Haïti et ses leaders après le discours de l’ancien ambassadeur en 2003
Au départ d’Aristide en 2004, il y eut donc une absence de leadership, et le besoin de le combler fut pressant. L’ironie de l’ironie, la classe politique, la classe des affaires et l’international chassaient du pouvoir un président élu pour finalement aller chercher, selon les normes de la constitution haïtienne dès lors en vigueur, un juge de la Cour de Cassation comme président. Questions pour dire qu’elles voulaient toutefois respecter les lois de ce pays ou encourager le processus démocratique, mais pas avec l’emmerdeur Aristide. Entre-temps, si le remplacement d’Aristide avait été fait par un juge de la Cour de Cassation, par contre, faute de parlementaires, dans les deux Chambres en majorité lavalas qui, eux aussi étaient, comme leur leader, chassés de leurs fonctions, donc les acteurs politiques et l’international ne pouvaient pas utiliser la 47ème Législature dans la ratification d’un Premier ministre de facto. Ainsi, pour combler le vide que laissait Yvon Neptune, Chef de Gouvernement d’Aristide, à partir d’un semblant d’accord qui désaccorde beaucoup plus la société haïtienne, Gérard Latortue était imposé comme l’autre chef du pouvoir exécutif
De par sa personnalité, le président du gouvernement de transition était l’ombre du Premier ministre qui, lui, était quelqu’un imposé par Washington. Il était un puissant chef de gouvernement. On savait appeler son équipe, le gouvernement de technocrates. Des technocrates sous les dictats d’une classe d’hommes d’affaires affairistes et de l’international qui non seulement avait des problèmes personnels avec Aristide, mais qui voulait aussi saboter la célébration du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti. Bref, « Bizarrement préféré à des candidats bien enracinés dans le pays, Latortue a, malgré un CV impressionnant assorti d’une longue expérience de haut fonctionnaire dans les institutions onusiennes, échoué sur bien des plans, selon une idée largement répandue dans l’opinion publique. Tout puissant aux côtés du Président provisoire, Boniface Alexandre, à qui il n’avait cessé de faire de l’ombre, sa vision et sa faible capacité d’écoute devaient contribuer à compliquer davantage l’équation politique que le gouvernement de transition avait à résoudre. »
Très soumis dans l’exercice de leur fonction, pendant les deux années passées à la tête du pays, le gouvernement intérimaire avait failli dans l’établissement de l’autorité de l’État en Haïti. Un homme politique qui, sur les ondes d’une station de Radio très écoutée à Port-au-Prince, commentait les deux ans du pouvoir de transition aussi bien que les supports techniques et financiers, mentionnait que:
Avec de faibles institutions, un système de justice défaillant, le gouvernement intérimaire n’a pas réussi à rétablir l’état de droit, sans compter le peu d’efforts réels de la MINUSTAH pour désarmer les milices et les gangs de rue dans les bidonvilles. Il semblerait que ce n’étaient pas tant les moyens financiers que la volonté politique qui aient fait défaut au gouvernement intérimaire de Gérard Latortue et aux Nations-unies. ‘’Outre la sécurité, la relance économique, la réconciliation nationale – autant d’objectifs qui n’ont pas été atteints -, l’une des priorités était le désarmement des milices. En dépit d’un maigre bilan d’un régime qui, lors de son investiture après le départ forcé d’Aristide en février 2004, était porteur d’espoir, il y avait, quoique reportées en plusieurs occasions, des élections générales au pays le 7 février 2006.
Cet échec du gouvernement intérimaire explique en partie pourquoi les lavalassiens, encore forts sur le terrain même si la fureur avait grandement diminué par rapport à 1990, avaient jeté leur dévolu sur René Préval pour un second mandat. Ils croyaient, avec un Préval au pouvoir, en de meilleures chances pour un retour d’Aristide au pays.
Si l’on considère l’instabilité politique pendant les deux ans du gouvernement de transition et la présence des troupes militaires sur le terrain, définitivement, les élections du 7 février 2006 étaient d’une grande importance pour le peuple haïtien puisqu’elles permettraient, à nouveau, la possibilité de se prononcer sur l’avenir politique de leur pays pour les cinq prochaines années à venir. Malgré quatre reports successifs du scrutin, finalement le 7 février 2006 le peuple avait décidé d’aller voter et remplir leurs devoirs civiques. L’intérêt que manifestait l’électorat quant à sa participation massive le jour du scrutin pour élire un président et des parlementaires était visible. Il dégageait de l’importance que le peuple avait placée au renouvèlement, particulièrement à l’alternance du pouvoir politique dans le cadre d’une stabilité démocratique, aussi bien qu’assurer de la crédibilité des dirigeants à travers des élections.
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