Au cours des quatre dernières années, l’administration Trump a systématiquement renforcé le blocus américain contre Cuba. Le blocus est un régime de sanctions financières, commerciales et économiques qui vise à faire pression sur le gouvernement cubain pour qu’il procède à des changements politiques internes. Avec peu de succès.
Le blocus fait mal. Ces mesures agressives visent les principaux secteurs économiques de Cuba. Des pays comme le Brésil, la Bolivie et l’Équateur ont subi des pressions pour qu’ils cessent d’administrer des traitements médicaux en provenance de Cuba (une importante source de revenus pour l’île. Le tourisme sur l’île était pratiquement interdit. Les remesas (transferts d’argent des émigrés cubains aux États-Unis vers leur pays d’origine) ont été réduites. Le blocus américain n’a jamais été aussi strict depuis le président Bush. Dans le contexte de la pandémie de coronavirus, c’est d’autant plus lourd.
La politique de Trump constituait une rupture avec l’attitude de l’administration Obama, qui visait à normaliser les relations entre les deux pays. Maintenant, l’attitude des États-Unis sous la direction du président Biden est attendue avec impatience. Assouplira-t-il le blocus ?
187 votes contre le blocus
Le 23 juin, à 10 heures, heure locale de New York, l’Assemblée générale des Nations unies devrait adopter une nouvelle résolution condamnant le blocus imposé par le gouvernement américain envers Cuba. Le vote, initialement prévu pour l’automne dernier, a été reporté au mois de mai, puis au début de l’été.
Depuis 1992, l’Assemblée générale vote chaque année une résolution sur « la nécessité de mettre fin à l’embargo économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis d’Amérique ». La première fois, 59 pays ont soutenu la résolution, trois ont voté contre et 71 se sont abstenus. Depuis lors, le nombre de votes en faveur de Cuba n’a cessé d’augmenter. La dernière fois que le document a été soumis au vote, en 2019, 187 pays ont voté en faveur de Cuba, trois (les États-Unis, Israël et le Brésil de Bolsonaro) ont voté contre, et deux autres (la Colombie et l’Ukraine) se sont abstenus. Le prochain vote devrait donner un résultat similaire, voire plus prononcé encore.
Le cheval de Troie socialiste
Pour Washington, le report du vote sur le blocus est gênant. S’il s’était déroulé comme prévu l’année dernière, alors que Donald Trump était encore à la tête de la Maison Blanche, personne ne se serait fait d’illusions sur la position américaine. Mais depuis le 20 janvier, c’est Joe Biden qui président des États-Unis. Beaucoup s’attendent à ce qu’il reprenne la voie de Barack Obama, qui a initié un « changement par le rapprochement » en faisant des pas timides vers Cuba. En 2016, pour la première et unique fois à ce jour, la délégation américaine a cessé de voter contre la résolution de l’ONU et s’est abstenue. Le vice-président américain de l’époque n’était autre que Biden.
Aujourd’hui, au cours de sa première année à la tête de l’État, il pourrait se voir confronté deux fois au vote de la « communauté mondiale » contre le blocus. Car, en plus du vote de juin, la guerre économique sera probablement aussi à l’ordre du jour de la 76e session en automne. Cependant, le nouveau gouvernement américain tente de gagner du temps. Changer la politique cubaine n’est pas une priorité de notre politique étrangère, a déclaré Jennifer Psaki, attachée de presse de M. Biden, le 16 avril à Washington.
L’une des raisons de cette situation pourrait être la pression constante de la droite réactionnaire. Le New York Times, par exemple, voit un lien entre les hésitations de M. Biden et ses mauvais résultats lors de l’élection présidentielle en Floride. Là, Trump avait remporté 51,22 % des voix, alors que les sondages annonçaient Biden gagnant. Les républicains avaient entièrement misé sur une campagne anticommuniste, clamant qu’avec Biden, un « cheval de Troie socialiste » s’immiscerait dans la Maison Blanche. Apparemment, cela a marché ai-delà de la campagne électorale. Selon un sondage publié en mars par le magazine en ligne Politico, quelque 66 % des « Cubano-Américains » interrogés en Floride sont actuellement opposés à l’assouplissement du blocus, contre 36 % seulement il y a six ans. Dans ce contexte, les démocrates craignent qu’un rapprochement avec Cuba ne leur porte préjudice lors des prochaines élections.
La main de la solidarité
Néanmoins, le chef du thinktank religieux « Washington Office on Latin America » (WOLA), Geoff Thale, s’attend à une normalisation progressive des relations avec Cuba. « Ils s’y sont engagés pendant la campagne, et je pense qu’ils vont le faire. L’agenda dépendra de leur évaluation de la politique en Floride et de l’évolution de la politique au Sénat », a déclaré M. Thale à The Hill, l’un des principaux sites d’information politique du pays, le 28 mars.
Début mars, 75 membres démocrates du Congrès s’étaient déjà adressés à Biden dans une lettre lui demandant d’abandonner la politique cubaine “draconienne” de l’administration Trump, de revenir à la diplomatie et de mettre fin au blocus imposé il y a près de 60 ans.
Carlos Lazo met également en garde contre une attente trop longue. Dans une lettre ouverte adressée à Biden à la mi-mars, ce citoyen américain d’origine cubaine, qui a servi dans l’armée des États-Unis pendant la guerre d’Irak, a appelé Biden à tenir sa promesse de campagne et de mettre fin au blocus . Il a déclaré qu’il s’agissait, en pleine pandémie, de tendre « la main de la solidarité » au peuple cubain. M. Lazo, qui travaille aujourd’hui comme enseignant à Seattle, fait référence à une pétition en ligne toujours adressée à Trump. Celle-ci demande que les « restrictions économiques » imposées à Cuba soient suspendues, au moins pendant la pandémie. Elle a été signée à ce jour par plus de 17 000 personnes. Plusieurs milliers de personnes des États-Unis et de Cuba ont également participé à une campagne de photos sur le site Noembargocuba. com. Ils adressent ainsi une demande au chef de l’État : « Président Biden, veuillez mettre fin à l’embargo sur Cuba ! »
Que signifie concrètement le blocus ? Un exemple
L’Institut Cubain du Vaccin Finlay est actuellement en phase finale de test de plusieurs vaccins contre le COVID-19. Pour produire ces vaccins, il a besoin d’une quantité importante de matières premières, dont beaucoup proviennent des États-Unis. L’institut a effectué 15 opérations compliquées entre avril 2019 et mars 2020 pour importer des marchandises des États-Unis par l’intermédiaire de fournisseurs de pays tiers. Cela a coûté 894 693 dollars. L’institution cubaine aurait économisé environ 178 938 dollars si elle avait pu réaliser ces transactions directement avec une entreprise américaine. Cela signifie un coût supplémentaire de 20 %.
Junge Welt le 27 avril 2021
Titre, intro et italiques de la rédaction de Solidaire
Solidaire 12 mai 2021