Le lundi 18 juin 2007, décédait à l’âge de 77 ans Vilma Espín Guillois, grande figure emblématique de la révolution cubaine et épouse de Raul Castro, président du Conseil d’État (chef de l’État) et du Conseil des ministres jusqu’à l’élection de Miguel Díaz-Canel, premier vice-président du Conseil qui lui a succédé le 19 avril 2018.
Vilma Espín est issue d’une famille aisée de Santiago de Cuba, dans la partie orientale de l’île. Son père était l’un des cadres supérieurs de la maison Bacardi, la principale distillerie de rhum avant la révolution. Sa mère, d’origine française, était apparentée au socialiste Paul Lafargue, gendre de Karl Marx. Vilma débute des études d’Ingénierie chimique en 1948 à l’Université d’Oriente et participe aux luttes menées au sein de l’établissement qui revendiquait son autonomie et un budget de fonctionnement. Elle adhère à la Fédération des étudiants universitaires d’Oriente (FEUO) et n’hésite pas à se joindre aux nombreuses journées de manifestations d’étudiants après le putsch de Batista en mars1952, avant de partir aux Etats-Unis, où elle poursuit ses études au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Elle est l’une des premières Cubaines à obtenir un diplôme d’ingénieur chimiste. En 1953 à La Havane, après avoir condamné la mort du jeune étudiant Rubén Batista, elle radicalise sa pensée. Après l’échec de l’attaque de la caserne Moncada à Santiago de Cuba et Carlos Manuel de Cespedes, à Bayamo, Vilma et d’autres camarades se lient aux combattants. C’est alors l’exil au Mexique de Fidel et des survivants. Elle rencontre Raul Castro à Mexico. A son retour à Santiago de Cuba, Vilma Espín rejoint la direction du Mouvement du 26 juillet qui prépare, sous les ordres de Frank Pais, un soulèvement pour appuyer les révolutionnaires arrivés à bord du Granma. L’année 1957 fut décisive. Elle part dans la Sierra Maestra pour rencontrer les chefs de la guérilla; elle participe à l’interview de Fidel avec le journaliste étasunien Matthew Herbert. Avec Frank, elle organise le premier envoi d’hommes dans la Sierra et le 20 Juillet, elle est chargée de la Coordination provinciale de l’Oriente, une responsabilité qui la place à l’avant-garde à des moments décisifs, comme la mort de Frank et tout ce qu’elle mettra en place postérieurement.
En juin 1958, elle gagne la Sierra Maestra et s’intègre à l’Armée rebelle. Vilma et Raul se marient à La Havane, peu après la fuite de Batista et la victoire des barbudos de Fidel. En 1960, Vilma crée la Fédération des femmes cubaines (FMC), qu’elle présidera jusqu’à sa mort. Puissante organisation au service de la révolution, qui regroupe plus de 4 millions de femmes, la FMC lutte aussi pour l’égalité des sexes. Elle crée des garderies et se bat contre le machisme, l’analphabétisme et la malnutrition des enfants. En 1992, elle dénonce publiquement la répression et les discriminations qui ont longtemps visé les homosexuels. Mais le machisme cubain, y compris dans sa version “machiste-léniniste”, a la peau dure. A la tête de la FMC, Vilma mènera un combat discret mais efficace non seulement pour bannir certains ostracismes mais aussi pour “mettre la force des femmes au service de la révolution”. Au moment de son décès en 2007, les Cubaines représentaient, selon les statistiques officielles, 64,7% des diplômés des universités et 66,4% des techniciens et cadres du pays, 36% des membres de l’Assemblée nationale. Six d’entre elles étaient ministres. Elle obtient, toujours dans la discrétion, la dépénalisation de l’homosexualité en 1979, tandis que la FMC organise en 1994 une soirée de projection d’un documentaire américain, “Gay Cuba”. Un combat que poursuit encore sa fille Mariela, 45 ans, sexologue et avocate déclarée des homosexuels et des travestis cubains: « Ma mère fut l’une des premières à dénoncer l’envoi, dans les années 60, de jeunes homosexuels dans les UMAP (Unités militaires pour l’aide à la production, en fait des camps de travaux forcés) pour y être ‘‘réformés’’ », assurait-elle au quotidien espagnol El Pais. D’ailleurs, Fidel lui-même, dans une interview fleuve accordée à Carmen Lira, la directrice du quotidien de gauche mexicain La Jornada, déclarait en toute honnêteté : ‘‘ Ce furent des moments d’une grande injustice (…) que nous avons commise (…) Si quelqu’un est responsable, c’est moi’’. (La Jornada, 31 de agosto de 2010).
La révolution cubaine doit beaucoup à Vilma Espín : alphabétisation, avortement, contraception, droits des enfants, des handicapés, défense du groupe marginalisé des LGBQ pendant les premières années de la Révolution. Membre du comité central du Parti communiste depuis sa création, en 1965, puis du bureau politique, Vilma Espín a également siégé au Conseil d’Etat, qui exerce le pouvoir exécutif, et à l’Assemblée nationale, depuis 1976. Pour les autorités cubaines qui ont annoncé son décès, Vilma fut une : « héroïne de la clandestinité et combattante remarquable de l’Armée rebelle, infatigable combattante pour l’émancipation de la femme et la défense des droits des enfants ». Vilma Espín était l’unique survivante d’entre les trois grandes figures féminines de la révolution cubaine : Celia Sanchez Manduley confidente de Fidel Castro, morte d’un cancer en janvier 1980 ; et Haydée Santamaria, ancienne guérillera, puis directrice de la Maison des Amériques, et qui s’est suicidée en juillet 1980.
Repose en paix Vilma Espín. Les femmes cubaines, les femmes conscientisées du monde entier continuent ton combat contre toutes les oppressions.
Sources d’information :
Vilma Espin Guillois, épouse de Raul Castro. Le Monde, 25 juin 2007.
L’hommage à Vilma Espin. TOGO République togolaise 19/06/2007
Vilma Espin : un paradigme pour les femmes cubaines. informacion@granma.cu
8 avril 2016.
Vilma Espín, una revolucionaria de todas las épocas. teleSURtv.net, 7 de abril 2020.