Le replâtrage ministériel et les changements de directeurs dans les différentes administrations de l’Etat ne font qu’officialiser la division entre les acteurs. Mais ils ne renforcent pas nécessairement une certaine décantation au sein de la classe politique.
Pourtant, il est évident pour l’avancement d’une lutte ou d’une cause qu’une certaine décantation s’impose. C’est une nécessité fondamentale. Même si le pays est cruellement déchiré par les tensions, les rivalités entre les laquais au service des puissances tutrices, il est même salutaire qu’il y ait une forme d’épuration dans la jungle politique haïtienne.
Les divergences, quand elles éclatent peuvent aider à éclaircir le cafouillage politique et permettre de débusquer les imposteurs en les poussant à montrer leur vrai visage ou à déceler la vraie mission de ces individus dans la lutte. Bien souvent, et dans des cas bien précis, elles aident à démasquer très tôt les démagogues, les cinquièmes colonnes avant qu’il ne soit trop tard.
Dans la lutte acharnée opposant divers groupes pour l’appropriation du pouvoir, ce n’est d’ailleurs, pas un hasard, que les dirigeants actuels, c’est-à-dire, le Premier ministre a.i Ariel Henry et les signataires de l’accord du 11 septembre et les autres attendant impatiemment leur tour, entre autres, les signataires de l’accord de Montana et ceux du Protocole d’Entente nationale ont délibérément attendu les décisions de Washington avant d’agir. Toutes ces entités ont pour point commun, d’être soumis au diktat de la domination américaine. Voilà pourquoi les Etats-Unis ne se sont pas inquiétés de leurs discours et n’ont aucune objection aux actions qu’elles entreprennent, puisqu’elles contribuent de manière pérenne à la débâcle du pays.
Ils se prétendent révolutionnaires tout en jetant un regard dédaigneux sur les masses défavorisées, dans la mesure où ils n’ont aucun lien avec les opprimées, les exploitées.
La militance au sein de n’importe quel mouvement politique c’est comme voyager dans un train de transport public. Tous les voyageurs n’ont pas forcément la même destination. Au fur et à mesure que le train avance des voyageurs descendent et d’autres montent. Très souvent, arrivée au terminus, il reste d’avantage de nouveaux passagers que ceux qui l’avaient pris au départ.
Nous, du journal Haïti Liberté, nous ne sommes pas étonnés de ce genre de revirements et d’abandons. Cela fait partie de la nature humaine. Ces manifestations font partie intégrante de la vie politique. Nous le savons tous, il n’y a pas de combat politique sans trahison, intrigue de toute sorte, l’essentiel est la façon de le gérer et de garder la vigilance pour éviter le pire.
Ce n’est pas sans raison, au Fort de la Crête-à-Pierrot, Dessalines déclara à ses soldats « ceux qui veulent rester esclaves des Français sortent du fort et ceux au contraire qui veulent mourir en hommes libres, se rangent autour de moi ». Il savait fort bien qu’il pourrait y avoir des indécis. Ceux qui n’étaient pas prêts à aller jusqu’au bout de leur rêve.
Cependant, aujourd’hui la voie n’est pas ouverte à un renouveau politique en Haïti, la tendance est plutôt pour masquer davantage la réalité. La situation actuelle au sein de ce qu’on appelle « la gauche ONGiste, pro-impérialiste » est un exemple concret et gênant. Présentement, il y en a beaucoup de ces individus de cet acabit et leur pratique laisse à désirer. Ce sont toujours les conjonctures qui les conduisent, un comportement opportuniste qui les mène parfois à prendre langue avec les réactionnaires et cela ne les dérange guère.
Bien souvent, ils prennent leurs désirs pour des réalités. Ils se prétendent révolutionnaires tout en jetant un regard dédaigneux sur les masses défavorisées, dans la mesure où ils n’ont aucun lien avec les opprimées, les exploitées. Les prolétaires sont leurs plus grands ennemis, tandis qu’ils n’ont aucun problème avec les classes possédantes à l’exemple de l’alliance contre nature du MPP de Chavannes Jean-Baptiste et Charles-Henry Baker du groupe 184.
Ils sont très critiques envers les ghettos mais n’ont jamais eu le courage pour dénoncer ceux qui distribuent les armes dans ces zones-là. « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes» nous a indiqué Jacques-Bénigne Bossuet.
Durant toute leur militance, ces gauchistes ne font que de publier des notes de presse. Ils ne développent aucun intérêt à organiser les masses ouvrières. Tout comme les ambassadeurs américains Kenneth Merten et Daniel Foote, ils ont vu et dénoncé Jimmy Chérizier comme un dangereux malfaiteur puisqu’il s’est déclaré avec son organisation être ou voudrait être un révolutionnaire. Pourtant, ces messieurs font un silence de cimetière sur Réginald Boulos qui se dit être lui-même le « Fidel Castro haïtien », et qui emploie dans son parti un bon nombre de gens de la petite bourgeoisie et des masses laborieuses.
C’est le propre de l’extrême-gauche de saboter ceux qui s’efforcent de construire quelque chose de réaliste. De concret, lorsque la révolution cubaine a chassé Batista, les ultra-gauchistes cubains ont inventé un slogan ridicule : « Cuba si, Fidel no ». Par ce mot d’ordre, ils prétendaient défendre la révolution tout en reniant le dirigeant de la révolution : Fidel Castro.
Claude Moise n’a-t-il pas écrit au sujet de Jean-Jacques Dessalines : « que les belles intentions de Dessalines et sa participation à la guerre de l’indépendance – quelque héroïque fût-elle – ne suffisent pas pour faire de lui un leader révolutionnaire ».
Toujours est-il que ces petit-bourgeois à la traine de la droite, voire de l’extrême droite, veulent être le centre d’un éventuel renouveau politique. Mais ils se posent en « caciques » ou « barons » et c’est à eux de décider enfin qui sont révolutionnaires ou qui ne le sont pas.
Incontournable, cette vérité-là. Le vrai leader des masses sortira, qu’on le veuille ou non, au sein de la lutte et de la résistance des masses, non pas dans les rêves petit-bourgeois qui ne combattent aucune forme d’inégalité et d’injustice sociale.