Gauche et droite : Les lignes idéologiques troubles, courbes et fourbes de la pensée occidentale

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Les lignes d'impostures de la pensée occidentale © Erno Renoncourt

Dans la cacophonie d’un monde qui s’effondre et se replie sur ses savoirs-faire barbares, je cherche quelques médiums pour laisser les sanglots des colères citoyennes, venant des shitholes, se faufiler comme de possibles voies de dignité et d’humanité pour comprendre le monde.

La Ligne droite comme repère de droiture

Toute notre scolarité a été imprégnée de ce postulat euclidien de la géométrie plane : la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre. Et toute notre vie s’en est retrouvée rigidifiée par le besoin de garder la ligne pour ne pas se perdre ! Plus tard, sous les coups de boutoirs des injustices, des exploitations, de la déshumanisation, il a fallu camper derrière des lignes idéologiques et choisir son camp politique : gauche ou droite et même si on dérive vers les extrêmes c’est toujours le long de la ligne.

les évènements qui préfigurent l’effondrement des structures du système capitaliste sont mal interprétés.

A maturité scientifique aidant, l’univers euclidien s’est effondré, du moins pour les plus avancés. Einstein est passé par là. La relativité a montré que dans un univers courbe, la ligne n’est pas si droite que cela et il n’y a de plus court chemin que sur une géodésique. Et l’image d’une gauche aux antipodes de la droite s’est relativisée, envolée en fumée. Sur une géodésique, les extrêmes se rencontrent. Nos certitudes ont commencé par tomber, depuis qu’un certain prix Nobel de Chimie, Ilya Prigogine, a prouvé l’existence des structures dissipatives. L’ordre n’est qu’une illusion, il n’y a que chaos dans lequel, il faut trouver un équilibre par des points de fuite troubles et incertains, difficiles à être repérés. Les plus malins se sont laissés glisser vers le centre pour ne pas s’effondrer. Car la gravité aidant, sans ancrage, on finit tous par s’effondrer. Ce fut la ruée vers les bousculades, les empoignades, les enculades qui nous ont conduit aux grandes reculades de l’histoire. Et cela nous a donné le monde tel que nous le connaissons : impostures, enfumages comme fondements de la pensée occidentale.

La ligne courbe comme repère d’imposture

J’ai produit ce dessin comme illustration de ce monde qui virevolte et dérive sur des trajectoires d’impostures.

En regardant l’illustration ci-contre, qui matérialise la surface interne et externe d’une bouteille de Klein, comme entrelacement de deux rubans de Möbius en 3 dimensions, on voit combien la notion du dehors et du dedans, d’être à gauche ou à droite, du système est floue. On sait que sur un ruban de Möbius, des points voisins des deux bords (dedans et dehors) délimitent très mal les frontières de l’appartenance ou de la non appartenance au ruban. Sur une droite ou géodésique (chemin plus court), des points extrêmes (gauche et droite) finissent par se toucher. Il existe des lignes floutées, courbées par la gravité, qui relient les extrêmes. Ainsi, de même les intérêts floutés au voisinage des activités humaines délimitent très mal les frontières fonctionnelles du système en déformant les postures cognitives des êtres sous le poids des précarités et des incertitudes.

Dès lors qu’il devient difficile, à partir d’un certain voisinage, de situer les frontières fonctionnelles d’une entité conceptuelle, parler de système, sans un modèle opératoire et contextuel pour objectiver les propriétés qui définissent les fonctions de cette entité, relève de conjecture et de subjectivité. D’où le besoin de recourir à la modélisation systémique pour approprier le système non plus seulement comme entité conceptuelle, mais comme un objet qui peut conserver, à son voisinage, les propriétés structurelles (son essence) tout en subissant des déformations.

Ainsi, les évènements qui préfigurent l’effondrement des structures du système capitaliste sont, à mon humble avis, mal interprétés. Pour cause, le système capitaliste s’est longtemps dématérialisé, en offrant à une majorité disparate l’illusion d’un succès minimal insignifiant confortable qui lui permet d’assurer le renouvellement de ses impostures sans changer ses structures. Les idéologies ne sont que des impostures qui dissimulent très mal les lignes courbes, fourbes et troubles de la pensée occidentale. L’idéologie LGBTéienne (puisque c’en est une) symbolise le ruban de Möbius qui rend indiscernable le dedans et le dehors, la gauche et la droite du système.

Par-delà les lignes des grandes impostures militantes

Voilà pourquoi, il faut objectiver le concept “système” par une modélisation opératoire qui puisse faire apparaître ses propriétés et identifier ceux qui jouissent de ces dites propriétés. Or le succès du système capitaliste est là : Il a abruti l’homme au point de l’abêtir pour qu’il soit chosifiable à merci. Des progressistes occidentaux condamnent le totalitarisme poutinien et des ayatollahs iraniens, mais s’accommodent du style monarchique d’Emmanuel Macron dont la police mutile, éborgne et tue avec la même violence et la même rage de faire taire toute opposition pour faire passer le désir du monarque Jupitérien. L’Occident collectif condamne (gauche et droite confondues) l’emprise de Poutine sur les médias russes, mais se tait devant l’immonde médiocrité des médias occidentaux, propriétés de quelques milliardaires, qui ne sont que des télégraphistes de la maison blanche si ce n’est de la CIA.

Comme disait Flaubert, plus l’homme est insignifiant et inconscient, plus il devient égoïste et bête et ne pense qu’à sa survie, qu’à ses succès. Ainsi le capitalisme s’y est pris : il a fait en sorte que la gamelle de l’homme occidental (ses succès, sa fortune, son rayonnement, sa jouissance) soit à portée de son museau pour qu’il accepte les injonctions néolibérales comme des valeurs, et en devenant même le relais (parfois inconscient) de ces injonctions. J’ai une fois de plus été scandalisé de lire que les médias occidentaux (de gauche et de droite confondus) condamnaient le déploiement des armes nucléaires russes en Biélorussie, tout en passant sous silence, depuis 30 ans, le déploiement des armes nucléaires américaines en Pologne, en Roumanie, en Allemagne, en Turquie, aux portes de la Russie.

Et c’est en surfant sur ces lignes d‘imposture que j’essaie de comprendre l’errance de mon pays. De 1994 à 2019, Haïti a été prise en charge par des dizaines de missions d’expertise sous management et pilotage des grandes agences internationales comme le PNUD, l’USAID, la MINUSTAH, le BINUH, l’ACDI, l’Union Européenne etc. .. Elles ont échafaudé pour le pays, sans tenir compte de son contexte problématique, de ses besoins réels, de ses ressources humaines dignes et compétentes, un gigantesque chantier de réingénierie de renforcement institutionnel. Celui-ci a permis à de nombreux fonctionnaires internationaux, racistes, insignifiants et corrompus, pour la grande majorité, de jouer aux experts de la bonne gouvernance, de l’e-gouvernance et des droits de l’homme, en soumettant l’écosystème institutionnel haïtien aux transplants culturels et impostures managériales de la gestion axée sur les résultats. Tout cela en s’appuyant sur une armée d’experts nationaux qui ont été anoblis par les grandes universités occidentales pour devenir les fossoyeurs de leurs pays.

Plus de 60% des militants qui ont soutenu les gangs des Martelly et des Jovenel sont des transfuges du mouvement lavalassien  ou de grands universitaires de droite.

C’est le résultat de ces impostures qui déploie aujourd’hui sa spirale d’errance, poussant la grande majorité des Haïtiens à vouloir fuir. Or tous ces experts de l’insignifiance et de l‘urgence, militants progressistes, droits de l’hommistes, de gauche et de centre gauche, pour la plupart, ont leur résidence secondaire dans les grandes capitales occidentales. L’actuel premier ministre haïtien est un ancien membre d’un parti socialiste haïtien (PANPRA, ci-après Fusion des sociaux-démocrates de Serge Gilles) longtemps financé par le parti socialiste français. Plus de 60% des militants qui ont soutenu les gangs des Martelly et des Jovenel sont des transfuges du mouvement lavalassien (parti lui aussi de gauche à ses débuts) ou de grands universitaires de droite (sociologues, anthropologues et toutologues doctorés et auréolés par l’Occident).

De sorte que ce n’est pas en termes de gauche ou de droite qu’Haïti doit penser et creuser la brèche pour trouver sa ligne de fuite hors de cette spirale d’errance. Le défi qu’Haïti doit impérativement relever est de produire de nouvelles générations d’êtres résolument engagés à habiter dignement le territoire pour faire émerger une culture qui ne soit ni une pâle singerie de l’Occident, ni une reproduction du marronnage hybride. Haïti a besoin, pour se régénérer, d’une culture respectueuse de son écosystème, ancrée dans ses racines métisses, digne, insoumise et humaniste ; c’est -à-dire, inscrite dans la globalité du monde. C’est dans l’apprentissage et la transmission des valeurs de l’engagement et de la responsabilité, en se réenracinant sur son terroir, en ensemençant la dignité et en régénérant l’intelligence, qu’Haïti pourra MATHER sa séculaire indigence. Il ne faut pas se laisser distraire, il faut garder le cap sur l’attracteur de la dignité, juste en rupture des lignes tracées pour l’effondrement, bien-loin, par-delà les lignes des grandes impostures militantes. Qu’elles soient de droite ou de gauche !

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