De la Révolution russe on connait bien les noms de Lénine, Trotsky, Staline et bien d’autres, tous des hommes. De rares femmes se sont pourtant illustrées au sein de ce monde masculin et c’est peut-être à cause de cela qu’elles sont restées méconnues de l’histoire. Alexandra Mikhaïlovna Domontovitch Kollontaï en est bien une.
Femme politique socialiste, communiste et militante féministe soviétique, elle est la première femme de l’Histoire contemporaine à avoir été membre d’un gouvernement et ambassadrice dans un pays étranger.
Alexandra Kollontaï naît en 1872 à Saint-Pétersbourg. Fille unique d’un général de l’armée tsariste nommé Mikhaïl Domontovitch, issue de l’aristocratie, Alexandra Domontovitch reçoit une éducation soignée et polyglotte. Ses origines partiellement caréliennes lui permettent d’acquérir une bonne connaissance de la culture et de la langue finnoises, ce qui orientera sa carrière à partir de 1939.
A l’âge de 17 ans, elle refuse un mariage arrangé, puis elle épouse à l’âge de 20 ans un jeune officier dont elle est éprise et qui lui donnera un enfant et son nom en 1893. En 1896, lassée de la vie de couple, elle rompt avec son milieu d’origine et part étudier l’économie politique à l’université de Zurich, où elle adhère progressivement au marxisme. Voyageant à travers l’Europe, elle se lie avec Lénine, alors exilé en Suisse, avec Rosa Luxembourg en Allemagne et, en France, avec Paul Lafargue, le gendre de Karl Marx.
En 1902, elle adhère au Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR). L’année suivante, quand se produit la fracture entre bolchéviques et menchéviques, elle adhère aux seconds en raison de son rejet de l’action militarisée. Elle revient un temps en Russie pour participer à la révolution de 1905.
En 1914, elle s’oppose à la Première Guerre mondiale, et pour cette raison rejoint les bolcheviks, en 1915. Elle déclarait ainsi en 1912 : « Le prolétariat russe, aux côtés de celui du monde entier, proteste contre toutes les guerres. C’est un fait bien connu que le prolétariat ne connaît aucune frontière nationale. Il ne reconnaît que deux “nations” dans le monde civilisé : les exploiteurs et les exploités. »
Elle se réfugie quelque temps en Europe du Nord puis aux États-Unis. Elle participe à la révolution de 1917 et devient Commissaire du peuple à l’Assistance publique (qui correspond aux actuels ministères de la Santé) dans le gouvernement des soviets, de novembre 1917 à mars 1918, ce qui fait d’elle la première femme au monde à avoir participé à un gouvernement. Elle crée le Zhenotdel (ministère chargé des affaires féminines) avec Inès Armand, d’origine française, l’une des maîtresses de Lénine. Alexandra Kollontaï est rapidement en désaccord avec la politique du parti bolchevik, d’abord avec l’étatisation de la production au lieu de la collectivisation, puis avec la réduction des libertés politiques, les conditions du traité de Brest-Litovsk et la répression contre les autres révolutionnaires. En 1918, elle fait partie de la tendance « communiste de gauche », qui publie la revue Kommunist. Elle fonde en 1920 une fraction interne au Parti, « l’Opposition ouvrière » qu’elle dirige avec Alexandre Chliapnikov et qui réclame plus de démocratie et l’autonomie des syndicats. En 1921, lors du passage à la NEP, elle accuse même Lénine d’être devenu un défenseur du capitalisme.
Alexandra Kollontaï devient ambassadrice de l’Union soviétique en Norvège en 1923 — elle y était représentante depuis 1922, mais ce n’était pas encore une ambassade à proprement parler —, ce qui revient à un exil de fait lui interdisant toute action dans la vie politique soviétique. Cela fait néanmoins d’elle la première femme ambassadrice. Elle n’est pas formellement inquiétée, mais les journaux de l’époque l’attaquent avec virulence en mettant l’accent sur sa vie sentimentale sulfureuse, n’hésitant pas à la surnommer : « la scandaleuse » ou « l’immorale ». Cet éloignement lui permet cependant d’échapper aux purges staliniennes, qui frappent notamment les anciens de l’Opposition ouvrière, entre 1927 et 1929, entraînant des déportations au Goulag et des assassinats. Elle marque son mandat en récupérant l’or que l’ancien chef du gouvernement provisoire de la Russie Aleksandr Kerenski avait transféré en Finlande.
Après des missions diplomatiques saluées — en tant qu’ambassadrice et « représentante commerciale » — au Mexique (1926-1927) et à nouveau en Norvège (1927-1930), Alexandra Kollontaï est nommée ambassadrice en Suède en 1930 où elle mène les négociations pour les deux armistices entre l’URSS et la Finlande, en 1940 et en 1944, et pour l’armistice avec la Roumanie en 1944 (avec Neagu Djuvara). Des hommes politiques finlandais proposeront sa candidature pour le Prix Nobel de la paix, en 1946.
Victor Alexandrov, auteur de La fin des Romanov, évoquant Alexandra Kollontaï, alors ambassadrice d’URSS dans son récit Histoire secrète du pacte germano-soviétique rapporte que dans les chancelleries occidentales on disait qu’elle était le seul « homme de confiance » de Staline, le seul à ne pas risquer d’être soudainement liquidé par le NKVD. »
Comme beaucoup de socialistes ou de communistes, Alexandra Kollontaï condamne le féminisme de son époque, le considérant comme « bourgeois », puisqu’il détourne la lutte des classes en affirmant qu’il n’y a pas qu’une domination économique, mais aussi une domination des genres. Mais elle travaille cependant à l’émancipation de la femme dans le combat communiste ; elle déclare ainsi : « La dictature du prolétariat ne peut être réalisée et maintenue qu’avec la participation énergique et active des travailleuses. »
Elle participe à la première conférence de l’Internationale socialiste des femmes, le 17 août 1907, à Stuttgart (Allemagne). En 1910, elle accompagne la femme politique allemande Clara Zetkin (qu’elle aide à créer la Journée internationale des femmes, le 8 mars) à la deuxième conférence qui se tient à Copenhague ; elle y représente les ouvrières du textile de Saint-Pétersbourg. Elles y rencontrent Inès Armand et Rosa Luxembourg, militante socialiste et théoricienne marxiste.
Alexandra Kollontaï renonce à ses fonctions en 1945. “Elle avait atteint les soixante-sept ans. Souffrant d’une maladie de c?ur, elle supportait les contrastes de l’été baltique en abusant de la digitaline”, selon Alexandrov et termine sa vie à Moscou, où elle décède en 1952, à l’âge de 80 ans. Elle restera jusqu’à la fin de sa vie une communiste et une féministe convaincue, déclarant notamment que « la dictature du prolétariat ne peut être réalisée et maintenue qu’avec la participation énergique et active des travailleuses ».
Source: le gros de cet article est emprunté à la version française du texte paru dans Wikipedia, avec quelques modifications.