Haïti: Pays sinistré ou pays de grande endurance?

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Deux morts, d’importants dégâts matériels en pertes agricoles et des bétails, tel est le bilan provisoire de la situation dans le Sud, après plusieurs jours de pluies diluviennes.

Van tanpèt mezanmi
Larivyè desann mezanmi
Konpè Filo ede m pote chay la tande
(
Pawòl yon mizik Septantriyonal)  

Dans la nuit du 4 au 5 octobre 2016, l’ouragan Mathieu de catégorie 4 a frappé de plein fouet les départements Sud, Grande Anse, Nippes et dans une moindre mesure le Nord-ouest. Des rafales de vent violent et des pluies intempestives ont causé de graves inondations et de submersion marine dans certaines villes côtières. Plantations, habitations et infrastructures furent dévastées en l’espace de quelques heures. Et, le bilan tant au point de vue humain que matériel fut très lourd pour une économie déjà confrontée à tant de précarités.

Mais, en dépit de tout, Haïti doit se lever! Cependant, dans l’état de vulnérabilité aiguë où se trouve le pays, ce ne serait pas rationnel de reconstruire juste parce que des maisons ont été détruites, des plantations ravagées et des infrastructures endommagées ou détruites. Tout projet judicieux de reconstruction doit obligatoirement tenir compte d’éventuels cyclones ou séisme. Ainsi, l’on serait à même de se prémunir pour faire face à des désastres, aussi perturbants qu’ils pourraient l’être.

Dans une perspective visant à réduire les pertes et dommages d’ampleur regrettable, faudrait-il bien éviter l’étalement urbain en aval des zones inondables, limiter le ruissellement important provenant en amont serait tout aussi une prévision intelligente. Un contrôle rigoureux des tracés des routes aux flancs des versants serait à envisager. Aussi, il s’avère nécessaire de boiser ou de reboiser, selon le cas, les versants à pentes fortes afin de réduire les risques d’inondation et la submersion marine.

Les leçons du séisme du 12 Janvier 2010

Plus de 7 années après, Haïti n’est pas encore parvenue à se relever des conséquences lourdement négatives du séisme du 12 Janvier 2010, ayant entraîné des pertes inestimables en vies humaines et matérielles. En vue de prévenir de tels dégâts, il serait rationnel d’adopter tout un ensemble de mesures. Ces mesures doivent prendre en compte plusieurs secteurs.

Nécessité d’une gestion efficiente des risques et désastres. Ce qui a fait dramatiquement défaut au pays avant le séisme de Janvier 2010 et vraisemblablement avant l’ouragan Mathieu d’octobre 2016. L’immensité des dégâts (humains et matériels) que le pays a enregistrés lors du tremblement de terre de Janvier 2010 était due au manque d’organisation territoriale et d’un plan d’urbanisation adapté à la réalité de nos villes et communes. Obligation donc d’anticiper afin d’éviter que les aléas de la nature causent des pertes immenses et dommages regrettables.

Cette anticipation doit se matérialiser par l’établissement de planifications efficientes devant pallier à la situation précédent le séisme de Janvier 2010. Les dégâts causés par le passage de l’ouragan Mathieu à l’aube d’octobre 2016, nous a montré que nous n’avons tiré aucune leçon du 12 Janvier 2010. Car, aucun plan de relèvement s’inspirant d’une vision qui va au-delà de la réponse humanitaire n’a été prévu.

Les intempéries qui s’abattent sur le pays depuis 2 jours ont causé des inondations sur plusieurs communes du Sud. Des milliers de familles sont sinistrées suite à ces inondations. Haïti fait encore les frais de sa vulnérabilité due à l’utilisation désordonnée des espaces et des sols. Il est donc par conséquent urgent d’agir maintenant pour demain. Cette fois-ci, agissons maintenant et non demain!

Les leçons du cyclone Mathieu d’octobre 2016

Les dégâts matériels énormes enregistrés dans 3 départements particulièrement Grande Anse, Nippes et Sud ont démontré que personne n’avait tiré assez de leçons du séisme du 12 Janvier 2010. Car seulement 7 ans après, suite au passage de l’ouragan Mathieu, Haïti a de nouveau enregistré des pertes incalculables. Encore une fois, la carence en prévention de risques est l’élément moteur, voire un prérequis essentiel pour un plan d’aménagement territorial, ainsi qu’un plan de relèvement.

Mesdames, messieurs, autorités politiques, élites économiques, élites intellectuelles, étudiants, professionnels, etc…, la situation du pays doit nécessairement nous interpeller. Sachez qu’Haïti est à nous. C’est alors à nous et à nous tous et toutes qu’il incombe la responsabilité de la diriger. Attelons-nous donc à cette tâche avec le sens de responsabilité. Un jour ou l’autre, nos progénitures n’auront pas à nous reprocher de leur avoir laissé non pas un pays sinistré mais de préférence un pays de grande endurance.

Ces pertes et dommages inestimables ne résultaient pas seulement du passage de l’ouragan Mathieu. Ce ne sont que les conséquences directes de l’utilisation incohérente des espaces et des sols, de l’absence de normes de construction adaptées à chaque espace avec leur spécificité. C’est une évidence à ne pas feindre d’ignorer sous aucun prétexte! Toute politique de relèvement devrait pouvoir s’attaquer aux facteurs de vulnérabilité qui sautent aux yeux de tout observateur.

Mettre en place des mécanismes pour s’attaquer à ces causes qui ont infligé tellement de lourds dégâts, est certes l’urgence dans l’immédiat. La réponse humanitaire, nous nous sommes fait le devoir de bien la comprendre ; mais elle ne doit pas être la solution définitive. Cependant, le démarrage des activités pour la réduction de la vulnérabilité du pays face aux catastrophes doit se faire parallèlement. En outre, il convient de lancer le pays une fois pour toutes sur la voie de la résistance et d’un développement mesuré et soutenable à tous les niveaux.

Comme conséquence immédiate du passage du cyclone Mathieu, 3 de nos départements sont dévastés. Des millions de sinistrés ont été enregistrés. Oui, sinistrés, c’est le maître mot qu’on peut attribuer aux millions de victimes. Catastrophes, c’est la réalité vivante palpable et vérifiable de plus de trois (3) départements. Personne ne doit avoir honte de le dire! Armons-nous de courage pour pouvoir garder cette évidence avec un peu de réalisme.

Il convient de privilégier la prévention comme réponse aux risques et désastres pour réduire d’éventuels dommages. C’est alors donc, comme mentionné plus haut, que nous allons nous mettre en route vers la résilience effective de l’ensemble du territoire. C’est un rêve commun! 6 mois après que le cyclone Mathieu eut jeté les populations de plus de 3 départements dans le désarroi, leurs conditions infra humaines d’existence sont des preuves patentes que la politique de protection civile reste et demeure virtuelle.

L’Ouragan Mathieu: 6 mois après

Au regard de la situation de vulnérabilité du pays, encore aggravée suite au passage du cyclone Mathieu, nous pensons tout au moins qu’il faudrait une Direction Protection Civile (DPC) renforcée et autonome. Elle doit être dotée de cellules de prévention et de gestion de risques dans presque tous les domaines. Des architectes urbanistes, environnementalistes, des ingénieur-agronomes, des experts en prévention de risques, des ingénieur-géographes, des écologistes, des médecins chirurgiens, etc…, constitueront le personnel au sommet. L’une des tâches de cette DPC renforcée serait d’accompagner et de fournir des données à la Direction de l’Aménagement du territoire (DAT).

Dans le cadre d’une politique d’aménagement et d’urbanisation, la DPC, de concert avec la DAT servirait à mieux organiser le territoire. Du même coup, la démarche de ces deux entités conduirait à une réduction significative des vulnérabilités aux désastres probables et leurs impacts. Alors, le relèvement et la réponse suite à une catastrophe se feraient sans trop de difficulté. C’est à ce moment-là que nous pourrions commencer à parler d’un Pays de grande endurance et non sinistré.

Arry Ménéus 

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