C’était ce jour-là…

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1842
La militante blanche des droits civiques, Viola Gregg Liuzzo, assassinée par quatre membres du Ku Klux Klans à cause de ses idées et de solides convictions sociales, si ce n’est politiques.

Le 25 mars 1965 quand Viola Gregg Liuzzo, militante blanche des droits civiques fut brutalement assassinée pour ses idées par quatre membres du Ku Klux Klan. Fille d’Eva Wilson, enseignante, et d’Heber Ernest Gregg, mineur et vétéran de la Première guerre mondiale, Viola Fauver Gregg naît le 11 avril 1925, dans la petite ville de California en Pennsylvanie (États-Unis). Elle aura une petite sœur de cinq ans sa cadette, Rose Mary. Heber perd sa main droite dans une explosion au sein de la mine dans laquelle il travaille. Pendant la Grande Dépression, la famille dépend uniquement des revenus d’Eva. Elle sombre progressivement dans la pauvreté et déménage à Chattanooga, dans le Tennessee, où Eva trouve à travailler. Très pauvres, les Gregg vivent dans des masures d’une pièce, sans eau courante. Viola fréquente des écoles qui manquent de moyens humains comme matériels. Dans cet état du Sud fortement marqué par la ségrégation raciale, elle prend malgré tout conscience des privilèges dont, malgré sa pauvreté, sa famille bénéficie en comparaison de familles afro-américaines. Cette découverte et cette expérience de la ségrégation seront le terreau sur lequel poussera son activisme.

En 1943, la famille s’installe à Detroit, qui connaît à l’époque une ségrégation marquée, des tensions croissantes entre Blancs et Noirs, des explosions sporadiques de violence et des émeutes. Ces événements viennent renforcer les convictions égalitaires de Viola. Alors qu’elle élève ses cinq enfants (de ses deux mariages), Viola décide de reprendre ses études et s’inscrit au Carnegie Institute de Détroit, puis à la Wayne State University de Détroit. Ses études en cours du soir à peine reprises, Viola apprend à la télé la nouvelle des violences commises par les forces de l’ordre lors de la marche des militants des droits civiques afro-américains, à Selma (Alabama), en 1965. Elle se mobilise au sein des manifestations étudiantes de l’université, et décide quelques jours plus tard de se rendre à Selma, à l’appel de Martin Luther King, convaincue qu’il s’agit là « du combat de tout le monde » – et pas uniquement des seuls Afro-Américains eux-mêmes.   

Viola Liuzzo participe à une manifestation de protestation dans son université et entend Martin Luther King appeler à toutes les bonnes volontés

L’activisme de Viola en faveur du mouvement des droits civiques prend largement racine dans sa grande amitié avec Sarah Evans, une femme noire rencontrée dans une épicerie. En 1964, elle rejoint la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP – (association nationale pour la promotion des gens de couleur) une organisation de défense des droits civiques fondée en 1909 par un collectif de militant·es parmi lesquel·les Ida B. Wells et W. E. B. Du Bois. Fermement engagée pour l’égalité, Viola assiste à des conférences et aide à organiser des actions de protestation. En 1965, à l’initiative de militant·es noir·es dont Amelia Boynton Robinson et son mari Samuel W. Boynton, ainsi que Martin Luther King, une première marche, le dimanche 7 mars, est organisée de Selma à Montgomery, la capitale de l’État d’Alabama, pour réclamer le droit de vote pour les Noirs et protester contre le meurtre du militant Jimmie Lee Jackson. La manif est arrêtée au bout de quelques kilomètres, au pont Edmund Pettus, par la police et une foule hostile qui est violemment repoussée, faisant près de 90 blessés. L’histoire aura retenu cette marche comme le « Bloody Sunday ».  Les images des violences de ce « Dimanche sanglant» font le tour du pays et font pencher l’opinion publique, y compris les Blancs, du côté des droits civiques.

Les images du « Bloody Sunday » et d’Amelia Boynton Robinson perdant connaissance sous les coups des policiers font le tour du monde. Horrifiée, Viola Liuzzo participe à une manifestation de protestation dans son université et entend Martin Luther King appeler à toutes les bonnes volontés, Noir-e-s et Blanc-he-s, de toutes les religions. Elle appelle alors son mari pour lui dire sa détermination à rallier la marche et à se rendre à Selma. Anthony objecte que « ce n’est pas son combat » ; elle répond alors : « It’s everybody’s fight » (c’est le combat de tout le monde).

Une deuxième marche a eu lieu le mardi 9 mars 1965, en présence cette fois de Martin Luther King. Elle a été qualifiée de « turnaround Tuesday » (mardi de retournement de situation), car le cortège a fait demi-tour en arrivant sur le pont Edmund-Pettus. Seule la dernière marche est arrivée avec succès à Montgomery. Viola s’y implique, recrutant des volontaires et transportant des marcheur·se-s depuis les aéroports et gares avec sa propre voiture. 3 200 marcheurs partent de Selma le dimanche 21 mars, parcourant 20 km par jour et dormant dans les champs. Au moment où ils atteignent le Capitole de Montgomery, le jeudi 25 mars, les marcheurs sont 25 000.

Ils rattrapent Viola, roulent à côté et lui tirent deux balles dans la tête, la tuant instantanément.

Après la fin de la marche le 25 mars, Viola est aidée par un Afro-Américain, Leroy Moton, à déposer des manifestants locaux chez eux dans son Oldsmobile. Après avoir transporté un second groupe de manifestants chez eux, une Ford bleue transportant quatre membres du KKK la prend en chasse pendant vingt minutes. Manifestement, une Blanche en si bonne harmonie avec un Noir enrage ces racistes. Ils rattrapent Viola, roulent à côté et lui tirent deux balles dans la tête, la tuant instantanément. Une vraie justice n’a jamais été rendue.

Moins de cinq mois plus tard, le président Lyndon B. Johnson, pressé par la forte mobilisation populaire et le choc causé par le crapuleux assassinat, signe le Voting Rights Act de 1965 interdisant les discriminations raciales dans l’exercice du droit de vote. Pour paraphraser notre grand Jacques Roumain : la race n’est rien, la volonté de changer l’humanité pour un meilleur avenir pour tous est tout. Le KKK n’est rien, Viola est tout.

Dors en paix, Viola Liuzzo, femme d’immense courage. Ton combat et celui de milliers d’autres ont porté fruit. Merci. Nous n’aurons cesse de le continuer. Nous ne t’oublierons pas.

23 mars 2021

 

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