Lettre de Fanel Delva à Jovenel Moise
Je ne fais pas partie des 590 927 citoyens qu’on dit avoir voté pour vous. Et je ne vous aurais jamais confié la destinée de ma chère Haïti, puisque vous ne m’inspirez aucune confiance. D’ailleurs votre entourage constitué de corrompus et le parti politique auquel vous appartenez ne jouent nullement en votre faveur. Peut-être voulez-vous justifier ce proverbe : « Qui se ressemble s’assemble ».
Ma position est loin d’avoir le même objectif que celui de certains confrères journalistes, car je me contente de mon salaire, et j’apprends à vivre avec le strict minimum dans ce pays ruiné par votre mentor, et votre prédécesseur. D’autant que j’avais des parents honnêtes, bien qu’ils fussent pauvres, qui m’avaient appris à aimer Dieu et à vivre dans la droiture au sein de l’Église Adventiste du Septième Jour. Je veux seulement dire tout haut ce que des jeunes de ma génération auraient bien aimé vous dire.
Quel avenir pour la population, des jeunes en particulier, quand vous commencez déjà à gaspiller les maigres ressources de l’État dans des carnavals qui ne sont pas prioritaires, qui ne rapporteraient aucun bénéfice à l’État ? Des millions de gourdes pour des bamboches, ces fonds, n’auraient-ils pas pu servir à payer les arriérés de salaires des enseignants, doter les écoles publiques des matériels manquants ? Ce qui serait un geste témoignant de votre volonté pour redresser l’éducation, l’une de vos promesses de campagne. Étant donné que vous dîtes toujours que vous comptez continuer ce que Michel Martelly avait commencé, c’est normal que votre priorité soit le carnaval. En cinq ans, il en a organisé au moins cinq, mais vous, en moins d’un mois, vous en organiserez deux, officiellement. Et c’est sûr que l’élève doit dépasser le maître pour qu’il y ait progrès.
Vous avez visité l’hôpital général à la fin de la semaine dernière. Au moins vous vous êtes fait une idée de l’état de cet espace. Et j’avais cru que vous alliez vous indigner, en révisant vos priorités. Mais, hélas : le cocotier ne peut produire du café. Mais, quand même je crois au devoir de vous rappeler que vous devez vous indigner devant la douleur des citoyens souffrant d’insuffisance rénale qui n’arrivent pas à se faire dialyser à l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti, parce que les machines sont en panne, parce que le personnel médical est en grève. Malheureusement, ces gens n’ont pas de l’argent sale à blanchir pour se faire soigner dans un centre hospitalier privé. Les exemples pour que vous vous indigniez sont nombreux ; mais je m’en tiens à ces deux là.
Je sais que notre avenir n’est pas ici, compte tenu du fait que vous n’allez rien faire pour changer les choses, mais de grâce pensez au moins à la classe défavorisée qui croupit dans la misère et que vos proches exploitent à chaque période électorale. Je vous demande l’impossible, car votre successeur, votre mentor, devra se servir de cette classe pour asseoir un discours creux de campagne, à la fin de votre mandat. Si seulement vous pouviez vous indigner, monsieur le président !
Peut-être dites-vous que je suis un pauvre petit journaliste. Mais, je vous réponds sans aucune hésitation que j’avais eu des parents qui m’avaient appris l’honnêteté, l’amour du prochain, l’humilité et la bonté comme vertus, et non pas l’argent encore moins la gloire sans victoire réelle.
19 février 2017