de remplacer le chef d’Etat brutalement disparu. Outre le choc qu’a occasionné la mort du Président en exercice, le pays vivait en haleine et avec anxiété dans l’attente de l’annonce de ce fameux accord politique entre les membres de ce panier à crabe qu’est l’opposition plurielle. En vérité, la population a attendu en vain. Dans la mesure où aucun des soi-disant accords n’a été fait par voie de consensus donc c’était de fausses alertes. Des accords bidon. Des effets d’annonces qui n’ont rien à voir avec un accord politique devant déboucher sur une alternative face aux autorités de fait qui ont hérité du pouvoir en l’absence du Président de la République.

L’incohérence et l’enfantillage des chefs de l’opposition dans cette situation tragique se sont révélés au grand jour dans l’opinion publique nationale et internationale. Dès l’annonce de l’assassinat du chef de l’Etat par le Premier ministre a.i. Dr Claude Joseph, on avait compris qu’il allait y avoir une vraie lutte pour la succession du Président. D’un côté, Claude Joseph qui était de facto devenu Président et chef de gouvernement à la fois n’avait pas le choix. Il était à la bonne place et au bon moment. Donc, il devait coûte que coûte prendre les rênes du pouvoir dans le cadre de la continuité de l’Etat afin d’éviter l’anarchie et le coup d’Etat qui aurait dû être effectif dès l’assassinat du Président. Par cette réaction peut-être inattendue de la part des auteurs intellectuels du meurtre et des membres du commando, le coup a foiré. Du coup, Claude Joseph a brouillé les pistes contre les commanditaires de l’assassinat et devenu une passerelle infranchissable pour les chefs de l’opposition qui ne s’attendaient certainement pas à ce retournement de situation.

Dans leur subconscient, les leaders de l’opposition pensaient qu’une fois le pays apprenait la mort de Jovenel Moïse, tous les membres du gouvernement allaient se réfugier soit dans les ambassades soit se mettre à couvert le temps que la situation redevienne à la normale. Et que l’opposition aurait eu le temps de se mettre à l’ouvrage pour présenter un gouvernement provisoire pouvant combler le vide du pouvoir vacant. Sauf que les choses se sont passées autrement. D’une part, l’annonce de l’assassinat du Président de la République n’a pas été suivie de liesses populaires comme on l’aurait imaginé. D’autre part, le pouvoir n’a jamais été à la dérive comme on pouvait l’imaginer. Ces deux paramètres non prévisibles ont tout changé dans l’après-Jovenel. Ainsi, l’opposition plurielle, prise de court, n’a pas eu le temps de comprendre ce qui était en train de se passer. Dans la précipitation, le vendredi 9 juillet 2021 une partie de l’opposition a vite bricolé un soi-disant accord dénommé « Protocole d’Entente Nationale » défini comme une entente de l’opposition dans le cadre de la recherche d’une sortie de crise.

« En conformité à la résolution du 9 juillet 2021 du Sénat de la République, des partis, regroupements et organisations politiques de tendance diverse ont signé un accord inclusif au regard de l’esprit de l’article 149 de la Constitution pour entériner le choix du Président du Sénat comme Président provisoire et celui du Dr Ariel Henry comme Premier ministre » pouvait-on lire dans le texte dudit protocole. Plus loin, les responsables de ces partis et plateformes politiques ont réaffirmé leur volonté de travailler avec Ariel Henry, le Premier ministre nommé par le chef de l’Etat avant son assassinat, puisque, semble-t-il, ils n’avaient rien contre et que leurs griefs politiques étaient surtout portés contre le Premier ministre intérimaire, Claude Joseph. « Considérant la démission du Premier ministre le 13 avril 2021, entrainant celle du cabinet ministériel ; Considérant le double effet de l’arrêté du 5 juillet 2021 qui, en nommant le citoyen Ariel Henry Premier ministre, consacre la révocation du citoyen Claude Joseph comme Premier ministre a.i. ; considérant la résolution du Sénat de la République en date du 9 juillet 2021 confirmant la nomination du citoyen Ariel Henry comme Premier ministre et désignant le sénateur Joseph Lambert Président du Sénat comme Président provisoire.

Ils se mettent d’accord par consensus et dans l’esprit de l’article 149 de la Constitution, ils font choix du Président du Sénat de la République, le sénateur Joseph Lambert comme Président provisoire de la République. Ils reconnaissent comme Premier ministre habilité à conduire les affaires de la nation le Docteur Ariel Henry, nommé par arrêté en date du 5 juillet 2021, publié au journal officiel Le Moniteur spécial No 36-B » avançaient les auteurs de ce Protocole d’entente nationale. Un protocole qu’ils vont par la suite renier, comme tous les autres d’ailleurs, avant même qu’il ait eu le temps de prendre effet. Avant, les dix sénateurs de ce qui reste du Sénat qui n’ont jamais donné signe de vie depuis belle-lurette, sans doute manipulé par cette branche de l’opposition, s’étaient, eux aussi, mis à l’ouvrage et avaient adopté ce qu’ils ont appelé une « Résolution » votée par 8 voix pour et 2 abstentions faisant de leur Président Joseph Lambert, Jo pour ses amis, Président provisoire de la République d’Haïti.

Le premier point de ladite résolution stipule « Joseph Lambert, élu du peuple comme sénateur de la République, et par ses pairs Président du Sénat, est choisi pour remplir la fonction de Président Provisoire de la République d’Haïti jusqu’à l’entrée en fonction du Parlement, le deuxième lundi de janvier 2022, d’un nouveau Président élu, le 7 février 2022. »  Dans la démarche des sénateurs pour placer leur collègue à la présidence d’Haïti comme ils l’avaient fait il y a six ans avec Jocelerme Privert, Président de l’Assemblée Nationale, le deuxième point de la résolution est aussi édifiant et éloquent que le premier quand on lit « Le nouveau Président provisoire, Son excellence Joseph Lambert, prêtera le serment constitutionnel au Parlement devant l’Assemblée des Sénateurs, en présence des autorités constituées, des leaders de la société civile et de la classe politique.

La prestation de serment réalisée, le Président provisoire sera immédiatement installé dans ses fonctions au Palais national. Le Président provisoire entrera en consultation avec les différents secteurs de la vie nationale en vue de la formation d’un gouvernement d’entente nationale chargé d’exécuter les politiques publiques adaptées à l’intérim. » Cette résolution est signée de Joseph Lambert ; Jean-Denis Cadeau ; Marie Ralph Féthière ; Pierre François Sildor ; Kedlaire Augustin ; Rony Célestin ; Garcia Delva ; Jean-Rigaud Bélizaire. Deux sénateurs se sont abstenus : Paul Patrice Dumont et Wanique Pierre. Le sénateur Lambert qui se trouvait à ce moment en République Dominicaine pour raison de santé, a très vite réagi depuis son compte twitter pour dire qu’il acceptait humblement cet honneur. De l’autre côté la frontière haïtiano-dominicaine, Joseph Lambert qui se voyait déjà Président d’Haïti écrit « J’ai compris la résolution des Sénateurs. J’exprime mon humble reconnaissance aux institutions politiques qui me soutiennent. Je leur dis sincèrement merci. J’espère rencontrer beaucoup d’autres encore pour rouvrir la voie de l’alternance indispensable à la démocratie. »

(À suivre)

C.C

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