Au cours des deux dernières années (2013-2014), l’Opposition et le peuple haïtien ont beaucoup lutté pour qu’il y ait un Conseil Electoral Provisoire (CEP) répondant au vœu de l’article 289 de la constitution pour l’organisation des élections libres, transparentes et inclusives. C’est sans doute ce CEP qui est éclaboussé par des accusations de corruption et de vol du vote du peuple au profit des candidats du pouvoir tètkale et alliés. Certains disent que ce CEP est plus corrompu que celui de Gaillot Dorsinvil de 2010. Au CEP d’Opont Pierre-Louis tout se vend, tout s’achète des électeurs aux conseillers électoraux. Les postes de sénateur se vendent à plus de 40 mille dollars US. Les postes de député se vendent à 30 mille dollars US. Les postes de maires se vendent à 15 mille dollars US. Les dépôts se font, dit-on, à la Banque Centrale Nationale Electorale (BCEN).
Au moins les noms de quatre (4) conseillers électoraux sont nommément cités dans des scandales de corruption au bas niveau et ceux de haut niveau impliquent quasiment tous les conseillers. La corruption fait scandale au grand jour au sein du CEP d’Opont. Parmi les présumés corrompus, on cite le représentant de l’Eglise catholique, Ricardo Augustin accusé d’avoir escroqué le candidat à la députation, Laurore Edouard, de 200 mille dollars. Le représentant des églises protestantes, Vijonet Déméro, secrétaire au CEP, est accusé d’avoir reçu 30 mille dollars du candidat à la députation pour la circonscription de Mont-Organisé/Capotille, Willa Alphonse, en échange du poste de député.
La représentante du secteur des femmes, Yolette Mengual, du Réseau des femmes candidates et de l’organisation féminine, FanmYo La, est accusée d’avoir reçu un montant de 45 mille dollars des mains de deux candidats pour la circonscription Ferrier/Les Perches, après que le différend entre ces deux postulants, propos du décompte des votes, a été porté au niveau du Bureau de Contentieux National Electoral (BCEN). D’une part, elle a reçu 30 mille dollars du candidat Elience Petit-Frère de Fanmi Lavalas. D’autre part, 15 mille dollars en cash dans une enveloppe, lui ont été versés par le candidat concurrent, Gérald Jean. Cette somme a été partagée avec son collègue, Lourdes Edith Delouis, représentante du secteur syndical au CEP. Selon les dires, cette dernière aurait reçu 5 mille dollars. La balance de la corruption s’est finalement penchée du côté du candidat qui a donné beaucoup plus d’argent, Elience Petit-Frère. Gérald Jean victime de cette transaction frauduleuse a fait des révélations fracassantes dans des médias de la capitale avec des fiches de dépôt en dollars à l’Unibank à l’appui. Un dépôt de 2,900 dollars a été fait au nom de Jugnace Pierre, un soi-disant avocat siégeant comme juge au BCEN, au numéro de compte : 560-2516-908-0548, le 10 décembre 2015. Jean a fait également ces révélations au bureau de l’organisation de défense des droits Humains, le Réseau National de défense des Droits Humains (RNDDH).
Après la déposition du candidat Gérald Jean victime d’escroquerie, le RNDDH a adressé une correspondance au commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Me. Ocname Clame Daméus lui demandant de s’empresser de mettre l’action publique en mouvement contre tous les corrompus et corrupteurs, face à ces cas flagrants de corruption.
Devant ces cas incontestables de corruption qui gangrènent le Conseil Electoral Provisoire de la tête au pied, Opont Pierre-Louis a préféré émettre un communiqué d’intimidation à l’endroit des présumés corrupteurs pour préférablement apporter son soutien aux corrompus, au lieu de mettre sur pied une commission d’enquête indépendante, chargée de faire la lumière sur ce énième scandale. Voilà donc dans quel état se trouve un organisme électoral chargé d’organiser des élections pour ceux qui auront à charge de conduire les destinées de la Nation.
Par ailleurs, ce lundi 21 décembre dans une première conférence de presse, le nouveau porte-parole du conseil électoral provisoire Roudy Stanley Penn annonçait que « le CEP était techniquement prêt pour réaliser des élections dans le pays le 27 décembre prochain ». Pourtant, quelques heures plus tard, un nouveau communiqué annonçait abruptement que le Conseil électoral provisoire « informe la population en général, les partis politiques et les candidats en particulier, que les élections des collectivités territoriales ainsi que celles des législatives partielles et des présidentielles qui devaient se tenir le 27 décembre 2015 sont reportées ». C’est tout un retournement ! Une confusion totale au sein du CEP ! Une vraie pagaille dans l’institution électorale. Ces conseillers-ères sous diktats savent-ils réellement ce qu’ils font ? Poursuivant dans l’irresponsabilité, Le Conseil s’est empressé, gauchement, de faire savoir que son volte-face était « en raison de la formation de la Commission nationale d’évaluation électorale et compte tenu des implications éventuelles que pourraient avoir ses recommandations sur la poursuite du calendrier électoral et en conséquence, encourage vivement les acteurs à tout faire, en vue de faciliter la conduite à terme du processus électoral et réitère sa détermination à tout mettre en œuvre pour la tenue d’élections libres, honnêtes, inclusives et démocratiques ». De façon évidente, il s’agit d’un renvoi des élections sine die.
Le peuple haïtien n’a-t-il pas raison de réclamer à cor et à cri la démission de ces conseillers irresponsables et corrompus au CEP ? Les partis politiques et des membres des organisations de la société Civile, des droits humains dans leur plus grande majorité, ont raison d’exiger la formation d’une commission indépendante de vérification et d’évaluation pour faire la lumière sur ce qui s’est passé le 9 Août et le 25 Octobre 2015 ; vu que la vérité doit être établie autour de ces deux mascarades électorales. Mais, il ne faut pas s’arrêter là. Il nous faut aller plus loin ; sinon comment allons-nous donc avoir des élections avec un tel CEP corrompu jusqu’à la moelle ?
Le peuple haïtien dans différentes formes de manifestation dit attendre la démission du CEP d’Opont qui tarde toujours à venir. En ce sens, il nous faut intensifier et structurer la mobilisation en prenant soin de bien définir l’objectif visé. A savoir allons-nous vers une transition dans la continuité ou une rupture totale vers une façon politique de faire qui soit démocratique, garant d’un État de droit, de tous les droits de la personne ? C’est après avoir clairement défini où on veut s’en aller, qu’on pourra faire sien ce propos célèbre de l’homme politique italien, Antonio Gramsci, qui disait: «Quand l’injustice devient loi, la mobilisation est un devoir». Approprions-nous cette formule de Gramsci et paraphrasons-la pour clamer haut et fort: quand la corruption devient la règle, la révolte est un devoir.