Alors que la première puissance mondiale peine à affronter la pandémie de coronavirus, le capitalisme apparaît comme incapable de protéger la société. En effet, ce système fonctionne pour permettre aux plus riches d’amasser toujours plus de richesses. La crise actuelle révèle cette nature crue et ouvre la voie à des changements révolutionnaires. Dans la tourmente, le capitalisme ne va cependant pas tomber comme un fruit trop mûr de la branche. Il pourrait même virer au fascisme pour défendre ses intérêts menacés. C’est pourquoi une mobilisation efficace des travailleurs est plus que jamais nécessaire.
Investig’Action
Début mai, les travailleurs ont célébré la Journée Internationale des travailleurs 2020. Il n’y a eu aucun autre moment dans notre vie où s’est fait plus pressant le message qui transpire à travers le 1er mai, à savoir la solidarité mondiale des travailleurs dans la lutte contre le capitalisme. Nous sommes entrés dans une période décisive.
L’ampleur de la lutte mondiale des classes qui se profile exigera plus que la solidarité du mouvement ouvrier. Cela nécessitera un niveau de coordination entre les organisations et les mouvements du monde entier dans la lutte contre le capitalisme, un niveau supérieur même à celui des premières années de la Troisième Internationale sous la direction de Lénine. Le contexte et les technologies ont rendu possible ce qui ne l’était pas. Mais d’abord, pour ceux d’entre nous qui vivent aux États-Unis, l’épicentre de l’impérialisme mondial, il y a du pain sur la planche.
L’économie capitaliste mondiale, dirigée par les États-Unis, tombe très rapidement dans une dépression. Elle est susceptible d’être plus grave que toutes les dépressions précédentes dans l’histoire du capitalisme. Car ce qui se produit actuellement, c’est l’implosion d’un système arrivé à son stade final. Aussi stupéfiante la pandémie de COVID-19 soit-elle, elle a en fait précipité une colossale crise du capitalisme mondiale qui couvait depuis longtemps. Après avoir été relancé il y a 75 ans par la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme américain a glissé au cours du dernier demi-siècle dans sa phase finale. La mondialisation et le développement de nouvelles technologies, combinés à une attaque incessante contre le niveau de vie de la classe ouvrière, n’ont pas réussi à arrêter le déclin du système.
Lorsque la pandémie ne sera plus le principal problème, la plupart des emplois perdus ne reviendront pas.
Le capitalisme ne s’est jamais remis du krach de 2008 sur les marchés financiers. Depuis lors, les marchés financiers sont sous assistance respiratoire, car les banques centrales y ont injecté des milliards de dollars. Lorsque les actions US se sont presque effondrées il y a deux mois, la Réserve Fédérale a fait quelque chose d’extraordinaire. En quelques jours, elle a injecté environ 5 trillions de dollars sur les marchés financiers US, environ un quart du produit intérieur brut annuel des États-Unis. Wall Street est maintenant placé sous ce qui ressemble à un respirateur financier. Avant la pandémie, l’économie mondiale stagnait aux États-Unis et se contractait ailleurs. Maintenant et partout, l’économie se contracte à un rythme plus rapide que pendant la Grande Dépression.
Cependant, ceux d’entre nous qui attendaient avec impatience l’effondrement du capitalisme ne devraient pas se réjouir trop vite. La pandémie du COVID-19 et son impact sur l’économie capitaliste font mener un véritable enfer partout pour les travailleurs et les opprimés. Des travailleurs meurent de la pandémie, d’autres perdent leurs emplois. Le taux de suicide augmente et continuera de croître en corrélation directe avec l’augmentation du chômage, des expulsions, de la faim, en plus d’une augmentation des maladies et des décès.
Le nombre réel de travailleurs qui viennent de perdre leur emploi aux États-Unis n’est pas de 30 millions, mais se rapproche plutôt des 50 millions lorsqu’on y ajoute tous les travailleurs qui ne remplissent pas les conditions requises pour obtenir les allocations de chômage. C’est le cas de nombreux travailleurs migrants, des travailleurs pour les plateformes collaboratives comme Uber ou Deliveroo, ou encore d’un grand nombre de travailleurs licenciés qui n’ont pas pu accéder aux sites Internet du chômage soit parce qu’ils étaient trop occupés, soit parce qu’ils s’étaient écrasés. Cela signifie que près d’un tiers de la main-d’œuvre étasunienne vient de devenir sans-emploi.
Le besoin des capitalistes de forcer les travailleurs – ceux qui ont encore un emploi – à reprendre le travail pourrait rendre impossible de contenir la pandémie, car le marché boursier a besoin de la réouverture de l’économie pour se redresser. Lorsque la pandémie ne sera plus le principal problème, la plupart des emplois perdus ne reviendront pas. Ce qui conduit à une dépression capitaliste, c’est que le système dépend des travailleurs pour acheter des biens et des services. Or, le chômage important qui marque la dépression signifie que les travailleurs ne pourront pas acheter tous les biens que la surproduction capitaliste doit vendre sur le marché.
Naturellement, ce seront les travailleurs issus de l’immigration, ceux qui luttent pour survivre dans des conditions normales, qui souffriront le plus. Nous devons nous préparer à la dévastation inimaginable que la pandémie et la crise économique vont causer aux peuples du Sud. Mais les travailleurs qui vivent dans les principaux pays impérialistes, ceux qui pensaient jouir d’une bonne situation, surtout avant la récession de 2008, seront également très durement touchés par cette tempête.
Tout le monde, sauf les riches, exige la fin du capitalisme
C’est le moment de faire les comptes. Pour tout esprit rationnel, il est tout à fait incompréhensible que le pays le plus riche du monde, bénéficiant du plus haut niveau de développement scientifique et technologique de l’Histoire et jouissant de ressources pratiquement inépuisables, soit en quelque sorte incapable de protéger la société d’une pandémie mortelle. Ce n’est pas seulement l’incompétence de Trump. Les présidents et les politiciens des partis démocrates et républicains ont fidèlement soutenu les mesures qui éviscéraient la qualité des soins de santé offerts aux travailleurs et aux pauvres.
C’est pour cette raison qu’il n’y avait pas suffisamment de lits d’hôpital, d’équipement de protection, de respirateurs et de travailleurs de la santé pour répondre à la pandémie. Les mesures qui ont rendu les hôpitaux complètement mal préparés à protéger la population ont été la conséquence d’une campagne d’austérité que les capitalistes ont lancée dans l’espoir de sauver leur système en déroute. Que les capitalistes soient malfaisants ou non est hors de propos.
Le problème fondamental est que les capitalistes ne peuvent pas faire ce qui est le mieux pour la société parce que ce n’est pas dans leur intérêt de le faire. Leur intérêt est d’accumuler toutes les richesses qu’ils peuvent, de maximiser les profits, d’exploiter la main-d’œuvre et de maintenir leur pouvoir sur la société. Si les intérêts des gens étaient primordiaux et si c’était nécessaire pour arrêter la pandémie, les travailleurs pourraient rester chez eux en toute sécurité sans craindre de perdre leur emploi.
Ce n’est pas l’économie qui doit être fermée, c’est le capitalisme. Le capitalisme ne peut pas nous protéger des pandémies, des changements climatiques ou de tous les dangers auxquels nous sommes confrontés. En raison de cette crise qui change le monde, de plus en plus de gens vont se rendre compte que le capitalisme est incompatible avec les besoins immédiats de la société et que sa continuation est une menace existentielle pour toute vie sur la planète. Jusqu’à ce que nous mettions un terme au capitalisme, nous serons tous à la merci d’une petite classe de parasites super-riches, qui se rétrécit.
Désormais, changer de système doit être l’objectif de la classe ouvrière
Nous avons atteint le point où il n’est plus utile de dévoiler simplement les méfaits du capitalisme, ou de simplement viser à la réformer. Le capitalisme ne peut pas être réformé. Il doit disparaître. Même si le capitalisme se désagrège et est incapable de récupérer pendant une longue période, s’il n’est pas mis à bas, avec suffisamment de temps, le capitalisme se reconstituera. Évidemment, soutenir la lutte pour les besoins immédiats des travailleurs reste absolument essentiel. Il n’y a aucune chance de lutter pour le pouvoir sans lutter pour les besoins fondamentaux des masses populaires.
La lutte pour le socialisme ne doit pas être considérée comme distincte de la lutte pour le droit de chacun à un emploi ou à un revenu, aux soins de santé, à une augmentation du salaire minimum, à l’arrêt des expulsions et, surtout, au droit et au besoin de la classe ouvrière de s’organiser elle-même comme jamais auparavant.
Marx et Engels ont offert une perspective révolutionnaire à ce sujet dans le «Manifeste communiste» : « De temps à autre, les travailleurs sont victorieux, mais leur triomphe est éphémère. Le vrai résultat de leurs luttes, ce n’est pas le succès immédiat, mais l’union de plus en plus étendue des travailleurs ».
Comment combiner efficacement la lutte pour mettre fin au capitalisme et l’instauration du socialisme avec les luttes quotidiennes des travailleurs? Voilà désormais le défi central pour toutes les forces révolutionnaires. Pour relever ce défi, il faudra tirer des leçons de l’Histoire et déterminer comment les enseignements du passé sont applicables aux conditions d’aujourd’hui. Ce ne sera pas facile. Ce sera un processus impliquant des erreurs et des revers, ainsi que des victoires.
Mais nous n’avons d’autre choix que de nous engager sur la voie qui mène finalement à la révolution. Le capitalisme ne disparaîtra pas simplement. Il faut y mettre fin. Nous ne pouvons pas prédire avec certitude le moment précis où une véritable situation révolutionnaire sera à portée de main aux États-Unis. Cela dépendra de beaucoup de choses, y compris la préparation de la classe ouvrière, la seule classe suffisamment grande et puissante pour mettre fin au capitalisme. Mais nous pouvons dire que les événements d’aujourd’hui ouvrent des voies à la révolution qui n’existaient pas il y a peu de temps.
Matérialisme dialectique et révolution
Le socialisme jouit d’une nouvelle popularité qui a stimulé l’ascension des socialistes démocrates et la campagne de Bernie Sanders. Mais il y a un problème important dans les discussions qui portent sur la meilleure voie pour accéder au socialisme. Elles semblent généralement supposer que les conditions défavorables à la radicalisation de la classe ouvrière ont perduré pendant trop longtemps, si bien qu’elles seraient statiques et immuables. On en tire les conclusions que la période du léninisme et de la révolution sont dépassées depuis longtemps et que par conséquent, la classe ouvrière des États-Unis ne verra jamais d’autres voies que celle des élections capitalistes, car ces élections sont liées aux traditions, aux institutions et à l’influence de la bourgeoise étasunienne.
Comment combiner efficacement la lutte pour mettre fin au capitalisme et l’instauration du socialisme avec les luttes quotidiennes des travailleurs?
Le problème de cette réflexion est qu’elle laisse de côté un élément essentiel sans lequel tout changement, en particulier la révolution, serait impensable. Cet élément est le matérialisme dialectique. Les conditions matérielles, qui changent constamment, imposent finalement le changement social. Peu importe le temps que ça prend et peu importe que le fait que nous le voyions venir ou pas. La classe ouvrière peut bien être politiquement inactive pendant de nombreuses décennies, des changements radicaux dans les conditions matérielles peuvent survenir et propulser dans un délai relativement court les travailleurs à un nouveau niveau de conscience politique, même révolutionnaire.
En ce moment même, les conditions matérielles sont en train de créer les conditions politiques d’un changement révolutionnaire. Il ne faut pas minimiser ce qui est en jeu ici ! Certaines forces pensent qu’une réforme seulement possible. Si ce sont seulement ces forces qui influencent la classe ouvrière, il sera alors impossible pour la classe ouvrière de se libérer de la classe dirigeante et de ses partis politiques. En conséquence, l’indépendance et le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière sera sapé, ce qui aidera le capitalisme à traverser cette expérience de mort imminente.
La dernière fois que la possibilité d’une révolution présentait une réelle menace pour la classe dirigeante étasunienne, c’était lorsque la force de rébellion de la classe ouvrière était à son sommet, dans les années 1930. Le président Franklin Delano Roosevelt a sagement fait pression sur la bourgeoisie US pour qu’elle accorde les concessions du New Deal à la classe ouvrière. Roosevelt était préoccupé par les perspectives d’un remake de la Révolution russe chez lui. Ce furent des concessions importantes. Mais elles ont également aidé l’impérialisme US à survivre à la Grande Dépression, lui permettant de devenir le leader incontesté du monde capitaliste pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les marxistes sont accusés de prédire prématurément la fin du capitalisme depuis la publication de la première édition du «Manifeste du parti communiste» en 1848 à Londres. Je dirai simplement qu’aucune prédiction n’est valide tant qu’elle n’est pas confirmée par les événements. Mais crier au loup ne sera plus une fausse alerte. Nous devons prendre les possibilités au sérieux. Tout d’abord, la classe dirigeante étasunienne ne semble plus aussi invincible qu’auparavant.
le capitalisme est une menace existentielle pour toute vie sur la planète.
Si l’on regarde derrière le rideau du magicien d’Oz tout puissant, on trouve une classe dirigeante qui n’a jamais été aussi peu confiante. La plupart des membres de la classe dirigeante aiment Trump parce qu’il est prêt à tout faire pour les rendre plus riches, pas plus tard, mais maintenant. Pourtant, le simple fait qu’un démagogue embarrassant, incompétent et charlatan soit le chef de l’impérialisme US en dit long sur l’état de la classe dirigeante étasunienne.
En réalité, la classe dirigeante impérialiste la plus puissante de l’histoire est maintenant très faible et démoralisée. Elle souffre en outre d’un manque de crédibilité politique. De plus, sa réponse à la pandémie de COVID-19 va encore l’affaiblir. Au moment de la plus grande crise mondiale de tous les temps, le choix du prochain président se situe entre Trump et Joe Biden, un politicien profondément convaincant, qui, comme Trump, est également un agresseur sexuel.
Bien sûr, l’impérialisme US reste toujours très dangereux, peut-être encore plus dangereux maintenant parce qu’il lutte pour sa survie. L’impérialisme US possède toujours la plus grande économie parmi les pays impérialistes, le plus d’armes nucléaires ainsi que l’armée la plus importante, la plus meurtrière et la plus avancée sur le plan technologique. Avec une dépression économique qui ralentit ses perspectives de réélection, Trump pourrait essayer quelque chose de radical et de violent pour détourner la crise ailleurs.
Que fera la classe dirigeante? Que fera la classe ouvrière?
Personne ne peut dire avec certitude comment se dérouleront ces crises économique et politique qui gonflent. La classe dirigeante a été forcée, du moins pour le moment, de mettre de côté son petit manuel de l’austérité qui régit ses décisions depuis plusieurs décennies. Le gouvernement a agi de manière plus drastique et beaucoup plus rapide que lors de toutes les crises précédentes. Il a injecté des milliards de dollars dans l’économie. Mais la plus grosse partie de ces fonds est allée aux grandes multinationales.
La plupart des personnes qui ont besoin d’une petite aide financière n’ont pas encore reçu ou n’ont pas droit à l’argent qui est censé aller aux travailleurs. Mais on remarquera que le gouvernement n’avait jamais prétendu apporter une telle aide à une si large échelle auparavant. De manière générale, le gouvernement ne s’est jamais engagé dans de telles mesures sans qu’une grande lutte de masse l’y oblige. Le fait que les capitalistes y soient contraints montre à quel point cette crise est grave et exceptionnelle. Certains des grands capitalistes se plaignent déjà que le gouvernement sape le capitalisme et ajoute des billions de dollars à la dette qui finira par briser leur système. Que fera la classe dirigeante lorsque le chômage prendra des proportions dantesques et irréversibles? Si les forces de la classe dirigeante parviennent à s’entendre pour continuer à fournir indéfiniment une aide d’urgence massive à l’économie, elles pourront peut-être prévenir une rébellion sociale, alors qu’elles cherchent un moyen de sortir de la crise. Mais ce scénario semble peu probable.
Plus probable, les capitalistes et leurs politiciens refuseront de continuer à faire couler les dépenses. L’économie capitaliste pourrait sombrer dans une chute libre. Tant au niveau national qu’aux échelons inférieurs, l’appareil politique du système pourrait devenir paralysé, et commencer à s’effondrer. La police, sur laquelle le système s’appuie comme première ligne de défense contre les travailleurs, pourrait perdre toute motivation et devenir inefficace. Les membres de l’armée pourraient aussi se diviser sur une base de classe.
Imaginez dans ces circonstances si le mouvement ouvrier se développait et s’enhardissait, s’il devenait très organisé et capable de se préparer à une lutte pour le pouvoir. Ce scénario semble trop beau pour être vrai. Ce qui s’annonce sera en réalité beaucoup plus complexe et prendra beaucoup de temps. Cependant, nous ne ferons jamais une révolution sans pouvoir en imaginer la possibilité.
Un nouveau danger fasciste ?
Rien n’illustre mieux les dangers pour le mouvement ouvrier que les menaces de guerre et de fascisme. Les puissances impérialistes ont utilisé ces deux armes pour détourner la crise capitaliste des années 1930. Un effondrement économique catastrophique, une classe dirigeante affaiblie et une grande partie de la petite bourgeoisie perdant leurs entreprises sont les conditions classiques qui pourraient pousser une partie de la classe dirigeante à se tourner vers le fascisme afin de sauver son système. Trump a contribué à ouvrir la voie à une telle éventualité.
Nous devons prendre ce danger extrêmement au sérieux. Cependant, il n’est pas inévitable qu’un mouvement fasciste devienne suffisamment fort pour prendre le contrôle du gouvernement et de l’appareil d’État. Le facteur décisif ne sera pas une élection particulière ni le fait que les dirigeants du Parti Démocrate occupent plus de postes électifs que les Républicains. Pour les milliardaires qui financent des mouvements fascistes en période de crise grave, l’objectif principal est d’écraser le mouvement ouvrier. Finalement, ce ne sera pas seulement la taille et le niveau d’organisation du mouvement ouvrier, mais le sentiment de sa propre force et de son propre pouvoir, ainsi que son orientation révolutionnaire, qui détermineront quelle force écrasera l’autre.
L’organisation de masse de la classe ouvrière : une nécessité politique absolue
Malgré tout ce à quoi la classe ouvrière est soumise, elle se soulève et riposte. Nous ne savons pas encore quand les conditions seront à nouveau sûres pour que les travailleurs puissent descendre en nombre dans la rue. Mais nous assisterons probablement à une colère et rébellion de masse que nous n’avions jamais vue auparavant. Même dans des conditions extrêmement difficiles, les travailleurs occupant des emplois sans pouvoir être syndiqués, comme à Amazon, Whole Foods, Instacart, Target ou ailleurs, ont organisé des débrayages et des grèves le 1er mai pour exiger des conditions de travail sûres et un congé de maladie rémunéré.
Des travailleurs de la santé aux travailleurs agricoles migrants, des épiciers et aux prisonniers, les travailleurs du monde entier se battent pour le droit de rester en vie. Les forces progressistes et révolutionnaires doivent soutenir ces travailleurs. Ce soutien doit se manifester pas seulement avec des mots, mais avec des actes concrets de solidarité. Les millions de chômeurs vont se transformer en mouvement. Nous devons aider ces travailleurs dans leur besoin de s’organiser, mais aussi de toutes les autres manières utiles et possibles.
La différence entre le monde d’il y a quelques mois et le monde d’aujourd’hui est incalculable. Tout a changé.
De nombreux syndicats perdent des membres. Cela signifie qu’ils perdront des ressources, ce qui rendra leur survie plus difficile. D’un autre côté, la période la plus importante et la plus militante pourrait s’ouvrir maintenant pour les organisations de travailleurs. Il faudra une organisation de bas en haut et non de haut en bas. L’organisation de masse de la classe ouvrière comprendra tous les travailleurs, y compris les travailleurs incarcérés, les travailleurs migrants, les sans-papiers, les chômeurs, les travailleurs ubérisés, les travailleurs du sexe, les vendeurs de rue, les entrepreneurs indépendants et tous les autres travailleurs que le système veut marginaliser. Cela comprend les travailleurs d’usine, les employés de bureau, les travailleurs à bas salaire et les travailleurs municipaux, étatiques et fédéraux.
L’organisation de la classe ouvrière est plus qu’une stratégie. C’est une nécessité politique absolue sans laquelle nous ne pouvons pas maximiser la solidarité de classe et l’emporter dans l’élargissement de la lutte de classe. Les syndicats qui sont prêts à être utiles dans cette tâche feront la plus grande différence. Mais si de tels syndicats ne sont pas impliqués, nous ne pouvons pas permettre que cela retienne l’organisation des travailleurs.
Il appartiendra aux travailleurs, avec toute l’aide et la solidarité que nous pouvons apporter, de former des assemblées ou des conseils de travailleurs à tous les niveaux, du lieu de travail à la ville et à la région. L’avantage des assemblées de travailleurs est qu’elles sont ouvertes à tous les travailleurs et chômeurs, quelles que soient les circonstances. Ces assemblées devraient aussi être ouvertes aux étudiants et aux jeunes, aux retraités et à toute autre personne pouvant aider. Si elles sont ouvertes, cela rendra le mouvement ouvrier potentiellement énorme, inclusif et libéré des liens avec le Parti démocrate ainsi que des idées et des conceptions restrictives et étroites qui sont malheureusement trop courantes parmi les dirigeants actuels du mouvement syndical.
En outre, si le lieu de travail, l’industrie et la géographie restent au cœur de l’organisation des travailleurs, les changements et les nouvelles conditions rendent possible la nécessité d’organiser les travailleurs au-delà de leur lieu de travail. Alors que de nombreuses luttes prennent de l’ampleur, se transforment en luttes politiques puis en luttes pour le pouvoir, minimiser tout ce qui crée des barrières et des frontières dans l’organisation de la classe ouvrière sera une nécessité stratégique.
Préparons-nous à ce qui nous attend !
Aux militants démoralises par la campagne de Bernie Sanders, à ceux épuisés d’avoir consacré tant d’énergie à des luttes difficiles qui ne se sont pas bien déroulées, à ceux qui croyaient qu’un monde meilleur est possible avant de déchanter, à ceux qui sont traumatisés et se sentent impuissants à cause de ce qui s’est passé ces derniers mois ou même avant, écoutez bien!
La différence entre le monde d’il y a quelques mois et le monde d’aujourd’hui est incalculable. Tout a changé. Tout ce que nous ressentons maintenant, c’est la souffrance, la peur, et l’incertitude. Mais de ces affres naissent des révolutions.
Que le capitalisme puisse être renversé plus tôt que tard ne dépend pas uniquement des aspirations des révolutionnaires, d’autres conditions indépendantes de notre contrôle doivent également être prises en compte. Toutefois, notre volonté et notre disponibilité pourraient devenir décisives. Si nous ne sommes pas prêts et motivés, accepterons-nous de remettre à une prochaine génération le devoir de renverser le capitalisme? Accepterons-nous de permettre au système de continuer à mettre en danger la planète et toute vie qui s’y trouve?
Travaillons tous à nous remettre sur pied et à nous épauler les uns les autres pour que nous puissions faire l’Histoire. Les travailleurs et les peuples opprimés de cette planète ont besoin de révolutionnaires dévoués qui sont prêts à tout sacrifier pour ouvrir la voie à un monde nouveau, libre de toute oppression. Ils n’ont pas besoin de révolutionnaires pour se substituer aux masses. Ils ont besoin que chacun donne à la lutte tout ce qu’il peut donner, ils ont besoin de ceux qui sont capables de faire de la lutte le travail de leur vie.
Larry Holmes est le premier secrétaire de Workers World Party basé aux Etats-Unis d’Amérique
Workers World, 8 mai 2020
Traduit de l’anglais par Jean-Louis Scarsi
Investig’Action, 22 mai 2020