Gros Morne : Émouvantes funérailles de Falicia St. Cyr Duvert

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Falicia St. Cyr Duvert

Il essuiera toutes larmes, et la mort ne sera plus,
Il n’y aura plus ni deuil ni cri ni douleur,
Car les premières choses ont disparu.
Passage biblique

Bien avant l’aube du lundi 12 juin dernier, suite à une crise cardiaque, les Parques ont choisi délibérément de rompre le fil qui liait la pieuse servante Falicia St. Cyr Duvert à cette vie terrestre bien remplie. Dans un calme plat et entourée de plusieurs de ses enfants et de ses proches, la veuve est partie rejoindre son bien aimé époux Sainvilus St-Cyr qui l’a déjà précédée de deux ans seulement, soit le 7 juin 2015. Ces informations nécrologiques proviennent d’une note émise par le Secrétariat Général de la Centrale Autonome des Travailleurs Haïtiens (CATH) dont le fils de la défunte le camarade Fignolé St-Cyr est le Secrétaire Général.

Après 12 jours de planifications, la famille St-Cyr s’est réunie à la salle Gagnac de l’hôtel Montana à Bourdon dans l’après midi du jeudi 22 juin pour recevoir les salutations des proches et les marques de sympathie d’amis et de sympathisants. Enfin, ce samedi 24 juin, jour de la Saint Jean, ont eu lieu les obsèques de Manman Grann à Gros Morne. Tout au cours de la route, notre camarade Fignolé, en conversation avec les responsables de la Fraicheur Entreprise Funéraire, tenait à s’assurer que la dépouille de sa défunte mère voyagerait dans des conditions de sécurité optimale.

Sous le coup de 1,30 heure, la caravane qui accompagnait le convoi funèbre venait de rentrer dans la commune de Gros Morne. Tout était prêt pour les cérémonies funéraires de la mère de notre camarade le syndicaliste Fignolé St-Cyr, Secrétaire Général de la Centrale Autonome des Travailleurs Haïtiens (CATH). A l’heure prévue, chaque coin de cette bâtisse religieuse située à la rue du Palais débordait déjà des membres de ces imposantes délégations venues de plusieurs endroits du pays. L’espace trop exiguë de l’église du Nazaréen, site de la cérémonie funéraire ne pouvait plus contenir les notables et autres riverains venus se prosterner devant la dépouille de Manman Grann pour lui rendre un ultime hommage bien mérité.

La famille St-Cyr s’est réunie à la salle Gagnac de l’hôtel Montana à Bourdon dans l’après midi du jeudi 22 juin pour recevoir les salutations des proches et les marques de sympathie d’amis et de sympathisants. Et les obsèques de Manman Grann ont eu lieu à Gros Morne le samedi 24 juin dernier

Ainsi, il ne saurait avoir de meilleures attestations de la célébrité de la chère disparue. Ceci témoigne de l’immense affection de toute la population de Gros Morne à l’endroit de la veuve Falicia St-Cyr Duvert. C’est aussi un vibrant hommage à la mémoire de cette mère de dix enfants dont le passage parmi nous a duré 94 automnes. C’est bien la preuve que Manman Grann a su assurer avec tellement de soin ses responsabilités tant familiales que sociales. Dieufaite Petival, Mérilus Calixte, Jean Ritho, Henry Edouard, Tilus Frédéric, Enock Genevil ont fait partie de cette panoplie de célébrants qui trônaient du haut de cette chaire et qui se sont montrés à la hauteur de leur tâche.

« Serez-vous avec nous au jour du divin rendez-vous ? » Les notes interrogatrices de ce chant ont débuté la cérémonie qui sera ponctuée de plusieurs autres numéros d’à cappella interprétés avec maestria par ces choristes parés de leur costume attrayant. « La mort a des rigueurs à nulle autre pareille que personne ne parviendra jamais à cerner. On a beau la prier mais elle est restée sourde aux supplications déchirantes des vivants qu’elle qualifie d’irrecevable », a rappelé Mérius Calixte. Vient le moment pour Madame Andréa St-Ange, Trésorière et Responsable du Genre de gravir les marches qui conduisent au lutrin pour entretenir l’assistance des qualités rares de la disparue avec qui elle a vécu pendant fort longtemps. « C’est pourtant avec un cœur dévasté par des houles de tristesses qu’il m’est aujourd’hui donné l’occasion d’exprimer ma profonde gratitude à l’endroit de chacun de vous ici présent. Au nom de tous les camarades de la CATH, nous tenons à remercier ceux et celles venus faire part de leur solidarité avec le Secrétaire Général Figolé St-Cyr affligé par la disparition physique de sa mère tant aimée. Ce n’est pas de gaieté de cœur non plus que je me vois dans l’obligation d’intervenir pour vous entretenir de Madame Falicia St. Cyr Duvert qui vient de nous quitter », a-t-elle fait savoir.

Madame Andréa St-Ange a brièvement présenté la défunte. Plus connue sous le sobriquet de Manman Grann, elle a vu le jour à bas Gros Morne. Cette paysanne aux matrices fertiles a mis au monde dix enfants dont l’un d’entre eux est décédé depuis belles lurettes. Rude travailleuse, elle est parvenue de concert avec Papato à assurer dans la dignité l’éducation de ses nombreux enfants. Andréa raconte avoir eu l’occasion de faire la connaissance de Manman Grann dans des activités sociales et syndicales. Elle lui demandait souvent par quel heureux hasard ses chemins et ceux de Fignolé s’étaient croisés.

Madame Andréa St-Ange, témoin privilégié de la vie de Manman To a longuement élaboré sur ses relations de proximité avec la défunte dont elle a exalté la générosité. Tout au cours de ce témoignage, des cris de douleurs mêlés de larmes de tristesse s’élevaient de plusieurs endroits dans l’assemblée. Bien avant la bénédiction finale, le Camarade Fignolé St-Cyr, quoique le 7ème fils, était l’un des mieux placés pour présenter la biographie de sa mère. Paradoxalement, il a affirmé avoir passé plus de temps avec elle dans sa vieillesse que dans son plus jeune âge. Tout en ne sachant ni lire ni écrire, Manman Grann tenait tellement à l’éducation de sa progéniture.

Poursuivant dans la présentation de la biographie de sa mère, le Camarade Fignolé St-Cyr nous a raconté cette anecdote selon laquelle il y aurait eu l’intervention expresse du chef de section de l’époque pour sceller la relation sentimentale entre son père et sa mère. L’autorité établie en effet s’était rendue chez les prétendants à une vie amoureuse, les avait interrogés tour à tour pour qu’ils la rassurent du bien fondé de leurs relations sentimentales auxquelles questions les deux répondirent par l’affirmative. Il s’agissait d’un truc qui a réussi car l’un des oncles de Manman Grann s’opposait catégoriquement à la relation pour des raisons inavouées.

« Manmaan Grann, Masè Koun, Manman Sè, Grann, ce sont autant de pseudonymes par lesquels les proches de ma mère, qui pour moi est un patrimoine, la surnommaient. Je ne saurais déceler les métaphores convenantes pour vous entretenir de l’immensité de l’amour que ma mère cultivait pour ses enfants et vice versa. Je vous exhorte à faire preuve de grande modestie en toute circonstance me conseillait-elle quotidiennement. Ma mère a toujours fait preuve de grand souci pour ses enfants. Pour pouvoir nous élever dans la dignité Manman Grann a eu recours à beaucoup d’adresse», a témoigné Fignolé St.- Cyr qui l’a rassurée de sa profonde gratitude.

Un autre fait aussi marquant que significatif est survenu, à savoir que le pasteur de l’église du Nazaréen, Zamor Paul Edouard et son épouse, en déplacement hors du pays pour prendre part à une assemblée générale, ont dû faire parvenir un message préenregistré. Selon l’intervenante, Mme Edouard, c’est un jour mémorable pour la famille toute entière et pour tous les membres de l’église du Nazaréen de Gros Morne. Elle a aussi exprimé son indicible attachement à la défunte. Selon elle, Manman Grann était une sœur, une amie et une mère et elle aurait pu prendre toute une journée pour parler d’elle. « …Cher/es frères et sœurs, parents et amis, bien qu’absent de corps, je suis bien présent en esprit. Et nous saluons le départ de notre bien-aimée sœur Madame Falicia St-Cyr Duvert. Et nous avons la ferme certitude qu’elle est à présent dans les bras de son père et que nous la reverrons un jour dépouillée de toute meurtrissure et de toute infirmité. La mort pour le chrétien ce n’est pas une perte mais un gain. Puissent ces paroles vous consoler et vous encourager à marcher d’une manière ou d’une autre devant Dieu afin que vous puissiez avoir cette assurance d’être un jour avec lui pour l’éternité », a souhaité le pasteur Zamor.

Suite à la bénédiction finale prononcée par Enock Geneville, le dirigeant annonce l’ordre par lequel le convoi doit accompagner la dépouille jusqu’en sa dernière demeure. Les nombreux instrumentistes des trois fanfares sont alignés des deux cotés de la rue. Les vibrations harmonieuses des cuivres et les clapotements bien rythmés des percussions saluent la sortie de la dépouille de Maman Grann. Après quelques agencements, c’est le départ de cette longue file qui allait déambuler jusqu’au cimetière les Marthyrs de Gros Morne.

A la Rue Sténio Vincent, non loin du Lycée, sous les regards attentifs des riverains et des curieux, les flamboyants parés de leurs fleurs écarlates, les acajous géants, les manguiers et les nîmes qui bordent la route ont pris une part active aux obsèques de Manman Grann. Envoutées par l’harmonie pourtant perçante de ces marches funèbres jouées par les fanfares Bon Samaritain et Nazaréen qui s’alternent, les feuilles se balançaient comme pour dire adieu à la disparue qui va leur manquer.

Après une bonne trentaine de minutes du point de départ, le convoi pénètre au village des dépouilles. Là encore le cèdre géant placé à l’entrée droite du Cimetière les Marthyrs de Gros Morne s’est paré de ses fleurs roses. C’est une façon toute singulière pour la flore d’exprimer son amour pour Manman Grann qu’elle n’aura plus la chance de revoir. Le corbillard ne pouvant pénétrer jusqu’au fond, la bière fut portée à main d’homme jusqu’à la destination finale. A cet ultime instant, le camarade Fignolé tout en poussant contre son gré le cercueil dans la sépulture, a aidé sa tendre mère à regagner l’éternité, protégée par ses 94 années.

Sur le chemin du retour, tandis que nous serpentons à pied entre les rues étroites du bourg de Gros Morne, notre camarade Fignolé interrompt ses analyses politiques pour recevoir les sincères sympathies de la part des connaissances qu’ils croisent. Au tout début de la nuit, tandis que l’âme de Madame Facilia St-Cyr Duvert fait route vers la voute éthérée où scintillent des milliards d’astres, la nature verse des larmes comme pour saluer l’arrivée de la nouvelle admise. Alors il ne nous reste qu’à souhaiter à Manman Grann que la terre lui soit légère et que son séjour d’outre tombe soit béatifique, entouré de son époux Papa Ton.

Le lendemain encore, les nombreuses interventions de notre camarade Fignolé témoignent que l’amour infini qu’il cultive pour sa mère ne tarira jamais en dépit du fait qu’il n’aura plus l’occasion de la revoir. Alors, nos souhaits de courage vont à l’endroit des nombreux enfants, petits enfants, arrières-petits enfants, cousins, cousines, neveux, nièces, bref à tous les proches de Manman Grann plongés dans l’affliction à l’occasion de sa disparition physique. Du courage, il vous en faut, car toujours est-il, à date, la science médicale n’est encore parvenue à trouver un antidote pouvant vaincre le dard empoisonné de la mort. En outre, certains soutiennent même que c’est un passage obligé étant la finalité de la vie. Et, aucun acte ni discours n’a encore pu en disconvenir.

 

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