Jouthe le bavard, Delille le gueulard

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Lucmane Delille, un va-t-en-guerre nan bouch qui va poursuivre les bandits « jusqu’aux… portes de l’enfer ».

C’est régulièrement que les clowns de Jovenel nous sortent un numéro des plus hilarants, des plus délirants, des plus burlesques, des plus cocasses. On arrive difficilement à croire que ces saltimbanques nous gouvernent. Enfin, c’est une façon de parler, car en fait, ils ne gouvernent pas, ils ne gouvernent rien, ils ne veulent non plus rien gouverner. Je vous parie que lorsque ce monde-là se réunit en grand conclave ministériel, ils doivent être à se regarder en chiens de faïence, méfiants, silencieux, inutiles, pensant, gauchement, à leur plus prochaine cocasserie.

Quand ils ne s’illustent pas, sans pudeur, par des actions époustouflantes de corruption, ils se lâchent à bride abattue, se laissent aller librement, sans retenue, à cœur ouvert, à gueule ouverte, à faire des déclarations des plus délirantes, des plus tordantes, des plus crevantes, des plus marrantes, des plus bouffonantes. On penserait qu’ils se cacheraient après leurs bouffonances, hélas ! non Au contraire, ils gardent dans leur manche une nouvelle connerie sur laquelle les médias dévorants se jetteront à belles dents analysantes.

les mecs politiques sont connus pour leurs bouffonneries, leurs conneries.

Á bien regarder, ce n’est pas d’aujourd’hui, ce n’est pas avec Jovenel que nos hommes et femmes d’État s’illustrent par des bouffonneries, des loufoqueries souvent sous forme d’outrances ou de grandiloquences verbales. Ça remonte à plus loin. D’ailleurs les mecs politiques sont connus pour leurs bouffonneries, leurs conneries.

1937. Le président Vincent est en visite dans une petite ville du pays. Il doit inaugurer un pont. Big deal ! Voici comment le maire de la cité l’accueille : « Vous êtes le père de la ville dont je suis la mère. » Vincent, prenier cynique de la nation, lui retourne l’ascenseur : « Votre maternel et chaleureux accueil vous vaut sûrement que l’on fasse de vous un député de la circonscription ». On se souvient de la fracassante déclaration de guerre du président Élie Lescot à l’Allemagne d’Hitler sous forme d’une gerbe de tonitruant et comique avertissement : « La nation est prévenue, le monde entier est averti ». Courageuse mise en garde, certes, mais le pauvre n’avait que ses deux bò derrière pour affronter les blindés du Führer.

On n’oubliera pas la « bamboche démocratique » que stoppa jal Namphy, sans doute pour faire oublier « l’Himmalaya de cadavres » du sinistre Jacques Fourcand, collègue et sorte d’alter ego de François Duvalier qui, lui, nous en avait sorti des vertes et des pas mures : « Je connais le peuple haïtien parce que je suis le peuple haïtien ». Même, dans un élan de suprême loufoquerie voisine de la folie, il avait pu dire : « Je suis le drapeau haïtien, seul et indivisible ».

René Préval a été bien plus humble. En fait, comparé au satrape on aurait bien pu avancer qu’il était d’une grande humilité. Il savait s’en sortir sans avoir jamais eu besoin de faire brûler une maison avec à l’intérieur un couple de vieux, leur petit-fils, un visiteur et une domestique. Sans jamais avoir eu besoin de passer à l’infinitif, par l’intermédiaire de sbires, deux ou trois familles dans le Sud du pays. Il savait s’en sortir, et pas comme les autres. Devinez : à la nage ; aussi avait-il recommandé au peuple de « naje pou sòti ». Sacré Ti Rene !

Passons à pieds joints, à toute bouline, sur le quinquennat de Martelly. Nous ne voulons guère traverser des mares de boue puante, respirer l’air fétide des grossièretés, obscénités d’un animal vautré dans la corruption, le mensonge et les insultes atroces dirigées contre les femmes. Malgré notre traversée toute-boulinante, nous n’avons pas pu éviter d’être atteint par quelques éclaboussures ; aussi l’on nous permettra de prendre une grande baigne de feuilles de petits baumes, pour nous sentir propres, le cœur et l’esprit prêts à reprendre la plume, enfin, le clavier.

Fritz William Michel. Son plat préféré : Côtelettes de cabri à l’ail sur patates douces bouillies à point. Sa spécialité : surfacturation pour dévaliser l’État. Son rêve : duvaliériser l’administration.

Nous voilà à présent, en compagnie de la bande à Jovenel dont les saltimbanques qui l’entourent se sont livrés, ces derniers temps, à pas mal de bouffonades, cocassades et autres loufoquades. Mais, à tout président, tout honneur et à tout paysan, tout respect. Á Jovenel ce qui est à Jovenel et à ses sous-fifres ce qui leur revient. L’Histoire retiendra du premier mandataire de la nation cet accent spontané d’honnêteté et d’humilité couché dans une percutante et paysannante affirmation : « Moi votre serviteur (sic), je suis un accident de ce système (resic) ». Aussi, ne lui en voudra-t-on pas d’être ‘accidentellement’ tombé dans un abysse de corruption.

Gisant encore au fond de cet abysse, nous avons trouvé gigotant sous le poids de la réprobation citoyenne un trafiquant de cabris, un ministre, bien sûr un proche de Jovenel, en l’occurrence le sieur Fritz William Michel, de son petit nom gâté Gwo Fito. Le malheureux, épuisé au fond de son abyssalité, n’arrêtait pas de se lamenter : se pa mwenmenm ki fè sa, se entèl… nan dezòd ak entèl, se entèl ki fè sa.

Après avoir été dénoncé par le sénateur Sorel Jacinthe, pour avoir distribué 500 000 dollars américains aux Sénateurs Wilfrid Gélin, Dieudonne Luma Étienne, Kédlaire Augustin et Jacques Sauveur Jean pour voter en faveur de sa déclaration de politique générale, le 11 septembre dernier, le mec s’était trouvé pris dans une gomme cabrite, bon, je voulais dire une affaire de surfacturation dans la vente de cabris et de plants de patates douces à l’État Haïtien.

C’est le politiquement vertueux sénateur Youri Latortue, citoyen au-dessus de tout soupçon, qui avait mis le pays au parfum. Á cette époque, Gwo Fito, chef de cabinet du ministre des Finances d’alors et président de « AGRISOL S.A » aurait vendu à l’Etat Haïtien, dans un premier temps, 200 bèbèbè pour un montant de 6 350 000 gourdes à raison de 31 000 gourdes par tête de bétail ; en un deuxième temps, 250 caprins à raison de 30 000 gourdes l’unité, soit un total de 7 500 000 gourdes « alors que sur le marché local, le prix d’un cabri ne dépasse pas les 10 000 gourdes. C’est de la surfacturation pure et simple », avait dénoncé le Sénateur Latortue. Bòkò kabrit o, mwen di bè !

Laissons Gwo Fito avec ses cabritudes pour rendre visite au bavard Joseph Jouthe, aussi indécent que l’ami Fito, quoique à sa façon. Il y a un refrain du Jazz des Jeunes des années 50, « Jout o, nwen di Jout o, sa w fè m kon sa, ala traka o ! Ala mizè o ! », qui tombe à pic maintenant. Oui, Premier ministre Jouthe. Vous avez suscité de la tristesse quand vous avez eu l’indécente audacité de nous laisser savoir que vous téléphoniez aux membres de gangs et que vous leur parliez à-l’aisement. Sa w fè m kon sa ? Ala traka o ! Quel tracas ! Quelle misère !

Joseph Jouthe, porte-voix des bandits dont il a l’oreille et dont il connaît les repères et les repaires.

L’huluberlu peut dire n’importe quoi, accoucher de n’importe quelle déclaration avortonne, il ne s’en rend même pas compte. La médiocrité n’est pas seulement d’ordre administratif chez lui, mais aussi et surtout d’ordre intellectuel ; ainsi: « Hier lundi, le président, lors d’une adresse à la nation, avait annoncé la distribution massive de masques. Hier, il avait raison (sic), mais aujourd’hui il n’a plus raison (resic) ». Du président et de son PM, lequel perd les pédales, enfin, lequel perd la raison ?

Jouthe a la langue pendue. Il parle trop. Se référant aux bandits qui écument le bicentenaire, tuant de paisibles citoyens, et contrairement à un de ses ministres, Jouthe eut à dire que : « Ce ne sont pas des ‘‘cafards’’ comme je l’ai entendu dire. » Alors, il ne faut pas les écraser, à coups d’Uzi, car « ce sont des êtres humains » martèle Jouthe. « Les gens m’appellent de partout qui demandent que je procède à l’arrestation et à l’élimination des bandits. Ces types ne méritent pas la mort. Ils sont des citoyens à part entière”. Ah ! bon. Le bavardeux poursuit : « Avant tout, je suis père de famille » ; comprenez que le PM a pris sous ses ailes, sous ses aisselles, d’autres enfants, d’autres bandits. Oui, PM Jouthe, pour la bavarderie, vraiment, je vous tire mon chapeau.

Dieu merci, Jouthe n’est pas seul dans la basse-cour des bouffonances et hilarances sui generis. D’autres ‘‘copains’’ lui tiennent compagnie. Ainsi, le ministre de la Justice Lucmane Delille, un bon dans toute l’acception haïtienne du terme. Le 15 avril dernier, flamberge au vent, il annonçait tonitruamment : « À la guerre comme à la guerre. Ces gens [les bandits] n’ont plus leur place dans la société. Ce sont des moustiques, des microbes sociaux, nous les écraserons à coup sûr. Nous allons les repousser. » Il aurait pu s’arrêter là, mais il lui a fallu consommer la bouffonnerie : « Nous allons les poursuivre jusqu’aux… portes de l’enfer ». Bonjour ! Lucifer.

Le 24 avril dernier, il s’est laissé aller à l’une de ces tonitruances verbales qui accordait 72 heures aux habitants de Village de Dieu pour se déplacer avant un foudroyant blitzkrieg destiné à déloger les gangs qui sévissent au portail sud de la ville. « Les bandits seront traqués et stoppés… Ceux qui sèment le deuil au sein de nos familles seront traqués avec la dernière rigueur », avait-il fulminé.

Lucmane a l’habitude des pratiques gueulardes

Avec raison, Le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) « a jugé irresponsable », en fait sinistre, la déclaration du ministre Lucmane Délille ordonnant aux habitants du Village de Dieu (périphérie sud de la capitale) de viser les lieux à compter du vendredi 24 avril 2020, afin d’éviter qu’ils ne soient victimes lors de prochaines opérations policières. Passé ce délai, soit le lundi 27 avril 2020 « nous ne serons pas responsables de ce qui pourrait leur arriver éventuellement », a éructé Lucmane Délille.

La risibilité, la ridiculité, tragique toutefois, de l’ultimatum est évidente. Les bandits ne vont sûrement pas rester sur place et offrir leur fal au feu justicier. Le reste des Villageois de Dieu ne va non plus s’offrir à la « dernière rigueur » de Lucmane. Alors, que restera-t-il comme cible à « traquer, à stopper » ? Les vaillants gardiens de la paix publique, les fusilleurs sous les ordres du ministre et de la PNH ils n’auront alors rien à se mettre sous la dent? La bouffonerie est claire. Lucmane a l’habitude des pratiques gueulardes ; il en abuse et ses gueularderies ne sont que cul de Nini.

Il n’est pas vain de souligner que lors de son installation, le 3 mars dernier, le gueulard avait prophétisé qu’« un jour viendra où l’on n’entendra plus parler de ces gens … La peur doit changer et va changer de camp ». Deux mois et dix-huit jours plus tard, la peur est encore tennfas dans le même camp, tennfas dans leur fiftiwann.  Les bonnes gens, les familles aux abois attendent encore de voir Malbrough s’en aller en guerre mironton mironton mirontaine. Il n’est jamais parti, voire qu’on pût s’attendre à le voir « revenir à Pâques ou à la Trinité ». N’empêche : « Nous semons la peur dans le camp des bandits », avait-il gueulé.

Le 3 mai écoulé voilà quelle était sa dernière posture bouffonne : « Hier c’était une question de temps, aujourd’hui c’est une question d’heure ». Je vous parie que demain ce sera une question de… seconde. Voilà ces misérables olibrius qui nous gouvernent. Ils ne sont pas tous malades de bavarderie et de gueularderie, mais ils meurent de s’en servir.

Et telefòn ne lâchez pas. Á la revoyure.

19 mai 2020

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