Haïti: Insurrection populaire!

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Des barricades, des carcasses de véhicule, des pierres et des débris érigés dans différents coins de la ville et même des pneus enflammés empêchant ainsi la circulation des automobiles et même des motos.

Depuis le jeudi 8 mars 2018, le ministre de l’Economie et des Finances, Jude Alix Patrick Salomon annonçait que le gouvernement pour satisfaire les engagements pris envers le Fonds Monétaire International (FMI) au mois de février, n’aura pas d’autres choix que d’augmenter les prix du carburant au mois de juillet prochain. Proposition contestée non seulement par plus d’un des principaux syndicats, mais aussi par la population en général et surtout les travailleurs. Vu la précarité de la situation socio-économique actuelle, ils seront dans l’incapacité de payer les frais de transports.

Des voitures calcinées

Des organisations populaires et syndicales avaient menacé les autorités au pouvoir de leur rendre la vie difficile, si elles arrivent à commettre une telle bêtise. « Le pays sera bloqué si l’État s’entête à augmenter les prix des produits pétroliers » avait indiqué Edva Dorismé le vice-président du Rassemblement des chauffeurs de Tap-Tap d’Haïti (Rcth).  Pourtant, le gouvernement par l’entremise de son sinistre ministre de la Culture et Communication Guyler C. Delva n’obtempéra pas. Au contraire, il insiste catégoriquement ; une façon de se moquer du peuple comme quoi, c’est pour sa santé, s’il avale la pilule amère du FMI. Le ministre arrive jusqu’à tourner en dérision la population concernée au risque de dire même : que le gouvernement a parlé. Point barre !

Des pneus enflammés et des barricades faits de débris de toute espèce

Misant sur la coupe du monde de football, particulièrement sur les affinités partisanes des masses populaires pour la sélection brésilienne qui devrait affronter la Belgique, en quart de final, le vendredi 6 juillet 2018,  le gouvernement a profité de cette sacrée belle occasion pour publier son arrêté d’ajuster le prix des produits pétroliers à la pompe et de celui des transports en commun, juste quelques minutes après le coup d’envoi du match.

Pensant que le Brésil allait gagner et que le peuple allait se saouler de joie et de réjouissances, même oubliant ses conditions humiliantes de vie et que le crime d’augmenter le prix du carburant allait passer inaperçu. Malheureusement pour eux, le Brésil s’est incliné face aux Belges qui l’ont éliminé de la compétition. C’est le cas de dire que le méchant fait souvent une œuvre qui le trompe.

Des bâtiments commerciaux ainsi que des supermarchés appartenant à la bourgeoisie ont été visés et pillés

Cette défaite en un sens rejoignant l’arrêté impopulaire d’augmentation du carburant ne fait qu’accélérer davantage la colère et la frustration des masses laborieuses. Indignées, elles n’ont pas tardé en quelques minutes même après la fin de ce match pour passer spontanément à une attaque insurrectionnelle et cela dans toutes les grandes villes du pays, dénonçant à leur manière cette décision non seulement arrogante, mais qui illustre que l’Etat Haïtien n’a aucun souci des conditions de vie des masses populaires notamment les misérables ouvriers de sous-traitance dont leurs salaires de pitance restent inchangés, malgré qu’ils réclament un minimum de 1000 gourdes pour les aider à joindre les deux bouts.

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En effet, le gallon de gazoline illico est passé de 224 gourdes à 309 gourdes, soit une hausse de 85 gourdes. Le gallon de diesel est affiché à 264 gourdes (également une hausse de 85 gourdes) et le kérosène lui de 173 à 262 gourdes le gallon. (Ndlr : US $ 1.00 = 69.00 gourdes ; 1 euro = 85.00 gourdes) L’augmentation du carburant implique l’augmentation du coût de tous les produits de première nécessité ainsi que le prix du transport, d’où l’augmentation de la misère du peuple.

C’est dans ce panorama d’extrême frustration que les laissés pour compte ont répliqué énergiquement en plaçant des barricades, des carcasses de véhicule, des pierres et des débris érigés dans différents coins de la ville et même des pneus enflammés dans tous les coins et recoins du pays, empêchant ainsi la circulation des automobiles et même des motos.  Outre la capitale Port-au-Prince, Pétionville, des zones telles que Delmas, Lalue, Nazon, Champs-de-mars, Canapé-vert, Carrefour-Feuilles, Carrefour Fleuriot et Marassa, à Kenscoff  ont été inaccessibles.  Les manifestants ont occupé les rues de plusieurs autres villes comme Cap-Haïtien, Petit-Goâve, les Cayes, Jérémie-Grand‘Anse, Jacmel et l’Artibonite.

Le tribunal de Petit-Goâve incendié

Dans des quartiers huppés de Pétionville et de Port-au-Prince des pare-brises de voitures et des vitres de maisons ont été tout bonnement brisés. Des bâtiments commerciaux ainsi que des supermarchés appartenant à la bourgeoisie ont été visés. Ce sont précisément des structures bâties à partir des fonds du pays qui ont été détournés ou pillés pour la construction de beaux et luxueux hôtels comme par exemple le Oasis Hôtel dans lequel  Bill Clinton a investi plus de 2 millions de dollars avec les fonds destinés à la reconstruction du pays après le séisme de 2010.

Le bureau de la Direction Générale des Impôts (DGI) de Petit-Goâve a failli être incendié, la barrière d’entrée a été brûlée au point qu’on pouvait constater que tous les murs de l’édifice ont été noircis par les flammes.

Le gouvernement par l’entremise du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) essaie de calmer les protestataires, par des déclarations creuses dénuées de sens, tout en appelant plutôt le peuple au calme et  à la patience. Peine perdue !

Le policier Robert Scutt a été lynché puis brûlé à mort.

La bourgeoisie pour sa part dénonce l’absence dans les rues de son bras armé, la police,  pour défendre ses biens puisque la majorité des policiers n’étaient pas à leur poste. Pour une fois, certains policiers issus des masses exploitées se sont solidarisés avec une cause liée à leur origine de classe, laissant à la population le soin de se débrouiller face aux vautours rapaces du pays. Sauf cet agent de la police, Robert Scutt, qui essayait de briser une barricade pour faciliter un ami; mais il a été lynché puis brûlé à mort.

Cette insurrection populaire même quand elle est dépourvue d’une avant-garde ayant un objectif clair et précis est une réponse adéquate non seulement à l’irresponsabilité de l’administration réactionnaire de Moise/Lafontant, mais aussi au plan macabre du FMI.  Comme l’indique Jonel Merisier, le président du Syndicat des chauffeurs et propriétaires de véhicules de Mirebalais (Scpvm) « C’est criminel de la part de l’État haïtien de prendre une telle mesure, pendant qu’il y a d’autres moyens pour trouver de l’argent sans faire de mal à la population »

Grace à cette mobilisation populaire, le gouvernement acculé, dos au mur, a été obligé, le samedi 7 juillet, d’annoncer bien vite la suspension de la mesure d’ajustement des prix des produits pétroliers, du moins pour le moment, dans le but d’essayer de calmer cette révolte. Plus tard,  le médiocre chef d’état, Jovenel Moise, objectivement au service de l’impérialisme, pour apaiser la situation incontrôlable du fait que les masses exigent son départ, a demandé le retrait total de cet arrêté en prétextant reconnaitre pour la première fois que « le peuple a parlé, il a entendu ».

Réginald Boulos

Si le pays est menacé de chaos et d’anarchie comme le répètent les revues de la presse bourgeoisie haïtienne et étrangère, c’est du fait que les forces obscures internationales en accord avec leurs laquais locaux avides de profits cherchent à tout prix à réduire puis coincer davantage les masses populaires dans la pauvreté.

Manifestement, le bâton de la répression économique et sociale a changé de bout ; cependant, ce à quoi ont assisté les tilolit n’est que la pointe émergée de l’iceberg ! Cavent consules et Vive la lutte des opprimés haïtiens !

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