Il faut lever le voile du Coup d’Etat du 29 février 2004

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Guy Philippe (à gauche) en 2004, il a joué un rôle clé en aidant les Forces spéciales américaines à kidnapper le président Jean-Bertrand Aristide d'Haïti et à l'emmener en Afrique

D’abord, il faut préciser qu’il est impossible de comprendre le coup d’Etat du 29 février 2004 sans remonter aux origines de la formation sociale haïtienne issue du système esclavagiste mis en place par l’occident, et de la contradiction sociale née de la révolution haïtienne qui a mis fin à ce système. Pourquoi, parce que l’assassinat du principal leader de cette révolution, Jean Jacques Dessalines, père fondateur de la nation haïtienne, a été le triomphe de la contre- révolution.

Dessalines voulait l’appropriation collective des terres via l’Etat, afin de les exploiter dans le cadre de la grande propriété collective…

En effet, une fois la révolution réalisée, cette contradiction était clairement exprimée en fonction de cette réalité historique suivante : Dessalines voulait l’appropriation collective des terres via l’Etat, afin de les exploiter dans le cadre de la grande propriété collective pour produire des richesses au profit de tous, car la terre à l’époque était la principale source de richesse. Mais cette vision sociale émancipatrice était contraire à  l’agenda d’une fraction de l’oligarchie  mulâtre. Par conséquent, ils ont tué  Dessalines et transformer l’Etat Haïtien en un instrument de guerre contre les masses, en l’utilisant pour distribuer les terres sous formes de ‘’ grands dons’’ à une petite minorité rapace et aux grands généraux, ensuite élaborer un code rural criminel, rappelant les conditions de travail du temps de l’esclavage, pour forcer les paysans à travailler  dans le cadre d’un système de métayage basé sur le « demwatye ». Donc, les propriétaires absentéistes n’ont aucune exigence d’accompagnement technique et financier à l’égard de ces paysans dont ils exploitent leurs forces de travail.

Ce système de pillage, n’ayant aucun souci pour le développement de l’économie nationale, a été initié et maintenu par les chefs d’Etat contre-révolutionnaires Alexandre Pétion et Jean Pierre Boyer, entretenu par ses successeurs, renforcé et consolidé par l’occupation américaine d’Haïti datant depuis plus d’un siècle.

Mais le peuple Haïtien, se trouvant confronté à ce système inhumain, n’a jamais cessé de se battre aux côtés de leurs avant-gardes, attachés à l’idéal révolutionnaire du Père de la Nation. Ainsi, les masses rurales sont dans une situation de lutte permanente face aux ennemis historiques du Pays. Ça se manifeste à plusieurs phases de l’histoire nationale: le mouvement de la commune de Grand-Anse  avec Jean Baptise Goman (après l’assassinat de Dessalines), le mouvement des piquets avec Jean Jacques Acaau (crise de 1843), le mouvement des Cacos avec Charlemagne Péralte et Benoit Batraville (lutte armée contre l’occupation américaine), et tant d’autres encore, jusqu’au mouvement lavalas.

L’arrivée de Jean Bertrand Aristide à Bangui, Centrale Afrique

Et à chaque phase de révoltes populaires contre ce système de pillage, l’Etat Haïtien transformé en un outil de guerre contre les masses depuis l’assassinat de Dessalines, utilise toujours la répression. Par exemple,  Acaau, Charlemagne Péralte et Benoit Batraville  ont tous été assassinés dans des moments de répressions sanglantes et massives. Et à chaque tentative de changement visant une transformation de l’Etat au profit de l’intérêt général, on court le risque d’être victime d’un coup d’Etat.

Voilà le contexte socio-historique dans lequel le mouvement lavalas a pris naissance. Ainsi, parler du coup d’Etat  du 29 février 2004, c’est se trouver dans cette dynamique historique. Car le mouvement lavalas est l’actualisation politique des revendications populaires qui ont été formulées après l’assassinat de Dessalines. C’est ce qui explique d’ailleurs, l’acharnement de l’impérialisme raciste de l’occident, de l’oligarchie économique, des medias dominants et de certaines franges de la petite bourgeoisie réactionnaire contre le mouvement lavalas.

Car, eux, ils voulaient un régime duvaliériste sans Duvalier, avec une apparence démocratique et une rhétorique de la modernité pour camoufler le caractère répressif, sauvage, d’exclusion et d’exploitation criminelle du  système social Haïtien. Alors que Jean Bertrand Aristide se mettait à l’écoute du peuple, de ses revendications socio-économiques remettant en question la base matérielle de la structure sociale inégalitaire du Pays.

Certaines personnes connues comme étant des progressistes ont été manipulées.

Résultat : à chaque fois que le mouvement lavalas triomphe à travers les urnes pour poser les bases nécessaires afin de transformer l’Etat en un outil de changement social, les forces rétrogrades du pays, avec le soutien des puissances occidentales, lui ont donné un coup d’Etat avec la complicité des Nations-Unies.

Ainsi, l’ONU a imposé à la république l’accord de siège Nations Unies-Haïti permettant la présence illégale des casques bleus de la MINUSTAH sur le sol Haïtien, suite à un Coup d’Etat le 29 février 2004 donnant lieu au kidnapping du président démocratiquement élu à l’époque, Jean Bertrand Aristide, leader du mouvement lavalas. Et les Nations-Unies, outre le fait de profiter de ce coup d’Etat pour renforcer sa mainmise sur Haïti, tout en occasionnant le démantèlement du processus démocratique qui était en cours, ont introduit dans le Pays une épidémie mortelle qui a augmenté terriblement la misère du peuple Haïtien, dans le contexte du tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010.

Certaines personnes connues comme étant des progressistes, peut-être par manque de clairvoyance politique, ont été manipulées. Malheureusement c’est aujourd’hui qu’ils s’en sont rendus compte. Car, ils constatent que malgré un taux d’inflation de  22% ;  95 gourdes pour un dollar ; plus de 70% de la population active sont au chômage ; l’insécurité alimentaire s’abat sur environ 4 millions de nos compatriotes ; certaines écoles restent fermées à cause des violences liées à une insécurité d’Etat ; les hôpitaux publics sont privés de tout ;  environ 500 000 armes à feu illégales sont en circulation et des ventes de munitions sans contrôle étatique; corruption et détournement des fonds publics ; démantèlement des institutions républicaines ; élections frauduleuses et dirigeants illégitimes ; répressions politiques et  instrumentalisation de la Justice ; éclatement de la seule force armée et légale du Pays (PNH).

Bref, en dépit du fait que les indicateurs macro-économiques, politiques et sociaux montrent  la décomposition de la société haïtienne, le Blanc, l’oligarchie économique, les medias, l’université, la société civile d’en haut, bref toutes les couches sociales dominantes qui revendiquaient le départ de Jean Bertrand Aristide sur de prétendues dérives continuent de supporter l’administration répressive et corrompue du phtk, rejetée par les masses en rébellion..

Voilà pourquoi, nous pensons que la seule façon digne de commémorer les 16 ans du coup d’Etat du 29 février 2004, c’est d’accompagner le peuple haïtien dans son combat de construire un leadership autonome et progressiste capable de faire rupture avec la vision rentière de l’oligarchie économique, de rompre avec les rapports de domination vis-à-vis de l’international impérialiste raciste, notamment les Etats-Unis, afin de prendre le pouvoir d’Etat pour  transformer l’Etat en un Etat ayant la vocation d’imposer la justice sociale pour le bien-être de tous et de toutes.

Mario JOSEPH, Av.

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