« La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité »
Albert Camus
Quoi? What? Ki sa? ¿Qué? Was? Che cosa ! Vous avez bien dit: démocratie ? Ah ! N’ayant pas été introduit, durant mes humanités à la langue des Aristote, Platon, Anaxagore, Démocrite et autres philosophes, je me suis laissé dire que le mot démocratie tient ses origines du grec : dêmokratia, formé de dêmos, « peuple », et de kratos, « pouvoir ». Dès lors, ai-je su, on parle donc de pouvoir du peuple, de gouvernement du peuple. Par le biais de mes fouyapòtteries j’ai même appris davantage : Abraham Lincoln, président des États-Unis de 1860 à 1865, aurait un jour déclaré que la démocratie était « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Suivant ce principe, la souveraineté appartient donc au peuple qui choisit ceux qui le gouverneront. Pòv pèp ! Dans les pays ‘‘évolués’’ il y a des matrones (des matrons, surtout) qui tiennent la démocratie dans leurs bras et lui donnent la tétée pour qu’elle ne meure pas. Cette engeance matronesque a réussi, aux USA, le tour de force de faire avaler au peuple un lait pwès (condensé), soporifique, anesthésiant, chloroformant, toudissant, étourdissant au point de le tenir enfermé à l’intérieur d’un enclos où s’agitent, cogitent, boulshitent deux seuls partis, et de le forcer à choisir entre le pire et ‘‘ le plus pire ’’.
Ainsi, dans ce pays ‘‘le plus évolué’’ que sont les États-Unis, deux partis se sont mis de la partie pour aider le dêmos à jouir de son kratos, d’autant que le président James Knox Polk, un chantre de la conquête de l’Ouest, en 1846, tenait à voir se réaliser la « destinée manifeste » ; idée illustrée par le journaliste John L. O’Sullivan : « C’est manifestement notre destinée de nous répandre sur le continent que la Providence nous a alloué…» (sic), en prenant aux Mexicains leur territoire, ‘‘démocratiquement’’ ou par la force. Propos qui annonçait la guerre américano-mexicaine de rapine et d’extension territoriale, et qui présumait du triomphe de la démocratie sur l’instabilité politique au Mexique, la sauvagerie quoi !
Oui, c’est quelque chose comme croire ou mourir.
Depuis, le discours américain est enrubanné, décoré, agrémenté, orné, enguirlandé, enjolivé, orné, endimanché, parfumé de démocratie. Démocratie, avez-vous dit ? Oui, c’est quelque chose comme croire ou mourir. Depuis, ‘‘ En groupe en ligue en procession En bannière En slip en veston A pied à cheval et en voiture’’, les Américains votent pour que ne meurent ni les deux partis, ni la démocratie, encore moins les ‘grands électeurs’, les ‘‘sages’’ (sic). Ils ont dit démocratie, mais quelle démocratie ? C’est vrai que « Chaque vote compte », mais comme aimait dire ce loustic, mon ami (amant de la ‘‘bonne prononciation’’ en français) : ça depend. À bas les accents aigus ! Oui, chaque vote compte, mais… en vertu du scrutin majoritaire à un tour, le candidat arrivé en tête rafle tous les « grands électeurs » en jeu.
Ainsi, en 2000, Ti Bush avait obtenu 4 371 000 suffrages en Californie, ce qui ne lui avait apporté aucun « grand électeur ». Pourtant, les 375 voix d’avance de M. Gore au Nouveau-Mexique suffisaient à lui en procurer cinq. Au final, le wanga de Ti Bush, son kratos (au niveau de la Cour suprême) était plus fort que celui de Gore qui dut boire son vinaigre jusqu’à la dernière goutte. Cruel ! Gad on dêmos-kratos! Démocratie, avez-vous dit ?
Ce qu’il excelle depuis quatre ans en attaques systématiques et grossières contre les médias, les tribunaux, les femmes, les minorités, les étrangers, la fonction publique !
Mais, qui a jamais dit au dêmos qu’aux élections en 2000, Ti Bush et Gore s’empruntèrent leurs thèmes de campagne ; que des lobbies industriels, souvent identiques, ont financé leurs publicités et leurs conseillers ; en cachettement, ils se sont entendus pour interdire à MM. Ralph Nader et Patrick Buchanan de participer à un seul des quatre grands débats télévisés diffusés par les médias ; deux adversaires à qui faisaient cruellement défaut les moyens financiers colossaux des deux poulains du grand capital. Ils ont dit démocratie. Ils s’arrangent pour la faire marcher même clopinement-clopantement. Ainsi, récemment, on a bien vu comment elle fonctionne aux USA, lorsque le parti démocrate a manigancé anba anba pour marginaliser Bernie Sanders au profit d’Hillary, au profit du « vote utile ».
Mais quand il s’agit d’autres pays, particulièrement ceux-là qui affichent une gueule d’indisciplinés, de rebelles, voire de socialistes ou de communistes, ils n’ont aucun droit à la démocratie, il faut briser leurs tibias pour qu’ils ne puissent avancer. Patrice Lumumba crachant à la figure du roi belge l’inhumanité du colonialisme ? Salvador Allende ‘‘conseillé par Castro’’ ? Aristide version 16 décembre 1990 ? Nicolás Maduro, digne successeur du révolutionnaire Hugo Chávez ? Evo Morales défenseur et porte-parole des autochtones boliviens ? Tous des ennemis de la démocratie, tous des communistes, des emmerdeurs, des ennemis du capitalisme débridé, des irresponsables à la traîne du castro-communisme. Marchons donc sur les traces de Voltaire, écrasons les infâmes !
Malgré ses clopineries, la démocratie états-unienn se démenait tant bien que mal, faisait avaler mille couleuvres aux citoyens, gigotait, s’agitait, se trémoussait pour faire bonne figure à la face du monde jusqu’au jour où tombant du ciel d’insoupçonnables, grotesques, ubuesques élucubrations et divagations, un éléphant nommé Donald Trump est venu briser sa bonne vaisselle de Limoges léguée par les pères fondateurs. Ce qu’il en a cassé l’animal ! Ce qu’il excelle depuis quatre ans en attaques systématiques et grossières contre les médias, les tribunaux, les femmes, les minorités, les étrangers, la fonction publique !
Comme il a funambulé en exigeant une loyauté caricaturale de la part des militaires, des membres des services de renseignement, de la police fédérale et de la haute administration, sans oublier le recours aux troupes fédérales pour gérer des conflits locaux, le traitement inhumain des immigrés illégaux à la frontière ou l’utilisation du pouvoir présidentiel à son avantage financier personnel. Toutes ces funambuleries, clowneries, pitreries sont venues briser en mille éclats la notion même de démocratie.
Écrasés sous l’énorme, éléphantastique amoncellement de faïence cassée, les Américains, les Démocrates faudrait-il dire, ont redécouvert la démocratie. On ne parle que de tsa, diraient les Québécois. Isit : bonjour démocratie; lòt bò : démocratie, nous souffrons avec toi, toi notre démocratie chérie, toi démocratie exemplaire, toi LA Démocratie, la première à avoir aspergé l’Amérique latine et la Caraïbe de tes bienfaits sans nombre. En guise de reconnaissance, les sauvages de ces pays-là, ont, dans leur ingratutude (excusez, parfois bouch mwen su), porté au pouvoir des caricatures somozates, pinillates, batistates, duvaliérates, williamates-régalates, trujillottes, pinochettes.
Répondant à l’appel de ta ‘‘destinée manifeste’’ tu as accouru pour sauver les peuples de ces régions de dictatures corrompues et cruelles que par immaturité et naïveté ils avaient hissé au pouvoir : un travail qui t’a pris trois mois au plus bas mot et plus d’un quart de siècle au plus haut mot. Chaque jour, les propos décousus, saugrenus, incohérents, ineptes, fantasques de l’éléphant sont qualifiés de décevants, troublants, déconcertants, malheureux, honteux, lâches. Un journaliste qualifié, chevronné du NYT, épuisé par un flot de considérations analytiques, synthétiques, magiques, dramatiques, exégétiques, comiques, pathétiques et même poignantiques a fini par sortir une trouvaille que La Palice lui-même eût trouvé plate, fade, insipide et insignifiante : ‘‘nous avons pour devoir de protéger la démocratie ’’. Qui dit mieux ? L’auteur de l’insipidité ?
Le Secrétaire d’État du Michigan lui-même-même. Une seule fois ai-je entendu un certain John Harwood jeter une pierre déstabilisante dans la mare démocrate. Timidement, malhabilement, craintivement, prudemment, comme à la dérobée, il a glissé une vérité, LA vérité : « Trump a besoin d’être vu par un psy, le mec est un sociopathe ». Sur le plateau de CNN, à mon grand étonnement, pas un seul des trois autres analyseurs n’a attrapé la balle au vol pour faire l’autopsie de l’éléphant. On soupçonne que l’idée même de patauger dans la masse de chair sanguinolente et d’épais tissus adipeux de ce gigantesque animal à la trompe instable, a dû les effrayer. Depuis, on n’en a plus parlé. On n’évoque plus l’urgence de faire voir cet éléphant par un psy ou un neurologue qui investiguerait le mal mental qui le consume. Aurait-il reçu au cerveau quelque balle perdue, kèk bal marronne qui se serait logée dans les zones corticales cérébrales cognitives, principalement la région orbito-frontale de la bête éléphante, lors de ces randonnées éléphanticides par des braconniers, légaux ou illégaux ? On ne sait.
Che Guevara a ainsi décrit les États-Unis, le peuple états-unien en fait: ‘‘ naïf et cruel’’.
Pourtant, l’évidence du déséquilibre mental de l’animal est aveuglante. Les médias préfèrent parler de démocratie déchalborée par le plus grand éventreur de tous les temps du plus important legs des pères de la patrie, plutôt que d’asile psychiatrique pour l’éléphant. Combien de petits, moyens et même grands pays ont vu leur démocratie sabotée par les États-Unis, le plus grand adorateur, vénérateur, louangeur d’une vertu aristotélicienne mal assimilée par l’animal, peut-être même inconnue de lui, car l’auteur de La politique met la démocratie en garde contre la démagogie, cette dérive malsaine qui donne l’illusion au peuple qu’il gouverne ; ce que fait d’ailleurs l’animal depuis bientôt quatre ans. Che Guevara a ainsi décrit les États-Unis, le peuple états-unien en fait: ‘‘ naïf et cruel’’. Sans pouvoir, encore moins prétendre, me mettre audacieusement à la hauteur de cet immense mapou de la pensée et de l’action humaines, je décrirais le peuple américain, du moins ses représentants au Congrès, comme ‘‘des adorateurs et des saboteurs de la démocratie’’. Adorateurs du dêmos-kratos dans leur pays, saboteurs du concept, de la réalité du concept, ailleurs.
Pendant longtemps, la grande Démocratie américaine s’est promenée dans divers pays à saboter allègrement leur dêmos-kratos : le Brésil, l’Argentine, Haïti, la République dominicaine, Panama, le Nicaragua, le Salvador, l’Uruguay, le Pérou, la Bolivie, la Grenade, le Liban, l’Ukraine, j’en passe. Que de révolutions « colorées » ! Orange en Ukraine ; révolution des Roses en Géorgie, des Tulipes au Kirghizistan, du Cèdre au Liban ; révolution de velours en Tchécoslovaquie ; révolutions de soie, de satin, de tulle, de nylon, de crêpe, de gros bleu macoute, de lin, de laine, de cachemire, de batiste, tout depend du pays et du moment. Mais voilà que maintenant la grande Démocratie en question est menacée de l’intérieur par ses propres fils menés aveuglement par un éléphant émettant une gamme de sons allant des grondements à très basse fréquence aux barrissements (trompettards) à haute fréquence. Battu aux élections de 2020, l’animal barrit que ses suffrages ont été volés et que la démocratie américaine, sa démocratie, a subi une défaite malmacaquante, chanpwellante.
De leur côté, les Démocrates portant encore les cicatrices Ti bushantes ou Al gorantes (ça depend) de leur échec aux élections de 2000, crient à la malfaisance, la mauvaise foi malveillante des Républicains qui s’entêtent à barrir STOP THE STEAL (arrêtez le vol) et refusent d’accepter que leur candidat a été battu sal et que son rival a gagné fair and square, de façon juste et équitable. Hier encore, en 2019, c’était Evo Morales, en Bolivie, la grande victime de la Démocratie américaine. Aujourd’hui, cette même Démocratie ne sait pas encore où elle est garde dans son propre pays. Piman gou nan je zwezo, men nan je lapèsòn li boule.
Les derniers développements post-électoraux aux USA nous laissent ‘‘craints et même peur’’, pour citer ce loustic, mon ami: d’abord, la lettre ferme, déclarante, avisante, signalante, avertissante, sonnante des dix anciens secrétaires américains à la Défense en vie, réunis pour publier un pinga à la population éléphantante : « les résultats de l’élection sont officiels » ; ensuite l’appel téléphonique étonnant, dépravé, d’une heure du grand éléphant suppliant le secrétaire d’État géorgien, à travers une digdal de fausses déclarations, d’annuler les résultats de l’élection de 2020 et réprimandant à plusieurs reprises les représentants de l’État.
‘‘la plus grande démocratie du monde’’ menacée de guerre civile par la faute d’un hurluberlu mentalement
Les citoyen-enne-s américains feraient bien de commencer à mettre leur barbiche à la trempe, car ce que je vois poindre à l’horizon ce n’est ni le soleil qui poudroie, ni l’herbe qui verdoie, mais bien l’ombre de généraux quatre-étoilés qui avançoient au pas militaire pour rétablir dans ses pleins droits ‘‘la plus grande démocratie du monde’’ menacée de guerre civile par la faute d’un hurluberlu mentalement dérangé, fou de pouvoir, mégalomane sans grandeur, narcissique débile et analphabète au dernier degré.
Démocratie avez-vous dit ? Bon… pas tout à fait, mais « la nation est prévenue, le monde entier est averti ». Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là! L’éléphant est en mode barrissant aigu et menaçant. Je n’en dirai pas plus.
4 janvier 2021