Un groupe autochtone a déclaré que les restes de 751 personnes, principalement des enfants, avaient été découverts dans des tombes anonymes sur le site d’un ancien pensionnat de la Saskatchewan.
« En 1898, le pensionnat Marieval a ouvert ses portes et il a fermé ses portes en 1996. L’église catholique romaine supervisant le site des tombes, les catholiques et la prière et la religion supervisant le site des tombes, nous avons commencé nos recherches par géoradar le 2 juin 2021. Jusqu’à hier, nous avons trouvé 751 tombes non marquées. Sur ces 751 résultats, la machine a un pourcentage d’erreur de 10 à 15 %. Nous ne nous baserons donc que sur les 751 résultats. Mais nous savons qu’il y en a au moins 600. Nous ne pouvons pas affirmer que ce sont tous des enfants. Mais il y a des histoires orales selon lesquelles il y a aussi des adultes dans ce site funéraire. Une agression contre un peuple des Premières Nations – nous sommes un peuple fier. Le seul crime que nous ayons commis en tant qu’enfants est d’être nés indigènes. Il y aura beaucoup de travail, beaucoup de guérison. Il y a de nombreux sites sur lesquels nous allons faire un travail similaire. Et nous en trouverons d’autres ».
CALGARY, Alberta – Pendant des décennies, les enfants autochtones ont été arrachés à leur famille, parfois par la force, et placés dans des pensionnats surpeuplés, gérés par l’Église, où ils étaient maltraités et interdits de parler leur langue. Des milliers d’entre eux ont complètement disparu.
Aujourd’hui, une nouvelle découverte apporte la preuve effrayante que de nombreux enfants disparus sont peut-être morts dans ces écoles : les restes de 751 personnes, principalement des enfants autochtones, ont été découverts sur le site d’une ancienne école dans la province de Saskatchewan, a déclaré jeudi un groupe autochtone.
Ce site funéraire, le plus grand à ce jour, a été mis au jour quelques semaines seulement après la découverte des restes de 215 enfants dans des tombes non marquées sur le terrain d’une autre ancienne école confessionnelle pour élèves autochtones en Colombie-Britannique.
Ces découvertes ont ébranlé une nation aux prises avec des générations d’abus généralisés et systématiques à l’encontre des populations autochtones, dont beaucoup sont des survivants des pensionnats. Pendant des décennies, ils ont suggéré, à travers leurs histoires orales, que des milliers d’enfants avaient disparu de ces écoles, mais ils ont souvent été accueillis avec scepticisme. La révélation de deux sites de tombes anonymes est un autre rappel brûlant de cette période traumatisante de l’histoire. « C’est un crime contre l’humanité, une agression contre un peuple des Premières nations », a déclaré le chef Bobby Cameron, de la Fédération des nations autochtones souveraines de la Saskatchewan. 3Le seul crime que nous ayons commis en tant qu’enfants est d’être nés autochtones », a-t-il ajouté.
Le site funéraire met également une nouvelle pression sur le gouvernement actuel de Justin Trudeau, le premier ministre canadien, qui s’appuie encore aujourd’hui sur un ensemble de lois qui régissent la vie des populations autochtones et qui remontent au XIXe siècle. Les dirigeants autochtones disent espérer que les dernières révélations seront un catalyseur pour l’autonomie qu’ils recherchent depuis longtemps. « Nous en avons assez qu’on nous dise quoi faire et comment le faire », a déclaré le chef Cadmus Delorme, de la Première nation de Cowessess.
La découverte récente de restes humains au Canada a eu des répercussions dans le monde entier, y compris aux USA, où le ministre de l’intérieur a déclaré cette semaine que le pays allait fouiller les pensionnats fédéraux à la recherche d’éventuels sites de sépulture d’enfants amérindiens. Des centaines de milliers d’entre eux ont été arrachés à leurs communautés pour être assimilés culturellement dans ces écoles pendant plus d’un siècle.
On ignore comment les enfants sont morts dans ces écoles, qui ont été frappées par des épidémies il y a un siècle et où les enfants ont été victimes d’abus et de violences sexuels, physiques et émotionnels. Certains anciens élèves de ces écoles ont décrit l’incinération des corps de nourrissons nés de filles mises enceintes par des prêtres et des moines.
Ces deux écoles faisaient partie d’un système mis en place au XIXe siècle, qui enlevaait les enfants autochtones à leurs familles.
Nous savons que nous avons appliqué des lois et des politiques racistes et discriminatoires », a déclaré un porte-parole de la GRC dans un courriel.
La Commission nationale de vérité et de réconciliation, créée en 2008 pour enquêter sur les pensionnats, a qualifié cette pratique de « génocide culturel ». De nombreux enfants ne sont jamais rentrés chez eux et leurs familles n’ont reçu que de vagues explications sur leur sort, voire aucune. Le Canada comptait environ 150 pensionnats et on estime que 150 000 enfants autochtones sont passés par ces établissements entre leur ouverture, vers 1883, et leur fermeture en 1996.
La commission a estimé qu’environ 4 100 enfants avaient disparu de ces écoles dans tout le pays. Mais un ancien juge indigène qui a dirigé la commission, Murray Sinclair, a déclaré dans un courriel ce mois-ci qu’il pensait désormais que le nombre était « bien supérieur à 10 000 ».
Les dirigeants autochtones locaux ont demandé jeudi l’ouverture d’une enquête sur ce qu’ils appellent un « génocide » et ont demandé à l’église et au gouvernement de remettre tous les documents relatifs à l’administration des écoles.
Le chef Delorme a également demandé au pape François de présenter des excuses, affirmant que l’Église catholique romaine devait se pencher sur ses actions. « L’incroyable fardeau du passé est toujours sur nous, et la vérité de ce passé doit sortir, aussi douloureuse soit-elle », a écrit Don Bolen, l’archevêque de Regina, dans une lettre adressée jeudi au groupe Cowessess. Il a présenté ses excuses et s’est engagé à « faire ce que nous pouvons pour transformer ces excuses en actes concrets significatifs ».
La découverte en Saskatchewan a été faite par la Première Nation de Cowessess au pensionnat indien de Marieval, à environ 87 miles de la capitale provinciale, Regina.
Le chef Delorme a déclaré que sa communauté autochtone, stimulée par la découverte de Kamloops et en collaboration avec des équipes techniques de l’école polytechnique de la Saskatchewan, a commencé à ratisser la zone à l’aide d’un radar à pénétration de sol le 2 juin, et a trouvé 751 tombes non marquées. Il a déclaré qu’il s’attendait à ce que d’autres corps soient découverts.
Bien que l’on ne sache pas exactement comment l’enquête sur la découverte des restes sera menée, la Gendarmerie royale du Canada en Saskatchewan a déclaré que les prochaines étapes, y compris son éventuelle implication, dépendraient des souhaits des dirigeants du groupe autochtone. « Nos actions doivent être respectueuses de l’immense chagrin que les membres de la Première Nation de Cowessess continuent de subir. Nous savons que nous avons appliqué des lois et des politiques racistes et discriminatoires », a déclaré un porte-parole de la GRC dans un courriel.
Pour les 1,7 million de citoyens autochtones du Canada, qui représentent environ 4,9 % de la population, la découverte d’un nouveau site d’enterrement collectif est un rappel viscéral de siècles de discrimination et d’abus, qui ont entraîné un traumatisme intergénérationnel chez les survivants des pensionnats et leurs familles.
« On ne peut pas le nier : Toutes les histoires racontées par nos survivants sont vraies », a déclaré le chef Cameron. Florence Sparvier, 80 ans, une aînée de la Première nation de Cowessess, a déclaré avoir fréquenté deux pensionnats, dont celui de Marieval, où les fosses anonymes ont été retrouvées.
« Elles condamnaient beaucoup notre peuple », dit-elle à propos des religieuses des écoles. « Elles nous disaient que notre peuple, nos parents, nos grands-parents n’avaient pas la possibilité d’être spirituels parce que nous étions tous païens ».
Jeudi, M. Trudeau a qualifié les découvertes en Saskatchewan et en Colombie-Britannique de « partie d’une plus grande tragédie », citant les héritages du « racisme systémique, de la discrimination et de l’injustice auxquels les peuples autochtones ont été confrontés ».
Un convoi de véhicules passe devant le pensionnat indien de Kamloops après la découverte des restes de plus de 200 enfants enterrés là dans des tombes non marquées au début du mois. Photo Cole Burston/Agence France-Presse – Getty Images
En septembre 2017, M. Trudeau a reconnu que le pays avait par le passé “humilié, négligé et maltraité” les populations autochtones, et s’est engagé, dans un discours à l’Assemblée générale des Nations unies, à améliorer leur vie.
Lorsque M. Trudeau est entré en fonction en 2015, il a fait des 94 recommandations de la Commission nationale de vérité et réconciliation une priorité absolue. Mais les progrès ont été lents, en partie parce que certaines d’entre elles échappent au contrôle du gouvernement fédéral.
Lorsque la commission a tenté de se pencher sur la question des enfants autochtones disparus, en 2009, le gouvernement conservateur de l’époque a rejeté sa demande de financement des recherches. Depuis la découverte de Kamloops à la fin du mois de mai, plusieurs gouvernements canadiens ont proposé de payer les recherches.
Mardi, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il verserait un peu moins de 4,9 millions de dollars canadiens (environ 3,33 millions d’Euros) aux communautés autochtones de la Saskatchewan pour la recherche de tombes. Le gouvernement provincial s’était déjà engagé à verser 2 millions de dollars canadiens (1,36 d’Euros).
Comme Kamloops, l’école Marieval, qui a ouvert ses portes en 1899, a été exploitée pendant la majeure partie de son histoire par l’Église catholique romaine pour le compte du gouvernement du Canada.
Un cimetière marqué existe toujours sur les terrains de l’école, qui a fermé en 1997 et a été démolie par la suite.
La commission a demandé des excuses papales pour le rôle de l’Église, qui gérait environ 70 % des écoles. Mais malgré un appel personnel de M. Trudeau au Vatican, le pape François n’a toujours pas fait ce pas. En revanche, la direction de l’Église unie du Canada, la plus grande dénomination protestante du pays, a présenté des excuses en 1998 pour son rôle dans la gestion des écoles.
Le pape François n’a pas présenté d’excuses, mais l’archevêque de Vancouver a présenté des excuses au nom de son archidiocèse.
Depuis l’annonce de Kamloops, le chef Cameron a déclaré qu’il a voyagé dans toute la province, où l’agriculture et l’exploitation minière sont des secteurs importants, à la recherche d’anciens sites scolaires. « On peut voir à l’ œil nu les endroits dans le sol où ces corps doivent être trouvés », a-t-il déclaré dans une interview mercredi soir. « Ces enfants sont là, attendant d’être trouvés ».
Des enfants autochtones disparus au Canada
Les restes de ce que l’on présume être des enfants autochtones ont été découverts sur les sites d’anciens pensionnats au Canada. Voici ce que vous devez savoir :
Contexte : Vers 1883, les enfants autochtones de nombreuses régions du Canada ont été contraints de fréquenter des pensionnats dans le cadre d’un programme d’assimilation forcée. La plupart de ces écoles étaient gérées par des églises, et toutes interdisaient l’utilisation des langues et des pratiques culturelles autochtones, souvent par la violence. Les maladies, ainsi que les abus sexuels, physiques et émotionnels étaient monnaie courante. On estime que 150 000 enfants sont passés par ces écoles entre leur ouverture et leur fermeture en 1996.
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- Les enfants disparus : Une Commission nationale de vérité et de réconciliation, mise en place dans le cadre des excuses et du règlement du gouvernement concernant les écoles, a conclu qu’au moins 4 100 élèves sont morts pendant qu’ils fréquentaient ces écoles, beaucoup à cause de mauvais traitements ou de négligence, d’autres par maladie ou accident. Dans de nombreux cas, les familles n’ont jamais appris ce qu’il était advenu de leur progéniture, que l’on appelle désormais « les enfants disparus ».
- Les découvertes : En mai, des membres de la Première nation Tk’emlups te Secwepemc ont découvert 215 corps dans l’école de Kamloops – qui a été gérée par l’Église catholique romaine jusqu’en
1969 – après avoir utilisé un géoradar pénétrant. En juin, un groupe autochtone a déclaré que les restes de 751 personnes, principalement des enfants, avaient été découverts dans des tombes anonymes sur le site d’un ancien pensionnat de la Saskatchewan.
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- « Génocide culturel » : Dans un rapport de 2015, la commission a conclu que le système était une forme de « génocide culturel ». Murray Sinclair, un ancien juge et sénateur qui a dirigé la commission, a récemment déclaré qu’il pensait désormais que le nombre d’enfants disparus était « bien supérieur à 10 000 ».
- Excuses et prochaines étapes : La commission a demandé au pape de présenter des excuses pour le rôle de l’Église catholique romaine. Le pape François n’a pas présenté d’excuses, mais l’archevêque de Vancouver a présenté des excuses au nom de son archidiocèse. Le Canada a présenté des excuses officielles et a offert un soutien financier et d’autres formes de recherche, mais les dirigeants autochtones estiment que le gouvernement a encore beaucoup de chemin à parcourir.
Vjosa Isai à Toronto a contribué à ce reportage.
New York Times 24 Juin 2021
Traduit par Fausto Giudice
Tlaxcala24 Juin 2021