Colombie : 6 jours de manifs, 19 morts et 846 blessés !

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Les manifestants sont redescendus dans la rue et les syndicats ont appelé à une nouvelle grève le mercredi 5 mai. Le ministre des Finances, Alberto Carrasquilla, a présenté sa démission.

 

Le Bureau du médiateur de Colombie a porté à 19 le nombre de morts lors des manifestations contre la réforme fiscale qui a finalement été retirée par le Président Iván Duque. Le ministère de la Défense a fait état de 846 blessés. La police a arrêté 431 personnes et le gouvernement a ordonné le déploiement de l’armée dans les villes où les manifestations étaient les plus importantes. L’opposition et les organisations de défense des droits humains accusent la police de tirer directement sur les civils. Bien qu’en moindre nombre ce lundi, les manifestants sont revenus protester dans les rues de Bogota, Medellin, Cali et Barranquilla, et les syndicats ont appelé à une nouvelle grève mercredi prochain. Après l’échec de la réforme fiscale dont il était l’un des principaux artisans, le ministre des finances Alberto Carrasquilla a démissionné.

« Selon les relevés, il y a jusqu’à présent 19 morts à Valle del Cauca, Bogota, Neiva, Cali, Soacha, Yumbo, Ibague, Madrid, Medellin et Pereira », a déclaré le bureau du médiateur colombien dans un communiqué. « Le bureau du médiateur, en tant que représentant des droits des citoyens, demande que la construction d’espaces de dialogue entre le gouvernement et les différents groupes sociaux soit accélérée, afin de rechercher des rapprochements et d’atteindre des points d’entente qui résolvent l’actuelle problématique nationale », ajoute l’institution.

Sous la pression des manifestations, M. Duque avait ordonné dimanche de retirer le projet de réforme fiscale en cours de débat au Congrès, où un large secteur l’a rejeté au motif qu’il punissait la classe moyenne et qu’il était inopportun en pleine crise déclenchée par la pandémie de coronavirus. Le président a proposé de rédiger un nouveau projet de loi qui écarte les principaux points de discorde : l’augmentation de la TVA sur les services et les biens et l’élargissement de l’assiette des contribuables avec l’impôt sur le revenu.

Cette initiative n’a fait que raviver l’agitation contre le gouvernement. Depuis 2019, le Comité National de Grève, qui regroupe diverses organisations syndicales et sociales, appelle à se mobiliser pour demander au président un changement de cap. « Le peuple dans la rue demande bien plus que le retrait de la réforme fiscale », ont déclaré les dirigeants lundi dans leur communiqué.

Ils réclament également un revenu de base d’au moins un salaire minimum mensuel (environ 240 dollars)…

Les manifestations contre la politique économique du gouvernement dirigé par Duque vont se poursuivre, et se concentrent désormais sur l’opposition à la réforme de la santé. À cette fin, une nouvelle grève nationale a été convoquée pour mercredi prochain. « Nous considérons l’annonce du retrait du projet de réforme fiscale comme un triomphe des millions de Colombiens qui se sont mobilisés et du soutien majoritaire que les citoyens ont apporté à la grève nationale », a déclaré Francisco Maltés, président de la Central Unitaria de Trabajadores (CUT), lors d’une conférence de presse.

«  Toutefois, cette annonce ne désactive pas la mobilisation. Les gens dans la rue demandent bien plus que le retrait de la réforme fiscale », a ajouté M. Maltés à la lecture du communiqué du Comité national de grève. Parmi les objectifs de la nouvelle journée de lutte figurent une négociation des syndicats avec le gouvernement pour le retrait « du projet de loi santé 010 et le renforcement d’une vaccination massive » contre le covid-19. Ils réclament également un revenu de base d’au moins un salaire minimum mensuel (environ 240 dollars), la défense de la production nationale et des subventions aux PME, entre autres mesures.

Le peuple dans la rue demande bien plus que le retrait de la réforme fiscale du Président Iván Duque

Bien que les journées de protestation soient le plus souvent pacifiques, la répression de la police et de sa redoutable escouade mobile anti-émeute (Esmad) est toujours féroce. Avec le renfort de milliers de militaires déployés dans les rues, il est temps de tirer la sonnette d’alarme. L’ONG Temblores a enregistré 1.181 cas de violence policière au cours des derniers jours et a prévenu que, pour la seule journée de dimanche, « les forces de sécurité ont délibérément tué au moins cinq personnes ». Elle a également précisé que, du 28 avril à ce jour, 26 personnes ont été tuées et a documenté neuf rapports de violences sexuelles pour lesquelles des membres des forces de sécurité sont accusés.

La police a fait l’objet de multiples plaintes concernant la brutalité et l’arbitraire avec lesquels certains agents ont agi jusqu’à présent, allant jusqu’à tirer à bout portant. L’un de ces cas est celui du jeune Santiago Murillo, exécuté dans la ville colombienne d’Ibagué pendant les manifestations massives. « Il rentrait chez lui, il n’était qu’à deux rues de chez lui », a déclaré la mère du jeune homme, prévenant que, bien qu’elle reçoive des menaces pour avoir défendu l’image de Santiago, elle ne permettra pas à la police « de se laver les mains de sa mort ». Dans la ville de Cali, un autre jeune homme, Nicolás Guerrero, a reçu une balle dans la tête tôt lundi matin. La mort du jeune homme de 22 ans a été suivie en direct par des milliers de personnes sur les médias sociaux.

Ce projet de réforme étant le principal objectif de Carrasquilla, sa situation était devenue intenable.

Alors que l’on s’attendait ce lundi à une nouvelle nuit agitée dans les rues de Colombie, la réforme fiscale a été reprochée au premier responsable du gouvernement Duque. Après avoir rencontré le président au Palacio de Nariño, Alberto Carrasquilla a démissionné du ministère des finances. Ce projet de réforme étant le principal objectif de Carrasquilla, sa situation était devenue intenable.

« Ma présence au sein du gouvernement rendrait difficile la construction rapide et efficace du consensus nécessaire » pour mener à bien une nouvelle proposition de réforme, a déclaré le désormais ex-ministre dans un communiqué. M. Carrasquilla, qui a également été ministre des finances pendant trois ans sous le gouvernement d’Alvaro Uribe (2002-2010), a déclaré à Duque que le retrait du projet de réforme fiscale « est l’occasion d’entamer et d’engager un dialogue calme et constructif qui débouche sur le consensus dont le pays a besoin de toute urgence ».

L’indignation contre l’ancien ministre s’était intensifiée à la mi-avril lorsque, dans une interview accordée au magazine Semana sur l’impact de la réforme fiscale sur le porte-monnaie des Colombiens, il avait montré qu’il ignorait le coût d’une douzaine d’œufs, produit de base du panier familial. « Cela dépend de la qualité, mais disons que c’est 1 800 pesos (environ 47 cents) la douzaine, c’est ce que j’ai en tête », a-t-il dit. Le prix est supérieur à 4 500 pesos (environ 1,20 dollar), ce qui a fait de lui une source de moquerie lors de toutes les manifestations.

 

Pagina12,  4 mai 2021

Traduction : Venesol 4 mai 2021

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