Décès de Ramsey Clark: un procureur général qui s’est retourné contre l’impérialisme !

0
1048
Ramsey Clark

Ramsey Clark, ancien procureur général des États-Unis et renommé avocat international des droits humains qui s’est opposé à l’agression militaire étatsunienne dans le monde entier, est décédé paisiblement le 9 avril à son domicile de New York, entouré de sa famille proche. Il avait 93 ans.

En tant que pré-adolescente grandissant à Albuquerque, je connaissais certainement son nom et qu’il était procureur général. Je ne pouvais pas imaginer alors que nous deviendrions amis, que j’aurais l’honneur de travailler avec lui et d’apprendre quel grand humanitaire Ramsey Clark était.

En tant qu’assistant et plus tard procureur général des États-Unis, Ramsey Clark a aidé à rédiger les deux lois historiques étatsuniennes de droits civils de 1964 et 1968, la loi sur les droits de vote de 1965, et il a été le principal exécuteur des ordonnances fédérales de déségrégation. Accompagnant personnellement Martin Luther King Jr. et James Meredith face à la terreur raciste de l’Alabama au Mississippi, Ramsey était un fervent opposant au racisme. Au ministère de la Justice, il a fréquemment été confronté à des politiques répressives au sein du gouvernement même, du Congrès au FBI en passant par J. Edgar Hoover.

Après avoir quitté le gouvernement, Ramsey s’est directement engagé dans la politique étrangère étatsunienne, voyageant dans des dizaines de pays pour rencontrer les personnes victimes de la guerre et des sanctions. Qu’il s’agisse de défier les bombes étatsuniennes au Nord-Vietnam en 1972 ou de compter les corps dans les morgues de Panama et le quartier bombardé d’El Chorrillo pour compter le nombre réel de victimes lors de l’invasion étatsunienne de 1989, Ramsey a risqué sa vie d’innombrables fois pour montrer la vérité de l’agression étatsunienne.

Il a parcouru 3500 kilomètres à travers l’Irak au milieu des bombardements intenses pendant la guerre du Golfe étatsunienne de 1991 pour ramener le seul film non censuré de la guerre. Et pendant 12 ans jusqu’à la guerre et l’occupation étatsuniennes de 2003, Ramsey a mené une campagne internationale contre le blocus total étatsunien de l’Irak – des sanctions plus meurtrières qu’une guerre de bombardement.

Sur tous les continents, Ramsey Clark a défendu les peuples et les pays contre l’injustice et la pauvreté. Il considérait la guerre et les sanctions étatsuniennes comme étant la plus grande menace pour l’humanité.

Il décrivait le gouvernement et le système étatsuniens comme étant une «ploutocratie» et dénonçait l’injustice et la répression croissantes aux États-Unis. Dans les années 1960, Ramsey a appelé à «l’abolition du système carcéral étatsunien tel que nous le connaissons», des années avant que cela ne devienne un slogan de ralliement dans le mouvement d’aujourd’hui. Il était fermement opposé à la peine de mort.

La marque du plaidoyer de Ramsey Clark était sa conviction inébranlable que les droits humains signifiaient le droit à la paix, à l’égalité et à la justice sociale et économique. Il a fait plus que plaider, il a agi selon ses convictions.

Né William Ramsey Clark le 18 décembre 1927, son père Tom C. Clark a été procureur général des États-Unis de 1945 à 1949 et juge de la Cour suprême de 1949 à 1967. Sa mère Mary s’occupait de Ramsey, Tom Jr. et de sa sœur Mimi. Son frère est mort à six ans d’une pneumonie alors que Ramsey avait quatre ans. Ramsey a passé son enfance à Dallas jusqu’à ce que son père assume un poste au ministère de la Justice à Washington, DC, en 1937. Bien qu’il ait essayé de rejoindre les Marines à l’âge de 13 ans pendant la Seconde Guerre mondiale, il a finalement été accepté à 17 ans pendant la dernière année du conflit.

Ayant commencé comme avocat privé, il a rapidement débuté sa carrière au ministère de la Justice, qui a duré de 1961 à 1969.

Un fervent défenseur des droits civils et opposant au racisme

En 1961, Ramsey Clark est devenu procureur général adjoint de l’administration Kennedy pour la division d’acquisition des terres du ministère de la Justice. Pourtant, son travail principal était dans la défense des droits civiques contre l’apartheid de Jim Crow dans le sud et la violence par les groupes et les gouvernements racistes. Il a été le principal exécuteur sur le terrain de la décision de la Cour suprême des États-Unis de 1954, Brown contre Board of Education, contre les États de Géorgie, de Caroline du Sud et d’Alabama. Huit ans après l’ordonnance du tribunal, ces états bloquaient toujours ou refusaient de déségréger les écoles publiques. Ramsey y a travaillé directement en 1962 et 1963 pour superviser la mise en œuvre de la décision.

Dans ce livre il a ouvertement critiqué le directeur hyper-raciste du FBI

En 1965, le président Lyndon Johnson a nommé Ramsey au poste de sous-procureur général. Lorsque les Noirs ont décidé de marcher de Selma à Montgomery, en Alabama, pour obtenir le droit de vote, ils ont été brutalement agressés par des soldats de l’État les 7 et 9 mars et ont connu la terreur du KKK et du White Citizens Council (Conseil des citoyens blancs). Alors que des milliers de personnes se rassemblaient pour une troisième action pacifique débutant le 21 mars, Ramsey a été envoyé pour essayer d’assurer la protection des manifestants, avec la présence fédérale de la Garde nationale de l’Alabama.

En juin 1964, trois militants des droits civiques – le Mississippien noir de 20 ans James Chaney et les jeunes blancs Andrew Goodman et Michael Schwerner – ont été arrêtés à Philadelphie, Mississippi, par le shérif adjoint Cecil Price, membre des White Knights (Chevalier blancs) du KKK. Il les a relâchés après avoir convoqué d’autres membres du Klan, qui ensemble ont torturé et assassiné les trois jeunes hommes. Leurs corps ont été retrouvés en août. Cet épisode choquant a suscité une révulsion nationale et a été l’un des catalyseurs des lois sur les droits civiques.

Ramsey Clark est allé voir la famille de Chaney à leur domicile pour leur dire que les corps de James, Andrew et Michael avaient été retrouvés. Le jeune Ben n’avait que 12 ans. Lorsqu’il a appris que son frère était mort, il a dit à Ramsey: «Je suppose que je ferais mieux de devenir président pour changer tout cela». Ben et sa famille ont déménagé à New York pour échapper aux menaces de mort. En tant que militant de la libération des Noirs à seulement 17 ans, Ben Chaney a été en prison avec trois peines d’emprisonnement à perpétuité en Floride, bien qu’il n’ait pas été impliqué dans le crime pour lequel il a été condamné. Ramsey n’a jamais oublié Ben et le traumatisme qu’il a subi en perdant son frère. Il a demandé avec succès la libération de Ben à la commission des libérations conditionnelles de Floride, et Ben a été libéré après 13 ans. Il a ensuite travaillé comme commis au cabinet d’avocats de Ramsey pendant des années.

Ramsey Clark était un homme de principe qui partageait son point de vue selon lequel le plus grand danger n’était pas les militants anti-guerre ou antiracistes, mais les injustices qu’ils protestaient. Il a refusé de permettre l’écoute électronique du chef de la libération des Noirs, Stokely Carmichael (plus tard Kwame Touré), malgré l’insistance répétée de J. Edgar Hoover et du vice-président Hubert Humphrey. Ramsey a refusé les demandes des politiciens de poursuivre Stokely Carmichael pour «avoir aidé et encouragé l’insoumission pendant la guerre du Vietnam».

Ramsey Clark reçoit la Médaille de la solidarité de Cuba. Avec lui, les “Mothers of the Cuban Five”, Mirta Rodríguez, Irma Sehwerert, Magali Llort. Crédits: Gloria La Riva

Après que Ramsey ait été remplacé comme procureur général par l’élection de Richard Nixon, il a écrit un livre pionnier: «Crime in America: Observations on its Nature, Causes, Prevention and Control» (Crime aux Etats-Unis: observations sur sa nature, ses causes, sa prévention et son contrôle), en se concentrant sur la vraie cause du crime, de la pauvreté et de l’inégalité raciale. Dans ce livre il a ouvertement critiqué le directeur hyper-raciste du FBI: «M. Hoover m’a demandé à plusieurs reprises d’autoriser les écoutes téléphoniques du FBI contre le Dr King lorsque j’étais procureur général. La dernière de ces demandes, dont aucune n’a été accordée, est survenue deux jours avant le meurtre du Dr King”.

Mike Wallace, éminent journaliste de CBS, dans une émission de télévision nationale sur les tactiques de chantage de J. Edgar Hoover pour intimider ses adversaires, a déclaré: «Il n’y avait qu’un seul homme qui n’avait pas peur de tenir tête à Hoover: Ramsey Clark.»

Un internationaliste engagé

Avec son retour à la pratique privée en 1969, Ramsey est devenu l’un des principaux défenseurs des victimes de la politique étrangère étatsunienne. Il se rendra dans plus de 120 pays pour exprimer sa solidarité avec les peuples opprimés, de la Palestine à l’Inde en passant par l’Afrique du Sud. Il était un opposant indéfectible de tous les bombardements, sanctions et occupations étatsuniennes, et cherchait à rallier le peuple des États-Unis et du monde entier.

Les crimes de guerre qu’il a dénoncés par ses courageux rapports de première main ont souvent fait de lui la seule source de vérité pour contrer les mensonges de la massive propagande de guerre étatsunienne qui précédait les bombes. Tant l’establishment libéral que néoconservateur – souvent alliés pour soutenir une nouvelle aventure militaire étatsunienne – l’ont souvent soumis à des campagnes de dénigrement dérisoires de la part du «pool des sténographes du Pentagone».

Mais Ramsey Clark n’a jamais été dissuadé ni découragé, et n’a jamais craint les critiques des médias et du gouvernement, quelles que soient les pressions politiques. Cela était vrai lorsqu’il a visité le Vietnam du nord en 1972.

Invité par la Commission internationale pour les enquêtes sur les crimes de guerre des États-Unis en Indochine à se joindre à une délégation d’enquête au Vietnam en 1972, Ramsey accepta. Il a visité et interrogé des soldats étatsuniens qui étaient prisonniers de guerre, et a visité les digues et portes d’écluse dans le nord qui étaient fortement bombardées. Les B-52 étatsuniens larguaient des bombes et tuaient des civils, frappant les sources d’eau pour détruire les moyens de survie de la population dans une région essentiellement rurale.

Quand il est retourné à San Francisco et a tenu une conférence de presse le 14 août, Ramsey Clark a déclaré que les prisonniers étaient bien traités. «J’ai vu beaucoup de prisons dans ma vie», a-t-il dit, selon le New York Times. «Ces 10 hommes étaient incontestablement bien traités avec humanité. Leurs cellules individuelles étaient meilleures et plus grandes que les cellules de toutes les prisons que j’ai jamais visitées”.

Lorsqu’on lui a demandé s’il pensait que le bombardement étatsunien de cibles civiles était délibéré, il a répondu: «Nous créons l’enfer dans cette pauvre terre en la bombardant. Nous frappons les hôpitaux. Je ne peux pas vous dire si c’est délibéré. Mais pour les personnes qui sont touchées, cela ne fait pas beaucoup de différence, n’est-ce pas?» Plus de trois millions de Vietnamiens et 57.000 soldats étatsuniens sont morts au cours de la guerre.

Opposition à des sanctions fatales

À la fin de la guerre avec l’unification et la victoire totale du Vietnam en 1975, Clark a fait ce qu’aucun opposant à la guerre n’a fait. Pour lui, la guerre contre le Vietnam n’était pas terminée parce que les sanctions économiques étatsuniennes punissaient délibérément le pays et diminuaient sa capacité à se remettre de la dévastation, causant la mort de milliers d’autres. Les sanctions ont finalement pris fin en 1994, 19 ans plus tard.

Quelques jours après l’invasion du Koweït par l’Iraq en août 1990, les États-Unis ont poussé les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU à imposer des «sanctions». De nombreux membres du mouvement pacifiste étatsunien ont avancé le slogan «Sanctions, Not War», acceptant la première étape d’une guerre inévitable. Ramsey et la coalition anti-impérialiste qu’il a aidé à diriger ont dénoncé les sanctions comme étant un moyen de guerre, sachant qu’un blocus naval imposé par les États-Unis était calculé pour affamer d’abord le peuple, puis bombarder si la faim ne marchait pas.

La Coalition nationale pour arrêter l’intervention étatsunienne au Moyen-Orient était dirigée par Ramsey et des organisateurs anti-guerre. Dans les semaines qui ont suivi le début des bombardements le 16 janvier 1991, Ramsey Clark a mené une équipe composée d’un traducteur, d’un chauffeur et du cinéaste Jon Alpert. Sans électricité ni essence dans le pays et avec les bombes tombant jour et nuit, il a parcouru 3.500 kilomètres à travers tout l’Irak.

Ramsey était déterminé à montrer que le mythe du Pentagone des «dommages collatéraux», des pertes supposées minimales en vies humaines, était un mensonge absolu destiné à adoucir le sentiment anti-guerre de la population. Le film de Jon Alpert, «Nowhere to Hide» (Nulle part où se cacher), était la seule séquence non censurée de l’attentat de 43 jours.

Lorsque Ramsey est venu à San Francisco peu après son retour d’Irak au début de février 1991, il s’est adressé à un public bondé de 1.200 personnes à la Third Baptist Church, au cœur de la communauté noire. «Nowhere To Hide» a été une révélation choquante, la vidéo montrant Ramsey alors qu’il visitait des villages et des hôpitaux bombardés. La seule usine de lait en poudre pour les préparations pour nourrissons a été anéantie par les bombes étatsuniennes. Toute l’infrastructure iraquienne – stations de traitement de l’eau et des eaux usées, réseau électrique, volaille et bétail – tout a disparu dans les 24 heures suivant les bombardements intensifs.

Jusqu’à ce que ce film soit projeté aux États-Unis et dans le monde entier, tous les grands médias répétaient les mensonges du Pentagone sur les «dommages collatéraux» comme si les victimes civiles étaient un malheureux accident.

C’est le mensonge fabriqué que l’on dit au public à propos de chaque guerre et blocus étatsuniens, alors que des millions de personnes sont confrontées à de graves difficultés et à la famine dans les pays sanctionnés par Washington. J’ai souvent dit aux gens ces dernières années que si Ramsey était physiquement apte, il serait avec le peuple du Yémen, utilisant sa renommée internationale pour faire la lumière sur le génocide commis par l’Arabie saoudite, pleinement soutenu par l’impérialisme étatsunien.

Le livre de Ramsey sur la guerre du Golfe, «The Fire This Time» (L’incendie cette fois), détaille la destruction de l’infrastructure civile irakienne et la mort de 250.000 personnes à cause des bombes.

Quand les troupes étatsuniennes sont parties, les 12 années suivantes de blocus total étatsunien – les «sanctions» euphémistes que certains libéraux applaudissaient – se sont poursuivies. Le blocus a tué plus de 1,5 million d’Irakiens, jusqu’à l’invasion et l’occupation de 2003.

Ramsey a soumis ses conclusions annuelles sur les effets de ces sanctions meurtrières aux Nations Unies. Il est retourné de nombreuses fois en Irak. J’ai eu l’honneur de l’accompagner avec une délégation de 84 organisateurs, avocats, médecins et syndicalistes en mai 1998. Nous avons connu l’horreur d’hôpital en hôpital où aucun médicament ou équipement de travail n’existait car les sanctions US / ONU interdisaient même l’envoi d’aspirines. La situation était horrible – des bébés mouraient d’infections traitables, des personnes âgées et des jeunes mouraient de l’exposition à l’uranium appauvri des bombes étatsuniennes.

Mon film, «Genocide by Sanctions: The Case of Iraq» (Le génocide par les sanctions: le cas de l’Irak), qui documente le voyage de Ramsey en 1997, a exposé le thème des «sanctions, pas la guerre» pour ce qu’il est vraiment: un mensonge.

Ramsey était un fervent partisan des droits du peuple palestinien et il était une figure bien-aimée dans tout le monde arabe. Il était l’avocat de l’Organisation de libération de la Palestine aux États-Unis et dans de nombreuses instances juridiques internationales, alors que presque personne d’autre aux États-Unis n’était disposé à défendre la juste cause des peuples palestiniens et arabes. Ramsey a réalisé cette solidarité avec les peuples palestinien et arabe pendant les décennies où l’affirmation ridicule du gouvernement israélien et de la droite selon laquelle cela était antisémite était encore plus dominante. Il était l’un des critiques les plus éminents en Occident du régime fantoche étatsunien du Shah en Iran.

Cuba était d’une importance énorme pour Ramsey Clark et il s’est rendu sur l’île à plusieurs reprises. Il a salué les réalisations sociales de Cuba et a apporté son soutien actif à la «caravane de l’amitié» des Pasteurs pour la paix lors de son passage au Mexique en route pour Cuba en 1993. Il a appelé au retour immédiat de Elián González, âgé de 6 ans. Il a dit à propos de l’emprisonnement injustifié des “Cuban Five” aux États-Unis que s’il avait été procureur général, il aurait rejeté leurs accusations. Pour ses années de soutien à Cuba et son opposition au blocus génocidaire étatsunien, il a reçu la Médaille de la solidarité en 2012, accompagné des mères des Cinq cubains.

Ramsey a effectué plusieurs voyages en République populaire démocratique de Corée ou Corée du Nord, ainsi qu’en Corée du Sud. En 2001, il a été le conférencier d’honneur et le juriste principal du Tribunal international des crimes de guerre des États-Unis pendant la guerre de Corée. Le Tribunal a présenté des témoignages d’experts et a reçu la participation de personnes du monde entier. Le dernier voyage de Ramsey en Corée du Nord a eu lieu en juillet 2013 pour marquer le 60e anniversaire de l’Accord d’armistice qui a mis fin aux hostilités militaires en Corée en 1953. À Pyongyang et lors de voyages ultérieurs à Séoul et Tokyo, Ramsey a parlé avec éloquence de la nécessité de mettre fin aux sanctions contre la Corée du Nord et a exigé que les États-Unis signent un traité de paix avec ce pays pour mettre fin à la guerre de Corée une fois pour toutes.

Il n’y avait pas de lutte ou de cause pour la justice sociale que Ramsey ne soutenait pas.

Quiconque ayant l’occasion de passer quelques heures avec lui recevait une leçon d’histoire mémorable de ses expériences. Une fois, je l’ai conduit en Californie à un engagement universitaire, trois heures aller-retour. Ramsey m’a raconté toute l’histoire de la vie de Ruchell Magee, qu’il a tenté de libérer en appel, et de la cruauté absolue dont il a été victime par le système de «justice».

Il croyait fermement aux droits souverains des autochtones et a joué un rôle déterminant dans le règlement des principales revendications territoriales qui n’avaient pas été réglées depuis 50 ans.

Le 1er janvier 1994, lorsque la rébellion zapatiste a commencé au Chiapas, au Mexique, Ramsey, fidèle à son habitude, savait qu’il devait être là pour enquêter et montrer son soutien. J’ai eu la chance de faire partie de cette petite équipe avec Brian Becker et d’autres, moins d’une semaine après le soulèvement. L’action héroïque des peuples autochtones mayas a été motivée par l’accord de libre-échange de l’ALENA, signé par les présidents Bill Clinton et Carlos Salinas. Les zapatistes savaient que l’ALENA détruirait leurs moyens de subsistance en inondant le Mexique de produits étatsuniens comme le maïs.

La peur de la répression de l’armée mexicaine était palpable. La presse mexicaine et internationale, ainsi que les libéraux sympathisants du sort des peuples autochtones, étaient néanmoins réticents à accorder du crédit à la lutte armée. À l’issue de notre visite, Ramsey a déclaré à des centaines de journalistes lors d’une conférence de presse dans un hôtel à San Cristobal de las Casas que leur lutte armée – «le coup de feu entendu à travers le monde» comme il l’appelait – était pleinement justifiée.

Ramsey était avocat en appel pour l’Indien Américain Leonard Peltier, prisonnier politique, qui se trouve encore aujourd’hui dans une prison fédérale étatsunienne depuis 45 ans suite à une machination du FBI. Lors d’un rassemblement de masse en salle à San Francisco de près de 1000 personnes le 16 novembre 1997 pour Leonard, Ramsey a déclaré à une foule enthousiaste: «Tout le monde sait, et surtout les procureurs et le FBI, que Leonard Peltier est innocent du crime pour lequel il a été condamné. … Il est essentiel de libérer Leonard Peltier et, ce faisant, de reconnaître les Indiens Américains comme étant les premiers, les premiers, les premiers parmi des égaux. Tant que Leonard n’est pas libre, nous courons tous des risques. Son cas montrera si le peuple étatsunien a enfin la volonté de résister aux puissants intérêts économiques qui contrôlent les médias et le complexe militaro-industriel, qui ravagent les pauvres à travers la planète. Si nous avons la volonté de nous élever et d’arrêter le gouvernement étatsunien avant qu’il ne soit trop tard”.

Tôt le lendemain, Ramsey s’est envolé de San Francisco pour la Yougoslavie pour montrer son soutien à ce pays assiégé. La Yougoslavie était à ce moment-là le seul gouvernement socialiste d’Europe à ne pas avoir été renversé par les contre-révolutions capitalistes qui ont balayé la région de 1988 à 1991. Mais les États-Unis étaient déterminés à détruire le gouvernement, et deux ans plus tard, ils l’ont fait. En mars 1999, la campagne de bombardement de 73 jours entre les États-Unis et l’OTAN a commencé sous le prétexte de défendre une minorité musulmane dans la province serbe du Kosovo.

La diabolisation par l’impérialisme étatsunien du dirigeant yougoslave Milosevic dans les médias bourgeois a effectivement neutralisé de nombreuses organisations pacifistes étatsuniennes traditionnelles. Mais des milliers de personnes de l’aile anti-impérialiste du mouvement anti-guerre étatsunien sont descendues dans la rue. Bientôt, tout le peuple yougoslave est devenu la cible de l’OTAN. L’OTAN, sous la direction du Pentagone et de l’administration Clinton, a largué 28.000 bombes et missiles sur ce petit pays d’Europe centrale. De nombreux libéraux, même certains militants progressistes bien connus, ont déploré la défense active de la Yougoslavie par Ramsey. Ils n’ont vu que ce que CNN, NBC et le New York Times voulaient qu’ils voient – Milosevic en tant que seul occupant de la Yougoslavie.

À ce moment-là, l’ambassade yougoslave à Washington, D.C., avait changé et était aux mains de la droite et lui a refusé un visa.

Mais Ramsey, guidé par sa boussole morale, a vu à travers la machine de propagande du Pentagone. Dès que les bombes ont commencé à tomber le 24 mars 1999, j’ai eu à nouveau le privilège de l’accompagner, cette fois en Hongrie. Nous avons été conduits à Belgrade, en Yougoslavie, le cinquième jour de la guerre pour documenter les effets dévastateurs sur la population civile.

C’est devenu mon documentaire, «NATO Targets Yugoslavia» (L’OTAN cible la Yougoslavie). Littéralement chaque jour de la guerre, CNN rapportait que le bombardement de la veille était «le bombardement le plus lourd jamais effectué par les forces de l’OTAN». Ramsey est arrivé là-bas le 55e jour de la guerre. Je l’ai de nouveau accompagné.

Gloria La Riva et Ramsey Clark

Un épisode particulièrement dramatique avec Ramsey s’est produit lorsque la contre-révolution a eu lieu en Yougoslavie à la fin de juin 2001. Milosevic a été renversé dans une «révolution des couleurs» conçue par la CIA. Le nouveau gouvernement putschiste a rapidement commencé à arrêter les socialistes yougoslaves et d’autres patriotes qui menaient la résistance au bombardement de l’OTAN en 1999.

Ramsey a décidé qu’il voulait aller là-bas tout de suite. À ce moment-là, l’ambassade yougoslave à Washington, D.C., avait changé et était aux mains de la droite et lui a refusé un visa. Cela n’a pas arrêté Ramsey. Il m’a appelé à San Francisco et m’a dit: «Prenez le prochain avion pour JFK. Je peux vous rencontrer à l’aéroport”. Quand je suis arrivée, nous avons traversé le terminal aussi vite que possible. La porte de l’avion se fermait, prêt à décoller.

Quand nous sommes finalement arrivés à Belgrade, nous nous sommes tenus dans la file d’immigration et alors que nous nous approchions du guichet, le personnel l’a refermée. Des responsables sont venus nous voir et nous ont dit: «Vous devez quitter le pays, vous ne pouvez pas rester. Remontez dans l’avion maintenant”. Ramsey a dit: «Je suis Ramsey Clark et…», ce à quoi ils ont répondu: «Nous savons qui vous êtes, montez dans l’avion.» Nous avons dit: «Non, nous devons appeler nos hôtes qui attendent à l’extérieur». Nos amis du Parti socialiste attendaient de venir nous chercher.

L’avion a décollé. Un autre roulait sur le tarmac pour rentrer à Paris. Encore une fois, les responsables ont insisté: «Montez dans cet avion, maintenant!» Nous avons refusé. Puis celui-là a décollé aussi. Combien de temps nous pourrions continuer, nous ne le savions pas.

Puis deux policiers, une femme et un homme, se sont approchés de nous. La jeune femme a dit: «Veuillez me donner vos passeports». L’homme m’a dit: “Suivez-moi.” Et il m’a conduit au terminal de l’aéroport, m’a emmené à un kiosque et m’a dit: «Vous pouvez passer votre appel téléphonique». Quand je suis revenu près de Ramsey, la policière nous a remis nos passeports, avec des visas. Elle a dit avec émotion à Ramsey: «Nous n’oublierons jamais ce que vous avez fait pour notre peuple, en nous soutenant pendant la guerre. Mon frère était dans l’armée et il a été blessé au combat”.

Elle a fait une pause et a dit vivement: “Je vous verrai ce soir au rassemblement!”

Lorsque nous sommes arrivés au rassemblement de masse pour protester contre l’arrestation illégale de Milosevic et son enlèvement à La Haye sur des accusations forgées de toutes pièces par le tribunal impérialiste, les foules ont applaudi Ramsey. Ils ont vu en lui un véritable ami. C’était toute une aventure, comme celle qui ne pouvait se produire que dans un film.

Un humanitaire aimé dans le monde entier

En janvier 2004, Ramsey Clark et moi étions au Forum social mondial à Mumbai, en Inde. J’étais là pour la lutte pour la liberté des Cinq Cubains. Bien sûr, Ramsey a également parlé en leur nom sur d’autres thèmes. À la fin d’une de ses présentations, Winnie Mandela est arrivée. J’étais stupéfait de la présence de cette dirigeante révolutionnaire. Elle a dit à voix haute alors qu’elle s’approchait pour embrasser Ramsey: «Quand j’ai appris que Ramsey Clark était là, je devais venir le voir”. Ils ont eu un échange chaleureux.

Plus tard dans la journée, il m’a dit: «Elle a souffert autant que Nelson Mandela si vous y réfléchissez. Elle a été emprisonnée, maltraitée par la police, bannie, isolée de ses enfants et de son mari”. Il m’a dit qu’une fois il était allé en Afrique du Sud pour lui rendre visite. Bannie, elle ne pouvait même pas ouvrir la porte pour le laisser entrer et elle ne pouvait pas quitter sa maison. Et simplement parce que Ramsey a posé sa main sur le moustiquaire de la porte en guise de «poignée de main», pour toucher sa main à travers l’écran, elle a été forcée à un bannissement plus isolé.

Ramsey était connu et aimé dans le monde entier par des millions de personnes qu’il défendait.

J’ai été témoin de trop de ces expressions d’admiration et d’amour pour les missions internationalistes de Ramsey que pour pouvoir les raconter ici. La vie juridique et politique de Ramsey Clark a rempli des livres et des archives de bibliothèque. On pourrait en dire beaucoup plus.

En Yougoslavie, lors du premier voyage de Ramsey en temps de guerre en mars 1999, je le filmais alors qu’il s’adressait à un large public d’universitaires, de juristes et d’avocats. Il a mentionné que c’était son 50e anniversaire de mariage avec sa femme Georgia, et il a parlé d’elle avec beaucoup d’amour et d’affection. Il a dit qu’elle soutenait son absence lors de leur anniversaire comme nécessaire pour défendre ceux qui avaient besoin d’une défense. Georgia partageait sa croyance en la justice sociale et elle a travaillé pendant des années dans ses cabinets d’avocats, alors qu’ils élevaient deux enfants, Tom et Ronda. Ils ont également voyagé fréquemment en famille.Une histoire particulière de sa vie est racontée dans le documentaire primé produit par le célèbre cinéaste Joe Stillman, «Citizen Clark: A Life of Principle» (Citoyen Clark: une vie de principes). Joe dit: «Quand j’ai appris les détails de sa vie, j’ai su que je devais raconter son histoire. J’avais le choix, soit m’acheter une maison, soit investir mon argent dans un film sur Ramsey. Je suis content d’avoir documenté sa vie. Je le referais sans hésiter une seconde”.

Malheureusement, Georgia est décédée en 2010. Tom, un avocat spécialiste de l’environnement au ministère de la Justice, est décédé d’un cancer à l’âge de 59 ans en 2013. Ronda est sourde et a une déficience intellectuelle et a vécu à la maison toute sa vie. Elle a fait la transition vers une école spéciale à New York, en prévision du décès de Ramsey. Ramsey Clark l’a élevée seule après la mort de Georgia. Il chérissait Ronda et aimait dire: «Elle est la patronne de la maison.» Les membres de sa famille survivants proches sont sa sœur Mimi Clark Gronlund, sa belle-sœur Cheryl Kessler Clark, trois petites-filles Whitney, Taylor et Paige Clark et la famille élargie.

Rares sont les personnes comme Ramsey Clark avec une défense sans compromis des vrais droits humains et le courage de défendre ces croyances. Il nous manquera beaucoup chez nous et dans le monde entier.

 

HTML tutorial

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here