Tartufferies, menteries, fourberies, politicailleries

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1990
La vedette à cette kyrielle de tartuffes en formant depuis une année déjà un machin, un truc, une chose qu’il baptisa Mouvement Troisième Voie Haïti (MTV Ayiti).

« Tout kandida yo se anbisye
Kou yo bezwen gouvène
                                 Yo fòse pèp rele »
Manno Charlemagne

Sans aucun doute, Molière nous a campé un Tartuffe détestable dans sa célèbre pièce de théâtre éponyme : un grand hypocrite, un faux-jeton, un gars fourbe, un imposteur, un bigot, un faux dévot, un coquin, un ambitieux se servant du manteau de la religion pour tromper et abuser, piteusement, un bourgeois vieillissant, fragile, influençable, riche et charitable qui l’a recueilli. D’une redoutable et perfide coquinerie, Tartuffe mène sur trois fronts : il mystifie le maître de maison, son bienfaiteur aux crochets duquel il vit, dans l’espoir d’acquérir sa fortune ; il souhaite épouser sa fille alors qu’il courtise anbachal son épouse, une jeune et plantureuse chelène fidèle à son homme. L’hypocrite ! L’andouille ! La fripouille !

Toutefois, Molière avait-il jamais soupçonné que des Tartuffe, des coquins, des scélérats puissent exister qui ne se servent pas de la religion pour tromper et abuser les bonnes gens, mais bien du manteau de la politique, fût-elle même anachronique, archaïque, rachitique, boulchitique, pour attirer « lepèp kòm inosan » ? Sans doute que oui, puisque Tartuffe avait recouru à une délation politique pour réclamer l’arrestation de son protecteur, traître au Roi clamait-il, à cause d’un document compromettant. Mais le méchant fait une œuvre qui le trompe. Coup de théâtre ! C’est lui, Tartuffe mêmemême, qu’on coffra presto sur ordre du monarque reconnaissant des services rendus jadis par le vieil homme.

En Haïti, il a fallu seulement que Jovenel lève le petit doigt, puis le majeur, mette en branle un Conseil Electoral Provisoire chargé de réaliser des élections générales et un Référendum populaire en vue d’approuver une nouvelle Constitution, pour voir surgir de partout une nuée de coquins, de bouffons, de tartuffes, d’ambitieux, d’andouillons, de nigauds, de dadais attirés par la pluie des comices électoraux assurément suivis de beau temps, temps de se positionner pour être le plus près possible du pouvoir, temps du pognon à empocher. En effet, l’appât du gain n’est pas mince pour ces tartuffards avides de bénéficier de la manne à venir, puisqu’une enveloppe de cinq cent millions de gourdes est en attente de preneurs à titre d’encouragement à participer à la course électorale.

j’ai pu distinguer la silhouette d’une pintade au haut de l’affiche

Imaginez, avant même le coup de tête de Jovenel de former son CEP croupion, avant même son coup de force de l’installer jéchèchement, il y avait déjà une dalle d’organisations ou partis politiques, plus de 150, se prévalant d’une reconnaissance légale. Apparemment, ils seraient dûment enregistrés aux ministères des Affaires sociales et de la Justice. Tous ? Qui sait ?  Ne dit-on pas que le mal existe ? Quoi qu’il en soit, depuis la « percée » jovenellienne, champignonnent de nouvelles formations politiques alléchées par l’odeur du fric, la perspective de postes ministériels, l’obsession d’être près des aisselles du chef. Aucune honte, aucune gêne, c’est le triomphe de la doctrine pakapalate.

Nous répartirons ces formations en deux catégories : les ‘‘déclarées’’ et les ‘‘non déclarées ». Pour les noms à donner à leurs groupements les mecs ne sont pas à court… d’originalité. D’abord les ‘‘déclarées’’. Tel ancien sénateur s’est amené avec… Egzanp Nasyonal. Imaginez, un mec, un mecton, un mectonneux proche du noir et rouge PHTK qui prétend prêcher … d’« exemple » ! Non, mon BIC m’en tombe. Bien calé dans son exemplarité, le sacripant a le culot d’insulter l’intelligence des gens : « Nous sommes de gauche ». Pif ! Inattendument, ça vous tombe dessus Paf ! Un vrai K.O à vous étourdir.

Jerry Tardieu, un ancien député pas mal porté sur les affaires, qui s’est présenté avec un parti fraîchement décacheté qu’il a baptisé En avant.

Y en a un autre, un ancien député pas mal porté sur les affaires, qui s’est présenté avec un parti fraîchement décacheté qu’il a baptisé En avant. Le nom m’a soudain fait venir à la mémoire une chanson politique qui appuyait la candidature d’un certain ‘‘petit médecin de campagne’’ en 1957: « En avant Ayisyen konsyan n ap vote Divalye ».  Brrrr ! Je me suis rappelé également un autre En avant, ce groupuscule pro-maoïste m-l qui prêchait à New York ki sa pou n fè ? Revolisyon. À l’époque de la dictature franciscaine, le poids de l’exil devenant de plus en plus insupportable, le cri En avant invitant les grenadiers à l’assaut de la dictature avait été une source rafraîchissante qui malheureusement s’est tarie tellement on en avait bu.

Le mec d’en-avant a cru bon de préciser : « C’est un mouvement inclusif et moderne qui veut rassembler les Haïtiens autour d’un projet national de modernité et de progrès ». Tout politicien qui déballe sa marchandise se sent obligé de parler d’inclusivité, alors que la chose va de soi. Est-ce une façon de se débarrasser d’un sentiment de culpabilité enfoui dans l’inconscient ? Tout le monde veut aussi ‘‘rassembler’’. Si c’est à rassembler « dans le cadre sélect des jardins de Tara’s », alors là, ça ne ‘‘marche’’ pas.

Et pourquoi ne pas dire un projet national anti-impérialiste ? Ah non! Car quand on a été au cours de quelque 35 ans de carrière le PDG de nombreuses entreprises haïtiennes opérant dans divers secteurs allant de l’industrie du cuir à l’immobilier et à l’hôtellerie (le Royal Oasis Hotel bien sûr), il y a des lignes rouges qu’on ne franchit pas… Mais, krazons un kite sa

Le jechèch ne manque pas à notre zig-en marchant. Il nous fait découvrir ‘‘que la majorité de la population ne se retrouve pas forcément dans l’offre politique actuelle et qu’il y avait nécessité de créer un nouvel outil politique (sic) pour donner à la majorité silencieuse «une voie» et «une voix»’’. Jeu de mot mis à part, le type s’est trouvé coincé pour dire s’il s’agit d’une « quatrième voie » ou d’une voie de garage, d’autant qu’un autre malin, un intelligent, médecin et homme d’affaires de son état avait volé la vedette à cette kyrielle de tartuffes en formant depuis une année déjà un machin, un truc, une chose qu’il baptisa Mouvement Troisième Voie Haïti (MTV Ayiti).

Un autre ancien député, peut-être un ancien champion du saut en longueur a pris son élan pour un saut plus que sylviocatorien. Au moment d’atterrir dans le bac à sable, une idée géniale lui est passée par la tête : dans une fraction de seconde il crée une organisation répondant au nom de « Elan Démocratique » (EDEM). Il sait que sa voie à lui est une voie de garage. Peu importe, l’essentiel c’est de soutirer sa part des 500 millions mis de côté par le pouvoir pour les tartuffes, les afannaaf, les zigotos, les renards, les zigs et les zags, les cloches et les cruches.  L’important ce n’est plus la rose mais bien le fric.

En fouyapotant par-ci par là, nous avons su que tel ancien Secrétaire d’État, les poches bourrées d’argent, avait fait, il n’y a pas trop longtemps, un voyage en Italie. Après avoir longé la côte amalfitaine  et s’être fait ‘‘bronzer’’ (foli pran nèg tout jan) sur les plages d’Amalfi, cette magnifique station balnéaire du sud de l’Italie, monsieur a aimé visiter Firenze, Florence, berceau de la Renaissance en Italie.

Fasciné par la  Galleria degli Uffizi (Galerie des Offices), le plus beau musée de peinture d’Italie, et l’un des principaux au monde ; émerveillé par La Naissance de Vénus et Le Printemps de Botticelli,  l’animal amalfique a eu un coup de génie. Amalgamant, pardon, associant Renaissance, Galerie, Naissance et Printemps, il s’est dit : tiens, je l’ai mon affaire! Formons le « Nouveau Parti pour la Renaissance d’Haïti ». Alors oui, Nou PAREH pour un printemps haïtien tout neuf, surtout inclusif et rassembleur. Assurément, le PHTK sera en première loge de l’inclusivité et du rassemblement. Nécessité fait loi. Le pouvoir au plus grand nombre des incapables et des tartuffes.

Sans doute je ne suis pas un adepte des versets bibliques mais je peux vous faire ce pari :  cette nuit-ci, avant que le coq ait chanté, je découvrirai un autre olibrius, un autre tartuffe, un autre crétin entiché de symphonie électorale. Comme dit fut : je suis tombé sur une huître qui marchait en pleine nuit, avec une pancarte sur laquelle on pouvait lire à grand peine Alliance pour une Société sans Exclusion.

Comme c’était une nuit d’encre, c’est avec difficulté que j’ai pu distinguer la silhouette d’une pintade au haut de l’affiche et au-dessous une griffonerie tracée à la va-vite, laquelle pouvait se lire (je crois) : la voie et la voix de François. Brrrrrrr ! Je faillis perdre connaissance. Mais, fort heureusement, j’ai pu rassembler tous mes sens, sans exclusion, me sentir nouveau, décidé à être maître d’une renaissance de mon être et d’Haïti. Je vous le dis en vérité : Nou PAREH, mwen pare.

Y en a qui sont plein de talents : politicien, parlementaire, iconoclaste de parlement, musicien, chanteur, compositeur, voire même médecin. Disciple d’Esculape, tel polytalentueux s’est jeté dans les bras d’une discipline médicale, l’anatomie, pour accoucher (et ce n’est pas une métaphore) d’un parti nommé Matris pèp la. Ça fait gynécologique, scientifique, surtout ça semble òganizasyon popilè, ça attire donc « la masse», le popoulolepèp kòm inosan, pour avoir son vote. Ayayay ! Seul l’argent peut être aussi intelligent.

Réginald Boulos

Dans la foulée de cette irruption médicale, gynécologique, matricielle, a surgi cette deuxième série de formations politiques qualifiées plus haut de « Non déclarées ». Je suis allé à leur recherche, facilité dans cette tâche par mon avantage professionnel. C’est ainsi que l’hématologie, l’ophtalmologie, la neurologie, la cardiologie, la gastro-entérologie ont inspiré les formations suivantes :

San pèp la. Comme le peuple est anémique, le président du mouvement entend donner son sang chaque mois pour réjuvéner les globules rouges des laissés-pour-compte, pou yo pa mouri. Les bourgeois gros et gras, repus et corrompus seront appelés à faire de même. L’idéologie de ce mouvement sanguin n’a pu être établie de façon certaine.

Je pèp la. Cette formation a pour mission d’être l’œil des démunis, de continuer à tenir une liste des tartuffes, soutireurs, décherpilleurs et voleurs pour les livrer au tribunal populaire le cas échéant. Ce rassemblement dit avoir une idéologie temporairement…oculaire.

Sèvo pèp la. Ce rassemblement regroupe des intellos qui n’ont pas (encore) pataugé dans la boue PHTK et dont la tâche est de redonner au pays son angle de dignité et d’honnêteté. L’idéologie intellotte de ce groupe est « en voie de gestation ».

Kè pèp la. À l’écoute des battements du cœur de la population en état de bradycardie (rythme cardiaque lent), ces cardiologues forment une organisation populaire djanm qui se propose d’apporter les conditions de travail qui assurent aux masses des salaires décents, gage d’une nutrition adéquate et conséquemment de normocardie. Pour l’instant leur perspective repose sur une idéologie « mixte et fixe » (sic).

Trip pèp la. C’est l’organisation par excellence parmi celles qui ne se sont pas encore déclarées. Elle dit connaître la souffrance du peuple, car la faim chlorox fait mal avant tout aux tripes. Elle a un plan dans lequel la mangeaille trois fois par jour devra faire partie d’une substantielle portion du budget national. Ces membres disent que leur idéologie « dépendra de ce qui sera discuté prochainement au plenum central »

J’avoue que ces formations ou organisations m’ont laissé sur ma faim, et même sur ma soif. Toutefois, je dois vous dire, honnêtement, sérieusement, humblement, carrément, rondement que lorsque j’entends parler de « mangeailles trois fois par jour », alors là je me laisse aller à la gourmandise.

Finalement, parmi les « non déclarées, il y a une grappe de groupements en devenir de partis politiques que j’ai carrément tuipés, tellement ils sont nuls. Tout juste pour l’Histoire, permettez que je mentionne au hasard : « Principes et accords naturels », « En première vitesse », « Ronde nationale », « Toujours plus haut », « Moins bas que les autres », « Vers les bonnes idées », « Pain et paix », « Effaçons la nuit », « Le Ciel nous regarde », « Évitons d’autres enfers ».

On a toujours dit que l’homme est un apprenti, mais moi je vous dis que des tas d’hommes sont maîtres en tartufferies, menteries, fourberies et politicailleries.

18 octobre 2020

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