Pastè, pè, moun fou menm yo ye
Yo di sa yo vle, yo fè sa yo vle
Lè yo vle jan yo vle kote yo vle
Pesonn pa fouti di si yo peche
Les dernières statistiques relatives à la cuisante de la problématique de la santé mentale nous ont donné une idée des pays champions dans la production de malades mentaux dans le monde. « En 2011, sur un total de 18 pays, la France à elle seule comptait 21% suivie des Etats-Unis avec 18% de leur population confrontée à des troubles mentaux ». C’est ce qu’ont révélé les données d’une étude fournies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Ces statistiques permettent de découvrir que les populations des pays dits riches sont confrontées à plus de dépressions que ceux appauvris par les élans d’avarices incurables de ces prédateurs insatiables. Encore plus alarmant, une personne sur huit dans le monde présente un trouble mental quelconque. C’est ce que nous a confié le psychiatre responsable du Centre Mars/Kline au cours d’une visite effectuée en 2021.
« Les troubles mentaux engendrent une altération majeure de la pensée, de la régulation des émotions ou du comportement. Cependant, il existe de nombreux types de troubles mentaux. Certes des options de prévention et de traitement efficaces existent. La plupart des personnes malades n’ont pas accès à des soins efficaces tant les médicaments sont couteux. Et les parents ou proches des malades mentaux n’ont pas les moyens nécessaires pour y parvenir ».
Santé mentale en Haïti
A aucun moment de la durée, aucun des responsables de santé en Haïti ne dispose de suffisamment de lucidité pour parvenir à se rendre à l’évidence que la psychiatrie ne relève pas de la problématique de santé publique, et qu’elle doit faire partie des urgences. Tentons de faire la lumière sur les différentes façons que peuvent se manifester les troubles mentaux. Ils se caractérisent généralement par une altération majeure.
Cette altération majeure peut paraitre sur le plan clinique, de l’état cognitif, de la régulation des émotions ou du comportement d’un individu. Ils s’accompagnent habituellement d’un sentiment de détresse ou de déficiences fonctionnelles dans des domaines importants. Il existe de nombreux types de troubles mentaux, désignés aussi sous le nom de problèmes de santé mentale. Cette dernière expression, plus large encore, englobe les troubles mentaux.
Les handicaps psychosociaux et d’autres états mentaux associés à un sentiment de détresse, à des déficiences fonctionnelles ou à un risque de comportement auto-agressif importants. Les principaux repères se concentrent sur les troubles mentaux décrits dans la Onzième Révision de la Classification internationale des maladies (CIM-11) selon l’OMS, en 2019, une personne sur huit dans le monde, soit 970 millions de personnes souffrait d’un trouble mental.
Parmi elles, les troubles anxieux et les troubles dépressifs étaient les plus courants. A partir de 2020, le nombre de personnes atteintes de tels troubles a augmenté considérablement du fait des conséquences hautement négatives de la pandémie de COVID-19 dont elles ont été atteintes. Les premières estimations indiquent une hausse de 26 % et 28 %, respectivement, pour les troubles anxieux et les troubles dépressifs majeurs en l’espace d’une année seulement.
C’est une évidence mille fois prouvée qu’il existe des options de prévention et de traitement efficaces. Cependant, la majeure partie des individus présentant des troubles mentaux n’ont pas accès à des soins efficaces juste par manque de moyens pécuniaires. Nombre d’entre eux sont également victimes de stigmatisation ou de discrimination et subissent des violations de leurs droits de la part de cette société qui n’en a cure.
Accroissement des malades mentaux en Haïti
Le nombre de malades mentaux ne cesse de s’accroitre chez nous. Les gens aux comportements anormaux qui fréquentent les principales artères de nos villes depuis un certain temps nous ont vivement interpellés. C’est d’ailleurs ce qui nous a motivé pour aborder aujourd’hui la problématique de ceux et celles qui sont victimes de maladies mentales avec toute l’acuité nécessaire.
Cette catégorie spéciale, frappée de ce handicap majeur, la privant de sa lucidité, s’est vue contrainte de vivre en marge de cette société qui méprise même des gens normaux, voir ceux aux besoins spéciaux. Chez nous, ils baladent jours et nuit dans les rues, vivent dans les marchés, sur les trottoirs ou les places publiques. L’un des malades mentaux les plus célèbres des années 80 s’appelait Degré Zewo.
Plus de 40 ans de cela, il fréquentait la Rue Monseigneur Guilloux entre l’Ecole Normale Supérieure, l’Enarts, la Facultés des Sciences juste à quelques mètres du Centre Mars/Klein. Paradoxalement, ce centre en principe a pour mission de prendre en charge les handicapés mentaux. Degré Zéro de style dread lock, avait toujours un livre et des journaux en main ou dans son sac et était paradoxalement assez articulé.
Mais ses habits le trahissaient à première vue. Mais, Degré Zewo n’était qu’un prototype de ces malades mentaux qui pullulent dans plusieurs artères de la capitale haïtienne. A la seule et unique différence il était très différent des autres malades de sa catégorie. C’est d’ailleurs ce qui a fait son originalité parce qu’il rodait autour de certaines facultés du centre de Port-au-Prince.
L’Hôpital Défilée de Pont Beudet
En 2001, une obligation professionnelle nous a conduit jusqu’à Pont Beudet, siège de l’Hôpital Défilée située à la sortie nord de la Croix des Bouquets. Ce centre, entretenu par l’Etat à travers le Ministère des Affaires Sociales et du Travail, servait de dépôt pour les aliénés mentaux. Dans l’exiguïté de ces chambres aux murs non peinturés de 2½ mètres par 1 ½ mètre et mal entretenues, est enfermée la victime derrière un quadrillage en fer forgé enduit de minium.
Juste un matelas tacheté par endroits, bondé de crasses et de poussière grise étalé à même le sol est le seul meuble qui s’y trouve. Au fond un trou recouvert d’un siège en blocs sans fosse ventilée, sert de latrine pour les besoins physiologiques d’usage recto et verso. Car, il n’est pas permis au locataire des lieux d’emprisonnement de dépasser les limites de la petite barrière. Nous étions tellement choqués par la façon dont les gens lucides traitent les malades mentaux que nous ne savions quoi dire.
Nous avons été informés quelques années après qu’un des malades s’est un jour immolé au centre de Pont Beudet. « Ki kote nonm nan do jwenn alimèt sa a » ? Ce simple exemple suffit amplement pour illustrer le comportement des gens normaux face aux malades mentaux. C’est aussi la preuve par 10 qu’en Haïti, la problématique de la santé mentale ne fait pas partie des priorités de l’Etat.
Et, l’Hôpital Défilée est aussi malade pour ne pas dire plus grave que les malades mentaux qu’il héberge. Pire encore, jusqu’en 2016, Haïti disposait de moins d’un psychiatre ou d’un psychologue pour 100.000 malades mentaux. Nous parions fort que les malades mentaux auraient suffisamment de bon sens et de défense pour accorder un traitement plus humain aux gens normaux.
« Toute personne a droit aux meilleurs soins de santé mentale disponibles, dans le cadre du système de santé et de protection sociale. Toute personne atteinte de maladie mentale ou soignée comme telle doit être traitée avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine » Tels sont les principes établis pour la protection des personnes atteintes de Maladie Mentale.
Troubles anxieux, Phobie, Trouble de la personnalité limite (TPL), Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), Trouble obsessionnel-compulsif (TOC), Troubles de l’humeur. Dépression, Troubles psychotiques, Maniaques Dépressifs etc. Ce sont là autant de caractéristiques de personnes souffrant de maladie mentale et qui ont des besoins spéciaux. Et, ironie du sort, malencontreusement, il se trouve que c’est le cadet des soucis des autorités sanitaires.
La situation de Silianise Pierre
La place Boyer à Pétion-Ville en est l’un des sites où règne à longueur de journée une ambiance à nulle autre pareille. Marché public, séance de sports, lieu de spectacles au grand air et de rencontres sentimentales, tout s’y trouve. Depuis plusieurs mois, son sac gris déposé juste à côté d’elle, je la vois assise toujours à la même place, où siégeait sa voisine fidèle Madame Boyer. Le dossier de Madame Boyer à lui seul constitue un véritable cas d’études sociologique de ces marchandes de sensations en plein jour.
C’est ainsi que par un beau matin de juin dernier, j’ai enfin décidé d’entreprendre une conversation avec Silianise Pierre. « Monsieur fais-moi cadeau de quoi m’acheter de quoi me mettre sous les dents. J’ai tellement faim et que je ne compte que sur ta précieuse aide pour le petit déjeuner. Je t’en prie cher monsieur ». Dans le but de faciliter l’entretien, j’ai sur le coup obtempéré à sa demande. Car d’habitude l’on ne s’adresse à ces types de personnes que pour se moquer d’elles.
Devenue mon amie à qui j’ai certaines redevances pécuniaires, elle me raconta ses déboires. Comment elle a pu finir par échouer jusqu’ici loin des regards de sa famille après que son mari l’eut abandonnée seule dans sa maison. « Je dépends strictement de la clémence de ceux et celles qui fréquentent les lieux pour me nourrir. Pour mes besoins physiologiques, je vais dans la ravine juste un peu plus haut d’ici », s’est-elle confiée à nous.
Silianise a poursuivi pour m’apprendre qu’elle passe la nuit allongée dans un coin de la place bien entendu avec l’aval des agents de sécurité. Quand il pleut elle s’abrite sous un arbre. Cependant, j’ai remarqué son absence depuis quelques mois. Ce qui m’a porté à m’adresser à « Madan Bwaye » pour savoir ce qu’il en retourne. « Elle a giflé une personne à qui elle a demandé l’aumône et qui ne lui en a pas donné. Ainsi, les agents de sécurité l’ont contrainte de déguerpir sur le coup ». Ainsi prit fin la triste histoire de Silianise Pierre.