De l’Accord de Musseau à l’Accord Karibe, Ariel Henry consolide son pouvoir (3)

(3e partie)

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Ariel Henri et sa meute d’amphibiens conduisent le peuple haïtien à une situation de catastrophe flagrante, ostensible.

Ça y est, le Haut Conseil de la Transition a été intronisé par son créateur, le Premier ministre de facto Ariel Henry le lundi 6 février 2023. Pour le moment, il siège au ministère du Commerce et de l’Industrie sur le Champ-de-Mars, tout un symbole. Le Corps diplomatique accrédité dans la capitale haïtienne avait fait le déplacement. Et naturellement, tous les grands commis de l’Etat et les partisans de l’Accord du 21 décembre étaient en première loge. Ce HCT aurait bien pu servir à quelque chose s’il n’était apparu aux yeux de la population et des leaders politiques comme « l’affaire », « la chose » du gouvernement cherchant à prolonger un bail qu’il n’a même pas au sommet du pouvoir. Le HCT et l’OCAG ne pourront rien résoudre dans ce contexte même si leurs membres avaient la volonté de bien faire et de réussir. Ils ne peuvent être indépendants d’un pouvoir qui craint d’être écarté aux premiers scrutins venus. Dans ces conditions, leurs travaux, s’ils arrivent à faire quelque chose, seront bâclés et soupçonnés d’être la volonté du pouvoir.

La conjoncture et le climat politiques font que ces deux organismes ne sont pas crédibles même s’ils devaient être dirigés par des personnalités indépendantes de la sphère politique. Or, Mirlande Manigat, qui va prendre la présidence de cet organisme, en dépit de sa haute compétence en matière juridique et politique, perd en crédibilité par rapport à son passé de chef de parti, le RDNP, qui, de toute évidence, aura des candidats à divers niveaux et un ou une candidate à la présidence d’Haïti. Le RDNP, étant signataire de l’Accord du 21 décembre 2022, ne pourra prétendre, avec son ancienne Secrétaire générale à la tête du HCT mis en place par Ariel Henry, être indépendant du pouvoir. Forcément, ce parti sera soupçonné de favoritisme comme tous les proches du pouvoir qui s’attendent à briguer des postes électifs lors du processus électoral, même sous la supervision de la Communauté internationale, surtout si Ariel Henry demeure en place. D’où, d’ailleurs, la crainte de ceux qui ne veulent cautionner cet Accord à l’instar du parti Pitit Dessalines, l’Accord de Montana et alliés, et tant d’autres comme l’OPL, estimant que l’« Accord du 21 décembre 2022 est l’expression du cynisme du chef du gouvernement et de son équipe ».

Or, pour des opposants à cet Accord, il y a pléthore, sans parler du cas du Pasteur Calixte Fleuridor, un des trois récipiendaires du HCT dont la nomination est contestée par son propre Secteur et qui divise l’ensemble de la famille protestante notamment la Fédération Protestante d’Haïti (FPH) dont il assure la présidence. En effet, avant de voir plus en détail le profil des opposants à l’Accord du 21 décembre 2022, jetons un bref coup d’œil sur le monde protestant qui ne digère point la participation de l’un de leurs chefs de file à ce Haut Conseil de la Transition. Dès la publication des noms des trois personnalités ayant accepté d’être membres du Haut Conseil de la Transition, des voix se sont levées pour, d’une part, critiquer le choix et la méthode et d’autre part demander au Pasteur Calixte Fleuridor de démissionner illico de son poste de Président de la Fédération Protestante d’Haït, incompatible, paraît-il, avec cette activité éminemment politique.

Parmi ces voix éminentes, il y a celle du Pasteur Edouard Paultre, ancien Secrétaire général de la Fédération Protestante d’Haïti, une figure de cette Communauté religieuse et personnalité notable de la Société civile haïtienne. Pour Edouard Paultre, la FPH n’est pas une réserve de voix où l’on peut puiser quand on veut. Invité à la matinale de radio Magik9, le mardi 3 janvier 2023, ce grand connaisseur du monde protestant et à la fois politique, a fait remarquer « La présidence de la FPH est un poste électif. Lorsqu’on est élu à ce poste, on a un mandat, une mission. Les membres vous ont élu pour ce mandat, cette mission, ils ne l’ont pas fait pour que vous puissiez briguer des postes politiques. Si cela arrivait, il y aurait des précautions à prendre pour ne pas lier la Fédération à un mouvement politique.

Jean-Charles Moïse, leader du parti Pitit Dessalines

La FPH est une organisation d’église, ecclésiastique qui rassemble toutes les missions des églises protestantes en Haïti. Elle ne peut pas jouer sur deux tableaux ; il aurait fallu que le Président soumette sa démission automatiquement après avoir accepté de prendre fonction au HCT. Il faut qu’il le fasse le plus rapidement que possible, parce que, la FPH n’est pas un organe politique. Il faut adresser des problèmes au sein de la FPH pour qu’elle ne puisse pas être un ballon de ping-pong aux mains des politiciens. » Ne restant pas sur la question d’éthique et d’indépendance que poserait la présence de Calixte Fleuridor au HCT, alors que la FPH avait déjà signé l’Accord de Montana, Edouard Paul s’interroge aussi sur l’utilité d’un tel engagement et du HCT « Il sera difficile pour l’Accord du 21 décembre de donner de résultat parce qu’on a imposé la personne d’Ariel Henry comme seul « Majò jon» du pays, c’est un problème. Personne ne sait pourquoi ils sont aussi entêtés ; pourquoi Ariel Henry veut gérer tout seul. Le HCT n’a aucun pouvoir. Sinon de conseiller, c’est un « adviser ». Il n’a aucun pouvoir, levier, ni responsabilités dans ce qui se fait ou ce qui se fera. Je ne crois pas que cet Accord mesure la profondeur de cette crise » a-t-il déclaré.

Alors que, l’actuel Secrétaire général de la Fédération Protestante d’Haïti, le pasteur Peterson Pierre Louis, a tendance à apporter son soutien à Calixte Fleuridor et son organisation qui ont rejoint l’Accord du 21 décembre. Il reconnaît que sur les réseaux sociaux, les fidèles ne cessent de manifester leur désaccord avec leur Président et l’appellent à démissionner de la FPH. Peterson Pierre Louis admet également avoir reçu des courriers en ce sens via Internet, mais dit attendre les notifications par écrit à son Secrétariat tout en reconnaissant que la Fédération avait donné son feu vert pour la nomination de son Président. « Oui, à travers les réseaux sociaux, j’ai reçu des lettres demandant au Président Calixte de démissionner. Mais, au niveau du Secrétariat général de la Fédération Protestante d’Haïti, nous n’avons reçu aucune notification de la part des groupes portant cette revendication. La FPH a reçu la désignation du pasteur Calixte Fleuridor comme membre du Haut Conseil de la Transition. Elle est en train de l’analyser.

Toutefois, certaines personnes ont des remarques, des contradictions. C’est la vie. Mais, nous croyons qu’au beau milieu de tout ça qu’il y a Haïti et nous devons travailler à notre niveau pour laisser un héritage à la future génération » affirme le Secrétaire général de la FPH sur radio Magik9 le lundi 2 janvier 2023. Or, en dépit des explications pour le moins confuses du Secrétaire général de la Fédération, un autre leader du secteur, le Pasteur Dorvila Normil, Président par intérim de la Conférence des Pasteurs Haïtiens (CPH), désapprouve catégoriquement l’intégration de son collègue au HCT. Pour cette personnalité de l’église protestante d’Haïti, c’est une question de principe. Le Président de la Fédération Protestante, Calixte Fleuridor, n’a pas sa place au sein de ce Forum politique qu’est le Haut Conseil de la Transition, dit-il. Le Président a.i de la Conférence des Pasteurs Haïtiens, Dorvila Normil, critique donc la décision du Pasteur Fleuridor d’intégrer le HCT et lui demande de démissionner de cette instance ou de la présidence de la Fédération.

Bref, Calixte Fleuridor doit faire un choix entre le beurre et l’argent du beurre, pas les deux. Maintenant, regardons la position des oppositions politiques à la création du Haut Conseil de la Transition par le Premier ministre de facto Ariel Henry. Le premier à avoir pris la parole a été le leader du parti Pitit Dessalines, Moïse Jean-Charles. Dès le lendemain de la signature de l’Accord, depuis son fief de Milot, l’ancien sénateur du Nord avait réagi sur la création du HCT lors d’une conférence de presse donnée au Palais Sans-Souci le jeudi 22 décembre 2022. Selon l’ex-maire de Milot, « Cette structure ne va rien apporter en termes de résolution de la crise actuelle. Elle ne fait que renforcer le pouvoir du Premier ministre qui fait main basse sur les différentes institutions étatiques du pays » avant d’ajouter « Malgré divers mouvements de mobilisation dans le pays, l’oligarchie économique et le gouvernement n’entendent pas satisfaire nos revendications, nous devons maintenir haut le flambeau de la mobilisation jusqu’à ce qu’ils entendent raison » a déclaré l’ancien candidat à la présidence en 2016.

Dans la même veine, les signataires de l’Accord du Montana et alliés ont rejeté en bloc le document dit « Consensus pour une transition inclusive et des élections transparentes » dans lequel sont sortis le HCT et OCAG. Après deux jours de retraite, sorte de conclave de réflexion afin d’analyser leurs stratégies politiques face au gouvernement, à l’hôtel Karibe, les différentes instances de l’Accord Montana, ont donné une conférence de presse le jeudi 29 décembre 2022. Ils voulaient faire le point avec la population et les médias sur l’évolution de la crise et ainsi se projeter pour l’année 2023 et se positionner sur l’Accord du 21 décembre.

D’un revers de main, l’ensemble des dirigeants de cette Mouvance y compris Fritz Alphonse Jean, leur Président élu, ont catégoriquement proscrit toutes les décisions et initiatives du locataire de la Primature, notamment, la création du HCT qui, d’après eux, ne sera qu’une caisse enregistreuse du pouvoir. Ils en profitent pour dire tout le mal qu’ils pensent de l’attitude et la conduite d’Ariel Henry au cours de l’année écoulée.

D’emblée, Fritz Alphonse Jean, mettait en garde tous ceux pensant intégrer contre leur gré, l’Accord du 30 août dans celui du 21 décembre. « Les élus de l’Accord, le BSA, les membres du CNT, la Plateforme de la Société civile, le Forum des partis politiques, le KRN, aucune instance, aucun organe de l’Accord de Montana n’autorise qui que ce soit à associer Montana au consensus du 21 décembre, adopté dans l’objectif de remplacer celui du 11 septembre qui arrive à expiration le mois prochain. Je veux que ce soit clair, nous, de l’Accord de Montana, ne donnons mandat à personne pour signer l’Accord du 21 décembre», a indiqué l’ancien Gouverneur de la banque centrale d’Haïti (BRH). Quand on leur rappelle qu’il y a quelques « traitres » de Montana qui ont signé en catimini le document du « Consensus pour une transition inclusive et des élections transparentes », c’est Magalie Comeau Denis, membre du BSA (Bureau de Suivi de l’Accord), qui monte au créneau pour se rassurer et rassurer ses troupes « Nous ne sommes pas au courant que certains signataires de Montana auraient fait défection pour rejoindre l’Accord du 21 décembre.

Aucune instance de Montana n’a été signifiée d’une quelconque décision. Ceux qui se définissent comme facilitateurs de l’Accord du 21 décembre sont des salariés d’une organisation dénoncée par Montana », disait-elle très remontée contre Charles Tardieu et ses deux collègues, Arnoux Descartes et Jean Vilmond Hilaire. En effet, Tardieu se réjouissait le lundi 26 décembre 2022 sur radio Magik9 du succès de l’Accord du 21 décembre, en déclarant « Le consensus est orienté sur la résolution de la crise par des Haïtiens, pour les Haïtiens et dans le plus bref délai possible. Dans la Communauté internationale, le consensus est applaudi des deux mains» disait Charles Tardieu.

(A suivre)

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