J’entends, dans la bouche de beaucoup de citoyens et de citoyennes, soit dans la sphère de l’opinion publique, soit dans les manifestations populaires, cette expression qui passe presque pour un slogan : « changer de système … révolution ». Et moi, je me demande jusqu’où faut-il arriver pour changer de système ? Quel système ? En parlant de système, Il peut être un système politique, défini par David Easton comme « un ensemble d’éléments interreliés et interdépendants qui se caractérise par des interactions avec l’environnement dans lequel il fonctionne » (Easton, 1974). Ce système a pour obligation de satisfaire les demandes des individus, des groupes, des entreprises privées qui constituent son environnement interne. Il interagit aussi avec des gouvernements étrangers et des organisations de coopération bilatérale et multilatérale. On dirait, qu’entendu sous cet angle, l’État forme un système. Il s’agirait, donc, d’une conception restrictive, voire réductionniste, qui limiterait l’État à « son organisation politique et administrative, soit le parlement, le gouvernement, le système judiciaire, l’administration publique, les partis politiques, les groupes de pression, les médias et les relations avec les citoyens » (Painchaud, 2007).
nous sommes dans un pays, englouti dans le système capitaliste des plus sauvages, où la vie, la dignité humaine n’ont aucun sens
En ce qui nous concerne, en Haïti, nous sommes dans un pays, englouti dans le système capitaliste des plus sauvages, où la vie, la dignité humaine n’ont aucun sens, si les individus ne disposent pas de capital pour acheter des droits, convertis en marchandise. Ces individus ne vivent pas seulement selon ce système qui impose sa logique, son anthropologie, ses valeurs et ses finalités (Martin 2008). Ils pensent comme lui, c’est-à-dire ils sont déterminés dans leurs rapports avec l’autre par ce système, même s’ils s’efforcent, par moments, de poser des actions rationnelles dans ce qu’Habermas appellerait leur agir communicationnel (Habermas 1981). Le vendeur de la santé (un médecin ou un centre hospitalier privé), dans ce système, ne voit pas l’être humain malade, qui a besoin de soin, mais un client, qui doit passer à la caisse, avant de se faire examiner et soigner. Le directeur ou la directrice de l’école primaire ou fondamentale ne voit pas dans le petit enfant un être humain, qui a besoin d’être formé et socialisé, mais un client ou un simple colis, dont les propriétaires (les parents) doivent payer pour la formation et la socialisation de leur enfant. Le chauffeur de taxi ou de camionnette ne voit dans le passager qu’une personne capable de payer, sinon il en fait tout un drame si les frais de la course sont insuffisants. Tout, dans ce système, tend à devenir une marchandise : l’eau, la santé, l’éducation, les organes, la recherche scientifique, la connaissance, les loisirs, même la procréation est mesurée à l’aune du capital. Bref, le système, dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui, est un système fondé sur « la primauté du droit de propriété individuelle et, en particulier, sur la propriété privée des moyens de production ». C’est un système économique et social, dans lequel les capitaux, constituant une des sources de revenu des classes dominantes, n’appartiennent pas à ceux et celles, qui les mettent en valeur par leur force de travail [1]. C’est un fait, en Haïti, que la quasi-totalité des moyens de production n’appartiennent qu’au privé, et l’État se fait très capricieux pour protéger les droits des travailleurs et des travailleuses. Dans ce sens, que veut dire changer de système ?
Dans tous les cas, on dirait que changer le système c’est changer l’État. Quel État ? En référence à la demande de changement de système fortement exprimée, cela semble plutôt ambigu : des professionnels de la politique, des citoyens ordinaires, des militants politiques parlent de « tabula rasa » c’est-à-dire le départ des parlementaires, du président de la république, la formation d’un nouveau gouvernement, etc. À côté de cette revendication, le procès de « PetroCaribe ». Il faudra un gouvernement de transition pour organiser la conférence nationale, procéder au jugement de toutes personnalités accusées de corruption, notamment dans le cadre de l’accord « PetroCaribe », signé entre Haïti et le Venezuela. Organiser une conférence nationale. Si cela se passe ainsi, ce ne sera pas un changement de système, plutôt un changement de régime. Je ne suis pas sûr que cela puisse changer véritablement ni le sort de la majeure partie des classes moyennes en situation de chute libre dans la pauvreté, ni celui des classes populaires. Comme le dit souvent le sens commun, en Haïti : c’est du faux mouvement.
Il existe un paradoxe saisissant entre le pouvoir des élus et celui d’un microcosme, constitué de technocrates nationaux et internationaux, en ce qui concerne les décisions stratégiques, qui affectent les conditions et cadre de vie de la population. Par exemple, des décisions telles que :
la fixation du taux de change ;
le refus de l’État de subventionner ou de déterminer les prix des produits de consommation de base ;
la privatisation des entreprises publiques, jetant au chômage et dans l’indigence des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses ;
la flexibilisation du travail, permettant aux entrepreneurs de maltraiter les travailleurs, de se désengager de toute responsabilité envers la main-d’œuvre ;
la concentration économique entre les mains d’une oligarchie ;
la libre circulation du capital et de la marchandise ;
la réduction des dépenses publiques, relatives au développement social ; ce qui a pour conséquence la transformation de certains droits en marchandise, notamment les droits à la santé et à l’éducation.
Des décisions aussi importantes, comme la réduction des dépenses de l’État, le renforcement du secteur privé, à travers, entre autres, la privatisation des entreprises publiques, sont adoptées au niveau des institutions internationales telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (Fmi), la Banque interaméricaine de développement (Bid), l’Agence américaine pour le développement international (Usaid). Dans ces institutions, on trouve généralement, au niveau des instances décisionnelles, des technocrates, de nationalité américaine ou européenne, qui décident pour les peuples des pays du Tiers-Monde, lesquelles décisions sont imposées à leurs dirigeants. Elles ne se contentent pas d’imposer des décisions, elles s’arrangent aussi pour imposer des dirigeants, des élus aux peuples de ces pays. Des élections de 2006 à celles qui ont fait accéder au pouvoir Jovenel Moïse, des institutions internationales et certains gouvernements étrangers se sont arrangés pour imposer au peuple haïtien des présidents, à travers des structures mises en place à cet effet. Nous nous sommes rendus à l’évidence que plus on organise ces types d’élections, plus les inégalités s’élargissent, plus des présidents non progressistes nous sont imposés, plus la pauvreté augmente, plus la richesse se concentre entre les mains d’un petit nombre, et plus la violence et l’insécurité s’abattent sur le pays. La grande majorité de la population vit dans la précarité, la peur et l’horreur. Dans ce sens, on peut faire l’hypothèse d’une démocratie de la misère et de la peur. S’il faut changer de système, il ne faut pas se limiter seulement au remplacement des élus ou à quelques petites réformes. Il y a lieu d’aller plus loin. Sinon les instances internationales, à travers les structures mises en place, vont obliger les nouveaux élus à procéder comme les anciens : servir les intérêts des nantis au détriment de la majorité de la population.
Faut-il changer de modèle de démocratie ?
À mon avis, il n’y a pas mieux que la démocratie dans la gestion de la chose publique. Elle a été inventée par les citoyens ordinaires, décriée par certains penseurs, avant d’être récupérée par les professionnels de la politique, pour en faire un système de rentes. La démocratie sert d’instrument pour les classes dominantes, quand il s’agit de défendre et de conserver des intérêts particuliers. Pour le secteur privé, la démocratie est loin d’être une vertu. Elle est bonne en soi, si et seulement si elle garantit leurs intérêts. Par exemple, un État démocratique, pour le secteur privé, doit :
garantir le libre-échange, tout en essayant d’éliminer toute entrave aux échanges commerciaux ;
se limiter à exercer des fonctions régaliennes, telles que la justice, en protégeant surtout la propriété privée, en combattant les groupes armés, entre autres ;
laisser au marché le soin de réguler les problèmes sociaux ;
contourner les risques d’explosion sociale, procurant un minimum vital aux populations les plus démunies.
Changer de système implique une démocratie, fondée sur la justice sociale et l’équité.
Ce sont les règles du jeu démocratique bourgeois ou dominant. Il n’est pas certain que des représentants de l’oligarchie, marchant aux côtés des gueux, des jeunes universitaires, des ouvriers, des éléments de la classe moyenne appauvrie, soient prêts à accepter une réforme sociale, encore moins un changement radical, qui représenterait une menace pour leurs intérêts. Un État, qui se limiterait à défendre les intérêts d’une minorité, au détriment des classes populaires et de la classe moyenne, est loin d’être un État démocratique. Comme le dit Noam Chomsky, « la montée en puissance des entreprises et des accords commerciaux sont des tentatives pour restreindre la démocratie » (Chomsky, 2001 :121). Si des jeunes, des travailleurs, des étudiants, des professionnels demandent toujours un peu plus de démocratie, c’est pour accéder aux soins de santé universels (les mêmes soins, les mêmes traitements pour tout le monde indépendamment des conditions sociales), à l’éducation (un système éducatif universel à la portée de tous les fils et de toutes les filles de la nation), participer aux décisions, qui se prennent dans leur pays (que ça ne soit pas des technocrates des organismes internationaux et nationaux, qui décident de la politique économique, sociale et culturelle de la nation), vivre dans la dignité et rester chez eux pour travailler au progrès et à la prospérité de leur pays. Changer de système, en ce sens, implique une démocratie, fondée sur la justice sociale et l’équité. Dans cette perspective, l’État doit :
restreindre les privilèges de ses grands fonctionnaires, notamment des parlementaires, du chef de l’État, de la structure budgétivore appelée la présidence, du Premier Ministre et de tous les membres du gouvernement ;
mettre à contribution les oligarques, les nantis, qui bénéficient le plus de largesses de l’État, tout en dénonçant le plus son intervention. Les politiques économiques doivent être orientées davantage sur les demandes internes que sur celles provenant de l’extérieur ;
réduire le déficit, en puisant là où il y a la véritable richesse, c’est-à-dire dans les entreprises et chez les hauts salariés. Il faut établir un budget créateur d’emplois, qui crée et protège des programmes sociaux, en permettant d’accéder à des services publics de qualité et non pas à des programmes taillés sur mesure à l’intention des populations les plus démunies. Ça serait de la discrimination positive ;
développer ce que l’on appelle un revenu de citoyenneté à verser à tous les citoyens et à toutes les citoyennes, indépendamment de leur niveau de revenu ;
réduire systématiquement la part du budget, consacrée à l’achat d’armes et de munitions, aux camions à eau et aux gaz lacrymogènes pour réprimer les manifestations populaires.
Il s’agit, là, des prémisses pour un réel changement de système, avec un État alternatif, un État progressiste, qui « récupère ses pouvoirs engloutis dans l’application des politiques néolibérales. Mais les partisans, voire les profiteurs de l’actuel système, dont la plupart financent ou prennent part aux manifestations populaires, ne resteront pas les bras croisés » (Louis, 2016). Alors, vous saurez vraiment ce que cela veut dire un changement de système.
Penser le changement de système
Les récentes manifestations populaires traduisent, de manière éloquente, la façon dont les citoyens et citoyennes peuvent réduire la distance, qui les sépare pour définir et poser ensemble, dans l’espace public, les problèmes, auxquels ils sont confrontés en tant qu’entité collective : la corruption des dirigeants, la cherté de la vie, l’insécurité, entre autres. Ils revendiquent le changement de système, sans jamais définir la démarche à suivre pour le faire. Y a-t-il une recette ou une méthodologie pour y arriver ? Je n’en ai aucune idée, mais je peux essayer d’explorer quelques pistes.
D’aucuns pensent que, pour changer de système, il faut changer de mentalités, de comportements et d’attitudes, tout en réformant les institutions sociales. En d’autres termes, les dirigeants (parlement, présidence et gouvernement) devraient être honnêtes, transparents dans la gestion de la chose publique. Les institutions doivent être solides, avec un fonctionnement optimal, capables de faire face aux changements et d’intégrer les membres de la société. Dans cette perspective, la crise actuelle aurait pour déterminants les mauvaises attitudes et mentalités des individus à côté d’un dysfonctionnement institutionnel. D’où l’hypothèse d’une corrélation entre la crise systémique et les mentalités des gens ainsi que l’incapacité des institutions d’assumer leurs fonctions d’intégration.
Il ne fait pas de doute que les individus, à travers les stratégies mises en place pour contourner ou se conformer avec les exigences du système, finissent par développer des attitudes de repli sur soi, un réflexe d’auto-défense ou de méfiance vis-à-vis des autres dans certains domaines de la vie quotidienne. On peut observer, chez les groupes marginalisés, de telles attitudes, dont la plupart sont encouragées, voire renforcées par des appartenances religieuses ou politiques. Vivant avec moins de US$ 2.00 par jour, 60% de la population haïtienne recourent à la débrouille pour subsister, dépendant de la solidarité d’un tiers ou de la parenté à l’étranger. Ils ne sont pas conscients de leur situation, n’arrivent pas à créer une identité collective pour défendre leurs intérêts. Ils font l’objet de manipulation, de la part des professionnels de la politique, en quête de légitimité de pouvoir aux élections, pour se créer des rentes. Inconscientes, jusque-là, de leur capacité d’action collective pour renverser leur sort, elles s’en remettent au surnaturel, pour chercher réponse et solution aux défis de la vie quotidienne.
Chez les catégories les plus aisées des classes moyennes, on observe aussi des attitudes de repli ou de fermeture sur soi, à côté des pratiques de corruption de la part de ceux qui arrivent à occuper de grandes fonctions dans l’État. Je divise cette catégorie en trois groupes, selon leurs rapports avec les classes populaires et leurs mentalités dans la gestion de la chose publique.
Premièrement, ceux qui possèdent leurs propres entreprises, des professions libérales travaillant dans le secteur privé, dans des Ong ou des organismes internationaux. Tout ce que l’État ne leur offre pas, les membres de ce groupe s’arrangent pour l’obtenir de manière individuelle. Par exemple, la municipalité n’offre pas d’eau dans leur quartier, ils s’arrangent pour transformer le toit de leur maison en impluvium, afin de capter l’eau de pluie pour la conserver dans une citerne. Ils s’isolent derrière des murs en béton d’environ deux mètres de hauteur, pour la plupart, dans des maisons avec des chiens de race étrangère, capables de causer préjudice. Si la compagnie d’électricité ne fait pas d’installation dans leur quartier, en attendant d’acheter tous les accessoires, que devait leur procurer cette compagnie, pour alimenter leur maison, ils se créent de l’électricité alternative ou s’achètent des génératrices. La municipalité ne collecte pas des ordures dans leur quartier, ils s’achètent des services privés, vivant enfermés dans leur petit monde, proches, géographiquement, des classes populaires, mais socialement séparés des gens, qui croupissent dans la misère par un abîme. Ils sont indifférents au sort des masses, exposées aux mêmes défis qu’eux, mais disposant de ressources insuffisantes pour vivre comme eux.
Deuxièmement, ceux qui parviennent à des postes politiques rentables (parlementaires, ministres, directeurs généraux, secrétaires d’État, entre autres). Ils abusent de leur pouvoir pour se procurer tout ce que l’État ne daigne pas offrir comme service public de qualité à la population, notamment aux classes populaires. En principe, même s’il y a pénurie d’eau ou d’électricité dans la ville, le quartier, où se trouve la résidence du président de la république, d’un ministre ou d’une autorité importante quelconque, en bénéficiera. Tandis qu’il n’y a pas suffisamment d’agents de police pour assurer la sécurité de la population, ces autorités trouvent plusieurs policiers pour monter la garde chez eux. Dans les rues, ils ne s’arrêtent pas dans les embouteillages, leurs chauffeurs obéissant toujours aux ordres d’allumer la sirène, courant dans tous les sens, ne respectant aucune règle de la circulation automobile. Ils font preuve d’une insouciance et d’une irresponsabilité scandaleuses vis-à-vis du sort de la population.
il est impossible de changer de système, si les élites, des membres des classes moyennes, ne changent pas de mentalités.
Troisièmement, quelques intellectuels impliqués ou des militants politiques progressistes, qui, tout en cherchant à se procurer un minimum de confort, font un travail de dénonciation des injustices sociales, d’accompagnement des victimes de certains abus, de conscientisation populaire. Mais leurs activités, limitées généralement dans le temps et l’espace, ne parviennent pas à provoquer une prise de conscience collective transformatrice. On les trouve souvent dans des Ong, dites alternatives. Pour paraphraser Lénine, on dirait que la maladie infantile des militants, qui dénoncent les injustices, tout en accompagnant les populations démunies, est l’« ONGisme ». La plupart d’entre eux arrivent jusqu’à former des petits partis socialistes ou de gauche, croyant qu’ils parviendront ainsi à changer le système. Nous assistons ainsi à un pluralisme de gauche qui n’arrive même pas à effrayer le système en question. Alors, il y a lieu de se demander si le multipartisme de gauche ne contribue pas à la justification du démocratisme de droite. Dans la lutte pour la transformation sociale, on dirait que ces partis et leurs militants font un pas en avant et deux pas en arrière.
Alors, si on suit ce même raisonnement, il est impossible de changer de système, si les élites, des membres des classes moyennes, notamment ceux des premier et deuxième groupes, ne changent pas de mentalités. Quant à ceux du dernier groupe, ils doivent marcher et crier avec les démunis, non pas pour profiter de leur geste, en créant du capital économique ou politique, mais pour exiger de l’État l’offre de services publics de qualité, à tous les citoyens et toutes les citoyennes indistinctement, c’est-à-dire indépendamment de leurs classes sociales. Dans les circonstances actuelles, s’il est difficile aux couches les plus démunies de la société d’inventer une subjectivité collective pour parler au nom des opprimés, il faut une agrégation politique : l’agrégation politique des masses. Cela implique qu’écrivains, artistes, musiciens, médecins et juristes progressistes, sociologues, historiens, économistes, ingénieurs, informaticiens, nutritionnistes, infirmières, entre autres, se mettent à travailler avec ce que j’appelle la « force motrice » du pays, c’est-à-dire tous ces jeunes, toutes ces travailleuses et travailleurs sans emploi, qui inventent quelque chose à faire pour subsister dans les rues de nos villes macrocéphales, toutes ces femmes seules, ces petits métiers (tailleurs, couturières, ébénistes, cordonniers, bijoutiers) ruinés par le libre-échange ; ces paysans, avec ou sans terre, écrasés par le néolibéralisme. Il faut réduire la distance sociale et nous mettre à entreprendre un large processus de conscientisation sur le nouveau système, le nouvel État à inventer. La situation de ces catégories de professionnels est loin d’être confortable, quoique meilleure par rapport à celle des masses. Ils sont systématiquement fragilisés par le système : des médecins incapables de se renouveler, des avocats en mauvaise situation, des ingénieurs sans bureau d’étude, des professeurs, des chercheurs dépourvus de moyens de travailler, des infirmières sous-payées, incapables de répondre à des responsabilités de famille, des journalistes systématiquement persécutés, sous une forme ou une autre, quand ils critiquent le système.
Alors, une question s’impose : comment procéder au changement de ce système ? Si on suit le raisonnement fondé sur le changement des mentalités, des attitudes et des comportements, on se rend vite compte qu’ils découlent des rapports sociaux. En d’autres termes, ce ne sont pas les mentalités, les attitudes et les comportements des individus, qui déterminent leurs conditions matérielles d’existence, mais le contraire. Alors, il faut agir d’abord sur les rapports sociaux, producteurs des inégalités sociales. Des résolutions s’imposent, pour ce faire. La première consiste en une fédération des petits partis de gauche en un grand parti progressiste, où travailleurs et travailleuses, étudiants et étudiantes, intellectuels (les), entrepreneurs, sous-prolétaires, paysans se reconnaissent et se définissent comme force motrice de changement du système. La deuxième implique un engagement avec l’honnêteté, la ferme résolution de ne pas transformer la démocratie ou la militance politique en système de rentes. La troisième concerne la transformation de la société en une société fondée sur la justice et l’équité sociales. Il faut démocratiser la démocratie pour inventer un nouveau système. Ce n’est certainement pas pour demain. Mais c’est possible. Donc, il y a lieu de s’engager dès maintenant !!!
*Ilionor Louis, Professeur à la Faculté d’ethnologie (Université d’État d’Haïti)
Références bibliographiques
Chomsky, N. (2001). Deux heures de lucidité. Entretiens avec Denis Robert et Weronika Zarachowicz, édition les arènes, Paris.
Easton, D. (1974), Analyse du système politique, traduction de Pierre Rocheron, Paris, Colin.
Jürgen H. (1981). Théorie de l’agir communicationnel. Pour une critique de la raison fonctionnaliste, édition Fayard (l’espace politique), Paris.
Louis, I. (2016). Leçon de sociologie, Imprim’Art, Port-au-Prince
Martin A. (2008). « Le paradigme coopératif inscrit dans une histoire » in Cahiers de l’IRECUS -04-08
Painchaud, M. (2007). Introduction à la vie politique (2ème édition) Gaëtan Morin éditeur, chenelière éducation, Québec
[1] Conception formulée à partir de la définition du capitalisme puisée sur le site http://www.toupie.org/Dictionnaire/Capitalisme.htm site consulté le 22 juin 2019