Jean Mapou est un écrivain, dramaturge et libraire haïtien. Né d’une mère cubaine de descendants haïtiens et de Anthony Daudier, le petit garçon prit naissance aux Cayes et on lui donna le nom de Jean-Marie Willer Denis ; sans doute, le nom de sa mère. Mais il nous faut signaler qu’il est le grand frère de feu l’artiste Jean-Michel Daudier, le compositeur et chanteur de la chanson populaire « lè m pa wè solèy la ».
Denis fut élevé par sa grand-mère du côté paternel. Cette grande dame avait voulu mettre son petit-fils à l’école, spécialement chez les Frères de l’instruction chrétienne ; mais comme il était âgé de 7 ans, les frères ne voulurent pas l’inscrire. Usant de l’astuce, cette grand-mère se rabattit sur l’acte de naissance d’un autre petit enfant du quartier nommé Gérard Charles, lequel était un restavèk de la zone du fait que ses parents étaient pauvres. La grande mère, débrouillarde comme elle seule, se présenta chez les Frères et leur dit : « voilà ses papiers, il a 6 ans maintenant et son nom est Gérard Charles ». Stupéfié par la belle audace de la vieille, les frères n’eurent d’autre choix que d’enregistrer le garçonnet et voilà comment il réussit à faire ses études primaires. Pour les études secondaires, cette même grand-mère s’est présentée devant le directeur du Lycée qui s’appelait Alix Denis. Elle expliqua au Directeur la situation et ce dernier accepta le garçon au Lycée Philippe Guerrier sous son vrai nom Jean-Marie Willer Denis et c’est cet homme là qui allait devenir le grand Mapou.
Après ses études académiques, il voulait être médecin. Mais, la coutume haïtienne de l’époque voulait que vous ayez un parrain proche du pouvoir pour réussir aux examens d’admission en médecine. Dans le cas contraire il est difficile que vous soyez accepté, puisque pareil privilège n’était réservé qu’aux enfants des grands potentats du pays ; alors que Denis n’en avait point.
Comme il n’était pas allé en médecine, Denis s’est réfugié à l’école privée de commerce Maurice Laroche où il étudia la comptabilité.
En Haïti, il partageait sa vie entre la Faculté d’ethnologie et l’éducation ; et c’est en éduquant les jeunes en français, qu’il a réalisé que les jeunes comprennent mieux en créole qu’en français. Sans doute, c’est ce qui l’a motivé à être un défenseur et également un promoteur de la langue créole.
A cette époque, nombre d’émissions de radios se faisaient en français et c’est Denis qui entama sur les ondes de Radio Caraïbes, une grande première à travers une émission en créole titrée : Emisyon Solèy de Sosyete Koukouy. En 1965, il créa avec d’autres amis le Mouvement Créole Haïtien. Sosyete Koukouy promouvait la langue maternelle haïtienne dans tous les esprits à travers la poésie, le théâtre et la danse.
En 1969, alors que Denis présentait son programme sur Radio caraïbes, les sbires de Papa Doc envahirent la station et se livrèrent à la répression. Quand les tontons macoutes entrèrent dans la cabine où Denis faisait sa présentation, ils le trouvèrent avec son camarde de lutte, Ernst Mirville, et ils lui demandèrent son nom. Il leur répondit Jean Mapou. Non, ce n’est pas votre vrai nom, rétorquèrent les Tontons Macoutes. Donnez-nous votre vrai nom ? Alors, il leur dit qu’il s’appelait Jean-Marie Willer Denis. Donc, vous dites que vous vous appelez Jean Mapou pour nous tromper, pour conspirer contre le gouvernement. Denis fut vite arrêté et emprisonné au Fort Dimanche avec 11 autres personnes où il a passé 4 mois dans cet enfer duvaliériste, rien que parce qu’il voulait former les jeunes du pays.
C’est en 1972 que Denis a émigré aux Etats-Unis, plus précisément à New-York ou il a vécu pendant 12 ans avant d’aller vivre à Miami où il a rétabli en 1985 la Sosyete Koukouy . En 1990, il a ouvert la Librairie Mapou à la Caribean Market Place qui continue jusqu’à nos jours de desservir la communauté haïtienne de la Floride. Il collabore toujours avec l’hebdomadaire Haïti en Marche dans lequel il publie une chronique très goûtée, « Tigout pa tigout »
«Mapou» reste un haïtien authentique qui a consacré plus d’un demi-siècle à la défense de la culture traditionnelle haïtienne et à la langue du peuple haïtien: le créole.