Haïti 14 août 2021, la malédiction continue !

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Le Grand Sud : La Grand’Anse, Les Nippes et le Sud se sont retrouvés sous les décombres après avoir été frappés par un séisme de magnitude 7.2 sur l’Echelle de Richter dans la matinée du 14 août 2021.

Les Haïtiens à 95% croient en quelque chose : un esprit supérieur. Un être suprême. Un Sauveur. Un divin salvateur. Un Dieu. Un maitre Loa. Bref, les Haïtiens, dans leur grande majorité, sont des croyants. Partis de cette certitude, ils devraient être le peuple le plus béni de la terre et le plus protégé du monde. Et pourtant ! Les calamités naturelles ou provoquées parses semblables font d’eux l’un des peuples les plus affligés, les plus martyrisés du monde. Donc, il y a un problème. Un très gros problème pour ce peuple qui se laisse guider rien que par sa foi chrétienne ou païenne. Sinon, il n’y a aucune raison qu’il soit une éternelle victime. Victime de tout ce que la nature  a produit de mauvais. La méchanceté de l’homme : mauvaise gouvernance ; incurie administrative ; la corruption de ses dirigeants ; la mauvaise foi de ses  élites politiques et économiques.

Mais aussi les catastrophes naturelles : ouragans ou cyclones dévastateurs ; inondations et coulées de boue destructrices ; sécheresses en série et la faim; et, comble de l’horreur, tremblements de terre destructeur et meurtrier. On n’oublie qui a fait un macabre décompte des tribulations qui ont frappé Haïti en l’espace de trente ans. Un travail remarquable. L’auteur voulait comprendre ce qui arrive et pourquoi la nature et les hommes s’acharnent tant sur ce pays. Des horreurs de toute sorte : politiques, sociales et écologiques. Définitivement, le peuple haïtien est un peuple à part comme disent avec fierté les natifs de la ville de Camp-Perrin en parlant de leur Cité verdoyante et accueillante qui vient de subir de plein fouet l’effet cataclysmique du séisme du 14 août 2021. Un pays à part certainement dans le rang des pays ayant subi le plus d’hécatombes naturelles et politiques que le reste des Etats de la planète. Un triste record que les Haïtiens se passeront bien de battre. Comment ne pas parler de la malédiction d’Haïti. La malédiction d’un peuple.

En vérité, nous sommes fatigués de ne parler que de catastrophes, de tremblements de terre ; d’ouragans et d’autres malheurs qui s’abattent sur ce pays à longueur des jours, des semaines, d’années, de décennies et de siècles. Trop ! C’en est trop ! Il n’en peut plus ce peuple de continuer à chercher le bout du tunnel. On n’en peut plus d’écrire que sur les malheurs d’Haïti. Ses déboires politiques et économiques. Les tribulations d’un peuple, certes résistant et martyr. Où sont passés les dieux qu’évoquent à la litanie et au fil des jours ces éternelles victimes de la nature et des méfaits des hommes ? Une fois ; deux fois ; trois fois et jusqu’à quand s’arrêtera cette série d’hécatombes réduisant à chaque fois à néant tous les efforts qui ont été faits et consentis ? Le Dieu du ciel et ceux de la terre sont-ils ligués pour anéantir ce pays, ce peuple qui ne demande qu’à le laisser vivre? Les chroniqueurs d’aujourd’hui sont-ils condamnés à ne retracer pour l’histoire et les générations futures que les malheurs d’Haïti ? A part sur de courtes, très courtes périodes dans l’histoire de ce pays, on ne lit dans les annales et les almanachs historiques que la vie mouvementée d’un peuple n’arrivant jamais à s’en sortir de ses traumatismes, de ses malheurs. Plus de deux siècles de chaos politiques.

De drames sociaux (kidnappings) hallucinants. Des conflits et crises politiques sans fin. De destructions climatiques touchant l’âme de ce peuple qui se demande encore et toujours pourquoi nous ? Oui pourquoi lui ? Pourquoi toujours lui ? S’agira-t-il d’un fardeau à payer et jusqu’à quand ? Les croyants de toutes confessions, ceux implorant leurs dieux au nom d’Haïti veulent savoir. C’est l’heure de vérité. Ils sont fatigués d’implorer un esprit qui, somme toute, semble les ignorer. Les abandonner dans le désert au beau milieu de l’apocalypse. Le seul peuple des Caraïbes qui paie presque au quotidien si lourdement un tribut qui semble être éternel. Il y a tout juste onze années, les filles et fils de ce pays ont été ensevelis sous des tonnes et des tonnes de décombres. Ce fut le séisme de 2010. Au moment où nous écrivons ces lignes, début septembre 2021, personne, oui personne ne peut dire avec certitude le nombre exact de victimes : morts, disparus, blessés qu’il y a eu lors de cet effroyable tremblement de terre.

Plus de 11 années sont passées, des rescapés de ce cataclysme habitent encore dans des camps de fortune aux alentours de Port-au-Prince. Ils sont abandonnés à leur sort. Ce sont les témoins de ces éternelles victimes de l’apartheid politique, économique et social érigé en système par les oligarques qui les ont maintenus dans cette situation. De cette catastrophe naturelle, où l’incompétence des femmes et des hommes politiques qui  administrent ce pays fait plus de mal et de tort à la population que les dégâts causés par les ondes de choc, à la destruction systématique de tout effort politique pour redresser la situation, il ne demeure que l’indifférence des uns et des autres. Les stigmates du séisme de 2010 sont encore vivaces partout où l’on passe dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. La reconstruction est loin d’être conséquente et c’est visible partout dans la capitale. Très peu de nouvelles constructions selon les normes. A part quelques beaux bâtiments publics en construction dans l’aire du Champ de mars.

Le bâtiment de la présidence de la République, lui-même, est encore au point mort. Si le feu Président Jovenel Moïse avait bien commandé et adopté un projet de reconstruction du Palais national il y a plus d’un an, personne n’a plus jamais entendu parler de cette affaire jusqu’aux nouveaux drames politiques et naturels qui ont frappé le pays en l’espace de près de deux mois. Le processus de destruction mentale, humaine de la population et physique du pays se poursuit de manière méticuleuse et méthodique par ses élites aidées par la nature sur laquelle personne n’a le contrôle sauf si l’on respecte les normes scientifiques établies. Ce qui est malheureusement loin d’être le cas dans un pays où longtemps la faillite politique et le chaos économique ont rendu vulnérable une population qui n’espère qu’un miracle selon ses croyances religieuses et sa philosophie. La République était en plein questionnement sur son devenir après l’assassinat du chef de l’Etat en exercice où presque tout le monde croit à son effondrement effectif avec l’incroyable image de l’irresponsabilité et de l’insouciance de la classe politique quand, soudain, l’impensable s’est produit.

Un pan entier du pays s’est effondré. Presque la moitié d’Haïti. Trois départements de ce qu’on appel le Grand Sud : La Grand’Anse, Les Nippes et le Sud se sont retrouvés sous les décombres après avoir été frappés par un séisme de magnitude 7.2 sur l’Echelle de Richter dans la matinée du 14 août 2021. Les dégâts matériels sont énormes. Les pertes en vies humaines sont invraisemblables tant le nombre nous paraît insupportable. Pourtant, l’on est proche de la vérité même si, en vérité, on ne saura jamais le nombre exact comme pour celui de 2010 dans le département de l’Ouest qui avait détruit quasiment la capitale haïtienne.  A la vérité, on ne voulait point écrire un texte sur cette énième catastrophe. Comme on l’a dit plus haut, on est nous aussi fatigués d’être le messager des mauvaises nouvelles ou tout au moins d’être le chroniqueur de malheurs de nos compatriotes et d’Haïti pour les générations de demain. D’ailleurs, la presse quotidienne haïtienne et les Hebdomadaires comme Haïti Liberté ont déjà tout dit. Tout rapporté. Tout raconté.

Les médias en général ont déjà mis à nu les failles du système de protection de la population par les autorités gouvernementales et chargé les élites du pays de la responsabilité non pas du tremblement de terre qui est l’œuvre de la nature mais de ces destructions en cascade qu’on pouvait éviter. Compte tenu qu’aucune autorité : politique, morale et religieuse n’arrive à faire comprendre à la population la nécessité de respecter les normes parasismiques et anticycloniques pour les constructions dans un pays ravagé par les désastres naturels et traversé par des failles sismiques pouvant causer d’énorme dégâts à chaque secousse. Oui, nous ne voulons pas rajouter de nouvelles pages à cette littérature déjà trop dense, trop abondante relative aux douleurs et aux malheurs de ce pays ; de ce peuple traumatisé par les catastrophes, victime de la mauvaise politique de ses gouvernants et martyr par son histoire faite en dent de scie. Mais, la volonté de crier notre colère contre ceux qui ont conduit ce pays, ce peuple à ce stade de désolation, de misère et de dépendance est plus forte.

Oui, l’envie de dire notre impuissance face à la fatalité que sont les catastrophes naturelles nous obligent à nous mettre devant notre ordinateur pour décrire les causes du malheur de ce peuple dont le péché semble inexpiable. La date 14 août 2021 pour les filles et fils des départements du Sud, de la Grand’Anse et des Nippes en Haïti demeurera, comme pour l’ensemble du pays en 2010, une date maudite. Même si la date du 14 août en elle-même nous rappelle celle de 1791 qui était le début des préludes à la liberté pour l’ensemble des esclaves devenus quelques années plus tard des Hommes libres, en clair des Haïtiens. 2 207 morts, 12 268 blessés, 344 disparus, 52 953 maisons détruites et 77 006 autres endommagées plus 266 écoles publiques détruites ou endommagées. Auxquels, il faut rajouter 200 églises catholiques détruites, 150 endommagées plus les 350 Temples et Chapelles protestants détruits et 200 écoles congréganistes réduites en poussière. Tel est le bilan encore provisoire du tremblement de terre survenu dans le Grand Sud d’Haïti la veille des fêtes patronales de certaines régions de ce pays dont la croyance religieuse et mystique n’est plus à démontrer.

Des villes entières sont pratiquement rasées de la carte. Camp-Perrin, Cayes, Jérémie, Anse-A-Veau, Miragoâne, Aquin, Pestel, Maniche, Roseaux, Beaumont, Corail entre autres sont les villes témoins de cet acharnement de la fureur de la nature sur un pays déjà à genoux. Un Etat sacrifié par ses propres fils pour d’obscures ambitions politiques dont le résultat de cette guerre fratricide endémique est éloquent en terme de réussite négative. Un pays où l’absence de grandes politiques publiques est plus qu’une évidence. Seules, les ONGs (Organisation Non Gouvernementale) ne peuvent porter le développement à l’échelle nationale. Il en faut plus. Beaucoup plus  pour y arriver. La part de l’Etat est capitale. Primordiale même si l’on veut sauver Haïti de la destruction, de la dépendance des autres nations. L’effort national est le premium. Pour cet énième cataclysme naturel sur le territoire haïtien, comme c’est toujours le cas s’agissant des crises politiques à répétitions, la Communauté internationale s’est précipitée au chevet de cette terre souffrant d’une maladie incurable : l’instabilité politique et l’égoïsme de ses élites.

A chaque fois, c’est par millions que les dollars sont versés soi-disant pour aider les sinistrés et les rescapés des tremblements de terre. En réalité, tout cet argent se perd en cours de route avant même de traverser l’Océan Atlantique ou la mer des Caraïbes. Le peu qui y arrive se perd à travers les méandres administratifs haïtiens quand la plus grosse partie finit dans les poches des corrupteurs dans un système opaque de corruption institutionnalisée. L’exemple de 2010 est encore là pour nous rappeler cette triste réalité. Suite au séisme du 14 août de 2021, le FMI annonce un prêt de 224 millions de dollars US pour Haïti. Les Etats-Unis d’Amérique ont déjà contribué à plusieurs millions en plus des 32 millions d’aide additionnelle qu’ils viennent d’annoncer. Auxquelles, il faut ajouter les 40 millions de dollars que va recevoir le gouvernement haïtien en dédommagement auprès de l’assureur CCRIF (Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility), l’organisme d’assurance contre les risques liés aux catastrophes dans les Caraïbes.

Cette institution est affiliée à la Communauté caribéenne (CARICOM)). Haïti a déjà reçu 27 millions de dollars de cet assureur régional en vertu de sa police d’assurance. C’est la Banque Caribéenne de Développement (BCD) qui en a fait l’annonce le 27 août 2021 à la presse. Sans oublier les aides multiples et diverses octroyées par d’autres nations solidaires. Devant toute cette abondance de dollars, on reste tout de même sceptique sur son utilité concrète au profit de la population ou aux sinistrés du Grand Sud. Dans la mesure où les Haïtiens sont déjà passés par-là et ont déjà eu dans le passé l’écho de millions encore beaucoup plus conséquents qui, finalement, n’ont atterri que sur les comptes bancaires des grands Caciques et des proches des régimes précédents sans parler des oligarques du système. Les vraies victimes ne voyaient que les miettes. Alors, est-ce une malédiction, la fatalité ou la volonté des élites haïtiennes pour que ce peuple soit toujours la grande victime ? Ce pays aura-t-il un avenir avec cet enchainement de calamités perpétuelles?

En vérité, on n’ose plus espérer tant la nature et les gouvernants d’Haïti nous surprennent à chaque fois qu’ils nous montrent ce qu’ils sont capables de faire endurer à ce peuple, à ce pays. Malheureusement, en Haïti, le pire a toujours une longueur d’avance. Ce qui n’est pas rassurant pour la suite.

C.C

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