Coup de poing et autres coups de Jovenel

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Jovenel l'inculpé, andenmon pour asséner un coup de poing contondant sur l'impatienece des masses grand'anselaises. Noter les barbouzes de sa sécurité rapprochée prêts à «d'autres coups», si nécessaire.

« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.»

Henri Queuille*

 

        On sait que le président mal élu et inculpé Jovenel Moïse se fait passer pour un industriel intéressé au développement agricole du pays, mais on ne savait pas que ce monsieur était aussi un boxeur. Il doit s’entraîner en cachette puisque rien n’a jusqu’ici filtré sur ses aptitudes sportives. En politique, on doit le reconnaître, il faut non seulement avoir plusieurs cordes bacouloutes à son arc mais aussi plusieurs coups dans son arsenal de mystification du grand public. Les coups doivent être portés le plus fort possible; ils doivent être bien dirigés, et, surtout, ils doivent faire mouche.

Jovenel l’inculpé, parvenu à la présidence  grâce à un grand coup de pouce de la bourgeoisie s’est illustré bien avant même de prêter serment par de tonitruantes interventions, des coups caponnants du genre: « Le président a parlé. Point barre ! ». Un coup de fanfaron rappelant les coups de jactance de Micky le défrayeur: «sa k pa kontan, anbake». De fanfaronnade en fanfaronnerie, Jovenel l’inculpé en est arrivé à ce qu’il s’imagine être un coup d’éclat: le lancement d’une caravane de l’espoir supposément un événement clé de la stratégie gouvernementale devant favoriser la mise en œuvre d’actions de revitalisation au sein du secteur agricole, de l’environnement et du transport. Des mots pour la galerie: gwo van, ti vwal. Du grand vent comme il en souffle dans le ciel des politiciens.

            Le coup le plus intéressant vient du fait que cette caravane va redonner espoir aux plus défavorisés, aider enfin à augmenter la production nationale pour améliorer la sécurité alimentaire et augmenter la richesse du pays (sic). Un coup d’audace de Jovenel le mal élu, un coup de mètdam à coup sûr, d’autant que ses prédécesseurs, particulièrement le grouilladeur Micky, avaient tous promis ce paradis de richesses qui s’est révélé être un enfer de misères. Bien au contraire, la majorité vit dans le purgatoire de la précarité, “territoire” voisin de l’enfer du dénuement extrême. Un coup menteur par-ci, un coup bluffeur par-là, Jovenel l’inculpé avance à coups d’essai dont on se demande s’ils seront jamais des coups de maître.

               Après le coup d’envoi de la caravane dans l’Artibonite, Jovenel l’inculpé  qui avait promis au cours de longs mois de campagne de «mettre ensemble les terres, l’eau, le soleil, les hommes et femmes pour développer le pays», est passé à une vitesse supérieure: il entend mettre ensemble la lune, les étoiles, la pluie, le beau temps et les habitants du Grand Sud pour aborder la deuxième étape de la caravane. Sous le coup d’une émotion toute artibonitienne, Jovenel l’inculpé, à la tête d’une imposante flotte d’engins lourds et de véhicules de l’État, a quitté le département de l’Artibonite pour la métropole du Sud où il compte porter un grand coup d’éclat au développement de la presqu’île du sud et de ce même coup de génie faire ce que personne avant lui n’avait jamais fait. Un autre coup d’humilité de la part de Jovenel le mal élu, Jovenel l’inculpé.

Le président mal élu marche littéralement sur le Grand Sud à coups d’ambitions folles, de démesure, de débordement, d’emportement, d’enfièvrement, de déchaînement. Oui, Jovenel est  dechennen. À tous les coups, il veut gagner. Aux grand coups, les grands moyens, tel est son credo: construction de routes partout dans les départements du Sud, des Nippes et de la Grand’Anse, construction de systèmes d’irrigation, curage des canaux, curage des rivières, barrage sur les rivières, conservation et utilisation des eaux des rivières pour irrigation, 20 pompes spéciales pouvant arroser 2 000 hectares chacune, mobilisation de 3.5 milliards de gourdes.  À coups de rêve en plein jour, Jovenel le mal élu fait danser, piaffer d’espoir la population grand-anselaise. De faux espoirs, bien sûr.

Je disais que Jovenel le mal élu était un boxeur. Un coup de surprise de sa part car ce type élancé, très mince, mal à l’aise dans ses bottes de campagne n’a rien d’un Mohamed Ali. Pourtant, un plan d’action de relèvement et de développement de la péninsule du Sud (PARDPS) a été élaboré par l’athlète dans le but d’apporter un début de réponse à la situation d’urgence occasionnée par le passage de l’ouragan Matthew, lequel plan se déclinera en deux phases dont la première dite opération coup de poing s’étalera sur les mois de juillet, août et septembre 2017. Pourquoi un coup de poing qui peut s’avérer contondant pour l’avenir du Grand Sud, et non pas un vrai coup de main citoyen, fraternel?

Ce coup de poing est un vrai coup de poids lourd inattendu de la part de Jovenel le mal élu.  On a l’impression que ce ne peut être qu’un coups bas, un koutba typique de politicien qui va être asséné au Grand Sud saignant encore par toutes ses blessures, toujours gémissant sous le poids de ses malheurs depuis les violences climatiques de l’ouragan Matthew. Coup mal assuré d’un politicien, lui-même assuré du soutien de la bourgeoisie et qui s’amuse à donner de grands coups d’épée dans l’eau d’espérance des Haïtiens, de grands coups de faire croire, alors que la population grand-anselaise refuse de périr par «le même pe» de négligence et de jouissance effrénée des franges les plus obscurantistes et jouisseuses de la classe politicienne.

En fait, Jovenel le mal élu, Jovenel l’inculpé n’en est pas à son premier coup de poing de boxeur. Bien avant son idée de caravane de l’espoir, en 2015, Jovenel avait essayé de taper dur dans le processus électoral en se procurant les gants nécessaires aux magasins à magouilles de l’équipe têt kale. L’uppercut au flanc de l’opposition ne fit pas reculer cette dernière. Ce coup bas, ce coup monté, ce coup de prise d’assaut des urnes par des individus stipendiés fut stoppé net par une levée en masse contre le coup fourré fomenté par les boxeurs du clan de Micky et approuvé par Jovenel.

Il se trouve que Jovenel est un homme de tous les coups, et il sait que premye kou pa kou. En 2015, il avait raté son coup tordu contre la démocratie. Il s’est donc arrangé, aux élections de 2016, pour un coup sans doute plus subtil mais certainement plus efficace. De concert avec les bourgeois patripoches, il fit appel à Antonio Solàs de la firme espagnole Otos & Solà pour un “coup espagnol”, pareil à ceux mis antérieurement à contribution au Mexique et au Guatemala. À coups de publicité tapageuse et persistante, à coups de mensonges fleuris, à coups de propagande bien dirigée et bien calculée, à coups d’audace sans pareille, à coups de rodage des techniques de perversion des statistiques électorales, Jovenel, en 2016, avec l’aide de Solà et sans doute de Léopold Berlanger, a réussi son mauvais coup de prendre d’assaut le fauteuil présidentiel: le coup dasoman.

Après le coup de poing de la première partie de l’opération, Jovenel le mal élu, Jovenel l’inculpé va s’atteler au coup de la structurance, entendez un ensemble d’opérations présumées structurantes, visant le relèvement de la péninsule du Sud durant le reste du quinquennat (sic). On ne sait s’il va s’agir de structures métalliques ou de structures en bois. Et quel bois?  Bois de chêne? Bois d’orme? Bwadòm? Bwadan? Bois Caïman? Bois dormant? Bwa bannann? Bwa piwo? Bwa mayi? Bois d’ébène? Bwakilibwa? Bwa nan nen?

En passant, la terminologie “coup de poing” n’est ni neuve ni originale dans le contexte politicien haïtien. En effet,  au tout début de mars 2015, au Pénitencier National de Port-au-Prince, Pierre Richard Casimir, le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) à l’époque avait lancé une opération « Coup de poing » qui visait à désengorger les prisons du pays, en accélérant les suivis judiciaires des dossiers des détenus ayant déjà purgé leurs peines ou qui n’avaient pas encore comparu devant leur juge naturel. Mais, chaque ministre pensant faire son petit ou son gros coup de poing, n’a fait qu’un gigantesque coup de vent.

Non, Jovenel le mal élu n’a rien d’orignal dans ses propositions coup de poing. Avant lui, plus précisément à la mi-avril de cette année, le nouveau ministre de l’Environnement, Pierre Simon Georges, le service métropolitain de collecte des résidus solides (SMCRS) et la mairie de Port-au-Prince apparemment préoccupés par l’insalubrité qui règne dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, avaient lancé leur opération «Coup de poing» en vue de s’attaquer à la problématique des ordures et déchets. Selon Le Nouvelliste du 18 avril 2017, le coup de poing «semble ne pas être efficace pour combattre ce fléau qui ronge la capitale depuis un certain temps».

Formé à la mauvaise école, Jovenel le mal élu ne peut appliquer que des coups de poing allant à l’encontre des intérêts des masses. Pourquoi tout cet étalage de graders, de loaders, de compacteurs, de back loaders, de pelles excavatrices, de camions, de motos projecteurs pour épater la galerie, pour alimenter la propagande du bon papa Moïse à l’œuvre avec force coups de poing, alors que le travail pourrait se faire, peut se faire sans bruit, sans publicité tapageuse, sans coup de poing, ni coup de tête, ni coup de pied, ni coup de coude, ni koutdan, ni koutlang, ni koutje, ni kout-m’as-tu-vu, ni kout quoi que ce soit.

Avec son fameux PSUGO, Martelly, à sa façon, avait lancé, sans le dire expressément, une sorte d’opération coup de poing censée mettre sur pied de façon hautement fonctionnelle un Programme de scolarisation universelle, gratuite et obligatoire. On sait ce qui est arrivé. Les coups de poing du boxeur Micky ont laissé K.O le système éducatif. C’est ce qui va sans doute arriver au coup de poing de Jovenel. Administré avec un zèle trop ostentatoire en plein visage d’un Grand Sud très mal en point, il risque d’être un coup de grâce, le dernier coup pour tuer le coucou.

9 juin 2017

                           *Henri Queuille homme d’État français, plusieurs fois ministre sous la Troisième République, notamment à l’agriculture. Il fut trois fois président du Conseil sous la Quatrième République et membre du parti radical-socialiste.

 

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