Ba yo, Privert! Donne-leur, Privert !

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François Benoît (à droite) remet au président Privert le rapport de la Commission Indépendante d’Évaluation et de Vérification des Élections de 2015.

On dit que parfois le jeu force à couper. L’implication de cet énoncé est fort simple : on a bien suivi le jeu, on a soigneusement évalué l’adversaire, on a mûrement réfléchi, on a pris toutes ses chances, et puis, pop, on coupe. C’est dire que le coupage, l’action de couper, devrais-je dire, le moment de couper, la décision de foncer et de couper, la seconde de coupance, tout cela n’est pas le fruit du hasard. C’est bien calculé, bien pensé, bien décidé, on continue de jouer jusqu’à ce que le jeu, éventuellement, force à couper.

En ce qui a trait au jeu politique, et d’un point de vue coupant, il faut considérer, d’une part, les acteurs eux-mêmes qui contrôlent directement la dynamique du jeu et décident de l’instant coupant, et, d’autre part, nous autres spectateurs qui observons et prenons nos décisions en âme et conscience : le grand public, le citoyen lambda, les analystes, les commentateurs, les directeurs d’opinion, les éditorialistes, les politologues et, surtout, les démagogues.

Le départ de Michel Martelly de la présidence a donné lieu, précisément, à cette dynamique politique, ce jeu politique qui a forcé les uns et les autres à se positionner, à couper, d’autant que la chose coupante intéressait (et intéresse encore) tout un pays, tout un peuple, toutes les couches sociales. Ce koutkat, ce moment décisif de couper, de prendre position a bien établi la différence entre deux courants d’attitude politique : l’un, porté obstinément à mettre en place une doublure qui revienne au «mickisme» dévoyé et corrompu ; l’autre, plus enclin à se comporter avec un réalisme de circonstance, circonspect, aboutissant éventuellement à des élections «propres» qui remettent le pays sur la voie constitutionnelle.

Le premier courant, à notre avis, vise une instabilité politique, un chaos qui lui serait favorable, il l’espère du moins. Le deuxième parie sur la stabilité, ce qui paraît être le choix d’une majorité. C’est ainsi que sans être forcément «privertien», sans être forcément « pour Privert», nous avons choisi le moindre risque, nous nous sommes sentis relativement à l’aise au sein du plus grand nombre. Nous avons surtout choisi de dénoncer, de combattre les partisans du premier courant, longtemps de mèche avec les représentants ou les asòs de l’impérialisme qui avaient favorisé leur accession au pouvoir en 2010-2011 et qui les avaient aveuglement soutenus pendant cinq interminables années.

Bien sûr Privert n’est pas un enfant de chœur, il est même un vyewe, un vieux routier de la politique politicienne haïtienne. Alors pourquoi et comment avons-nous été porté à couper en sa faveur? Au départ, il y a eu un rapport de force politique qui a conduit au fameux Accord du 6 février 2016 selon lequel Privert devenu président provisoire de la république devait avoir, au bout de 120 jours, complété le processus électoral commencé en 2015 et passer le maillet au nouvel élu. Klè kou dlo kòk.

La reine mantèz, la reine magouyèz Sandra Honoré, fruit sec indéhiscent accroché à l’arbre vétuste et maléfique des Nations Unies, appendice au service de Washington.
La reine mantèz, la reine magouyèz Sandra Honoré, fruit sec indéhiscent accroché à l’arbre vétuste et maléfique des Nations Unies, appendice au service de Washington.

Dans le cas contraire, il faisait obligation au Parlement de décider du  sort de Privert. Clair comme de l’eau de coco. Or, ni au 120ème  jour, ni au 121ème jour, ni après du reste, le Parlement n’a donné signe de vie, empêtré dans ses propres crises politiques et handicapé par la honteuse incapacité du sénat à se doter d’un nouveau Président. Ergo, le président provisoire a pris ses responsabilités citoyennes et politiques. Privert n’a donc pas bougé ; la petite Marie n’est pas montée, elle n’est pas non plus descendue. Clair comme de l’eau de canari. Aussi, sans être privertien, nous avons dit : ba yo, Privert ! Donne-leur, Privert.

Le PHTK et ses alliés soutenus par la communauté internationale n’ont pas aimé cet apparent dappiyanp du pouvoir par Privert  qui n’en a eu cure. Madame Sandra Honoré cheffe civile de la MINUSTAH a sans doute rouspété, mais elle a dû rentrer ses griffes. Répondant aux vœux de la majorité fortement remontée contre les élections frauduleuses de 2015, et résistant aux assauts répétés des «amis d’Haïti» et d’une frange parlementaire acquise au PHTK et ses néfastes alliés, Jocelerme Privert, sortant ses griffes, a formé une Commission Indépendante d’Évaluation et de Vérification desdites élections (CIEVE). Ce pourquoi, il mérite que je lui renouvelle mon ba yo, Privert ! Donne-leur, Privert !

Au palais national, le jeudi 28 avril 2016, devant des responsables de partis politiques comme Fanmi Lavalas, Pitit Dessalines, VERITE, des anciens candidats à la présidence regroupés au sein du G-8 et du G-30, des membres d’organisations populaires et de la société civile, le chef de l’État est passé de la parole aux actes. Il a installé dans leur fonction de membres de la Commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale Michel Éric Gaillard (comptable), Marc Donald Jean (Église épiscopale), Pierre Wilfrid Sanon (entreprises de construction), Gédéon Jean (ancien membre de  Commission en 2015), et François Benoît (ancien membre du CEP 2005-2006).

Après avoir passé au peigne fin dossiers après dossiers, les conclusions du rapport de la CIEVE ont montré la massiveté des fraudes. Quelques points majeurs dudit rapport peuvent se résumer comme suit : Le nombre de dossiers complets attendus (3 235) contre ceux retrouvés au CTV (294) a montré l’énorme faiblesse de la chaîne de surveillance documentaire, physique  ou électronique. La proportion  de votes  non rétractables (29%) appliquée au total des votes valides (1560 631) a établi que les BVs auraient autorisé 448 000 citoyens à voter sans pour autant dresser un procès-verbal de carence, tel que stipulé dans le décret électoral.

Concernant la proportion du nombre de CIN correcte comparé aux signatures ou empreintes, le pourcentage de fausses CIN retrouvé a été de 16.2%. Pour les 1 112 600 votes rétractables (votes valides rapportés sur les PV moins le nombre de CIN inscrit à la main) 180 250 seraient de fausses CIN pour un total de 628,000 votes non rétractables.

Les nombre de votes non rétractables, (628 000 votes, soit 40% des votes valides), s’est révélé plus élevé́ que le nombre de votes obtenus par le candidat placé en tête de liste selon les résultats du CEP, plus élevé́ que le nombre total de votes obtenus par le deuxième et le troisième candidat, et plus élevé́ que l’écart entre le premier et le cinquième candidat.

La Commission a surtout recommandé que les élections présidentielles soient reprises à zéro. Elle a présenté son rapport au président Privert  le lundi 30 Mai 2016 au Palais national en présence du Premier Ministre Enex Jean-Charles, de nombreux représentants de la classe politique et de membres de la société civile. Vite, les chiens féroces de la PHTK et alliés soutenus par leurs protecteurs, du reste depuis 2010-2011, ont commencé à aboyer rageusement. L’Union européenne a été la première à manifester sa colère, d’autant qu’à son avis perfide et menteur, les élections de 2015 n’avaient «pas montré de fraudes». Elle a fait ses valises et a fiché le camp. Qu’elle crève ! La reine mantèz, la reine magouyèz Sandra Honoré a abondé dans le même sens.

N’empêche, Privert, au grand dam de nos «amis» a transmis au CEP les recommandations de la Commission aux fins que de droit. En effet, la bande au directeur Bélanger a informé la nation que le premier tour des présidentielles se tiendra en octobre de cette année et le second en janvier 2017. Furibond et mesquin, Kenneth Merten, Coordonnateur spécial pour Haïti au Département d’État a fait savoir que son pays n’allait pas contribuer financièrement à ces nouvelles élections. Et qu’importe, on s’en bat l’œil et le flanc gauche.

Le président provisoire Privert a riposté en affirmant que son gouvernement et la nation verraient à ce que le pays, souverainement, défraie le coût desdites élections.  Puis, allant de son coup d’éclat, le président provisoire de la République, Jocelerme Privert, a coupé en grand genre, en convoquant le peuple dans ses comices. Il a, ainsi, damé le pion à l’opposition politique et forcé les Blancs jevèt du Core Group, de l’OEA, de la France à se mettre, malgré eux, au diapason de la souveraineté nationale.

Nul ne sait toutefois ce que nous préparent ces revanchards coriaces que sont nos «amis». Sans doute ils n’en arriveront pas jusqu’à nous yougoslaviser, nous irakiser, ou même nous grenadiser. Ces interventions de l’empire furent fatales pour Slobodan Milosevic, Saddam Hussein et Maurice Bishop. Non, l’impérialisme nous soumettra à un traitement cubain. Comme je connais nos amis les politiciens, en temps de rude épreuve tous les rats quitteront le bateau de la souveraineté. Garanti.

Quoiqu’il en soit, sans être pro-Privert, il faut «saluer l’arrondissement» comme disent beaucoup d’Haïtiens. Il faut saluer la témérité du président Privert (provisoire et de facto). Nous ne savons quel mauvais coup du dernier moment nous prépare le laboratoire, mais en attendant, nous disons : ba yo, Privert ! Donne-leur, Privert ! Aux urnes, citoyens ! Ba yo, Ayisyen !

25 juillet 2016

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