Le CEP du 22 septembre, un pas dans l’inconnu !

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La Conseillère Guylande Mésadieu est la nouvelle d’Artagnan du Corps des Mousquetaires de Jovenel Moïse.

Malgré le doute ou même la certitude que le Conseil Electoral Provisoire (CEP) investi le 22 septembre 2020 au Palais national par le Président Jovenel Moïse n’organisera pas les élections générales l’année prochaine, les neuf Conseillers tentent d’exister. Après bien des hésitations et des conciliabules, ceux qu’on appelle les Conseillers du 22 septembre ont entamé officiellement leur chemin de croix en constituant un Bureau pour diriger les activités de l’institution électorale. Un mois après leur nomination, les neuf Conseillers ont fini par trouver la route de Pétion-Ville où siège l’organisme électoral, et là, ils ont pris possession de leur bureau. Une fois installés sous haute surveillance policière sur la Route de Frère, ils n’ont pas tardé à se mettre au travail sans savoir à quoi cela va servir ; dans la mesure où ces « sages » savent que tous leurs efforts seront vains.

Mais, ils n’ont pas le choix. En acceptant de jouer les fusibles en attendant un vrai CEP acceptable par tous, ces soldats des causes perdues tentent de démontrer qu’ils peuvent servir à quelque chose. Ils doivent montrer au Président de la République qu’ils peuvent assurer le job même si au fond d’eux, ils le savent tous, le temps ne joue pas pour eux. On connaît l’histoire des Mousquetaires qui ont existé au XVIIe et XVIIIe siècles en Europe et en France particulièrement et qui se sont voués corps et âme à défendre les Rois de France au péril de leur vie et de leur bravoure avec la célèbre réplique de d’Artagnan « Un pour tous, tous pour un.» Si dans la réalité les trois plus connus des Mousquetaires de ce Corps militaire, Athos, Portos et Aramis ne furent que de pure fiction sortie tout droit de l’imagination de leur créateur, le célèbre romancier Alexandre Dumas père. Il y eut un quatrième, d’Artagnan qui, lui, était bien réel. C’est grâce à ce second couteau que l’histoire de ces guerriers est venue jusqu’à nous encore aujourd’hui. D’Artagnan était le plus petit de la bande des trois qui était, en fait quatre, alors qu’on parle le plus souvent de Trois Mousquetaires.

les magistrats de la Cour de cassation veulent faire comprendre au Président que sa méthode pour nommer unilatéralement les neuf membres du CEP est inacceptable, voire anti-constitutionnelle.

Pourquoi ce détour vers les Trois Mousquetaires pour atterrir jusqu’au CEP du 22 septembre ? C’est une façon d’illustrer le groupe que constituent les neuf membres du Conseil Electoral Provisoire et surtout les quatre membres formant le Bureau de ce fameux CEP. En effet, l’histoire a déjà prouvé que tout CEP constitué en dehors de tout consensus politique est voué à l’échec. Par conséquent, personne ne se rappelle le nom d’aucun des membres sauf celui de son Président qui joue dans ce cas de figure le rôle de d’Artagnan. Etant le plus courageux, toujours prêt à encaisser les coups et à affronter l’ennemi pour défendre son roi,  d’Artagnan fut devenu, malgré lui, le plus célèbre parmi les Mousquetaires du Roi. Rares sont ceux qui se rappellent ou connaissent les noms de ses trois frères d’arme : Athos, Portos et Aramis. C’est ce rôle qu’entend jouer le nouveau Bureau du CEP avec ce quatuor composé de : Guylaine Mésadieu qui a pris la tête de cette armée de bras cassés en devenant Présidente du CEP. Par ce titre, elle sera la plus connue puisque c’est elle qui sera placée sous les projecteurs jusqu’à la dissolution de ce Conseil mort-né dont la terre entière fait le pari qu’il ne survivra point aux tractations politiques devant aboutir à un CEP de consensus.

Donc, la Conseillère Guylande Mésadieu est la nouvelle d’Artagnan du Corps des Mousquetaires de Jovenel Moïse. Et pour cause. Les trois autres membres du Bureau de ce singulier CEP ne feront que de la figuration dans le casting. Pour aller au combat, Guylande Mésadieu s’est entourée d’une Vice-Présidente, la Conseillère Esperancia César. Dans son rôle, elle sera l’Athos de la bande. Puis, il y a celle qui prend la place de Portos, la Conseillère Josette Massillon qui a la charge du Secrétariat général de l’organisme électoral. Pour finir, on trouve le Conseiller Guy Romélus, l’unique homme du trio, en charge de la Trésorerie de l’institution. Il évolue avec le titre d’Aramis. Avec cette équipe, on aurait pu croire que tout est fin prêt pour contrecarrer toutes les attaques contre le royaume de Nèg Bannann nan. Erreur ! Il y a un bastion seigneurial qui fait la résistance au Roi. Et quelle résistance !

Cet obstacle, même l’intrépide d’Artagnan et ses fidèles compagnons ne semblent en mesure de l’enfoncer à coup de cape et d’épée. Ce bastion est très sollicité et encadré par l’opposition plurielle : la Cour de cassation. Placée sous haute surveillance des leaders de l’opposition, cette haute assemblée semble, elle aussi, prise au piège. Aujourd’hui, même si elle a envie de bouger dans un sens comme dans l’autre, elle est prise en otage. De ce fait, les magistrats de la plus haute instance judiciaire de la République sont incapables de prendre une décision sur l’affaire du CEP du 22 septembre. Rongée en son sein par une guerre intestine et minée par l’ambition et l’appétit de pouvoir de la plupart de ses membres en cas d’un régime de Transition, la Cour de cassation devient totalement impuissante dans un dossier qui n’a rien de politique mais purement juridique. Assez bizarrement, un mois après l’investiture du CEP, on a du mal à comprendre la position des magistrats de la Cour sur ce dossier. Aucune déclaration n’est venue étayer ou clarifier la position de cette institution qui est justement appelée à donner le dernier verdict.

Au moment où nous écrivons cette Tribune, personne ni le pouvoir ni l’opposition n’est en mesure de dire clairement connaître la position de la Cour de cassation. Son Président, Me René Sylvestre, demeure muet comme une carpe sur le sujet. Aucune communication ni note de presse ou communiqué de la part de l’institution. Or, cette position des juges de la Cour de cassation a une importance capitale pour les deux parties en conflit à savoir : le chef de l’Etat, Jovenel Moïse, qui attend pour savoir s’il doit changer de Mousquetaires et l’opposition à travers ses responsables, surtout ceux ayant fait pression sur la Cour afin de savoir s’ils ont gagné définitivement la partie sur le pouvoir. Le statu quo imposé par les membres de la Cour de cassation est intolérable et inadmissible dans la mesure où il s’agit d’une décision institutionnelle si l’on reste dans l’esprit de la Constitution et le rôle de chacun des Pouvoirs au bon fonctionnement et à l’indépendance de chacune des institutions.

Certes, tout le monde a compris que les magistrats de la Cour de cassation veulent faire comprendre au Président de la République que sa méthode pour nommer unilatéralement les neuf membres du Conseil Electoral Provisoire est inacceptable, voire anticonstitutionnelle. Mais, entre marquer sa réprobation ou son désaccord par une note écrite et officielle et garder un silence de cardinal dans un dossier public qui concerne la vie de la nation, il y a une fort grande différence. Le sérieux et le sens de responsabilité qui doivent en toute circonstance guider les Sages de la Cour de cassation les obligent non pas à être neutres dans leur fonction mais à dire publiquement le mot du droit afin d’anticiper tout malentendu auprès de la population. Entretemps, pendant que la guerre des clans fait rage à l’intérieur des membres de la Cour de cassation, les neuf membres du CEP posent leurs premières pierres et projettent leurs actions dans l’inconnu face à l’indécision de la Cour.

Outre le Bureau institué le vendredi 9 octobre 2020, selon le communiqué de la Direction exécutive du CEP portant la signature de Max Délices, son Directeur, tous les autres Conseillers électoraux : Marie Rosemène Joseph Pierre, Patrick Numas, Nadia Jules Amédée, Antonio Détil et Louis Arlex Noël sont au travail et, paraît-il, ils travaillent normalement. Tous ces bons petits soldats affirment la volonté du collège électoral de s’acquitter de sa tâche avec impartialité et honnêteté. Des mots que les responsables de l’opposition prennent pour de véritables provocations à leur endroit puisque, non seulement ils ne donnent par cher de la peau de ces Conseillers électoraux, mais surtout les scrutins dont ils font écho ne sont même pas inscrits dans leur agenda tant que le Président Jovenel Moïse continue d’avoir ses appartements dans une aile du Palais national. D’ailleurs, les formations politiques qui s’opposent à l’organisation des élections avec ce CEP dit du 22 septembre se sentent  renforcées dans leur position quand elles constatent avec délectation que même l’ONI (Office National d’Identification) a le plus grand mal à atteindre ses objectifs. Cet organisme public chargé de délivrer les Cartes d’Identification Nationale Unique (CINU) qui sont à la fois Carte électorale et Carte d’identité n’arrive vraiment pas à satisfaire les demandeurs.

Tous les jours, les Centres de l’ONI débordent d’affluence surtout avec le délai qu’avait imposé le gouvernement à la population pour retirer la fameuse carte que l’opposition a baptisé : Carte Dermalog, le nom de l’entreprise allemande qui l’a mise au point. La date limite pour se la procurer était fixée par les autorités au 16 octobre 2020. En effet, selon le décret présidentiel instituant la carte unique : « A partir du 16 octobre 2020, toute personne surprise sans Carte d’identification nationale émise conformément aux dispositions du présent décret ou sans passeport en cours de validité est passible d’une amende équivalant à cinq pour cent de son revenu mensuel ou du salaire minimum mensuel pour les personnes sans emploi, sur procès-verbal dressé par un officier de police, prononcée séance tenante et toutes affaires cessantes par le tribunal compétent. »

À la parution de cette Tribune (mercredi 21/10/20), personne ne sait où en était le gouvernement avec ce décret. La seule chose dont on est sûr, sur les neuf millions d’Haïtiens estimés en âge de voter aujourd’hui, seuls un million et demi sont en possession de leur Carte électorale et plus de sept millions de citoyens, à part l’ancienne carte, n’ont rien d’autre pour accéder dans un bureau de vote ; et si l’on tient compte de ce décret, ils seraient tous en situation irrégulière. Alors, la nouvelle Présidente du CEP du 22 septembre, madame Guylaine Mésadieu, et son équipe auront tout le temps pour servir de bouclier au Président Jovenel Moïse avant de disparaître dans la nature comme leurs prédécesseurs qui n’ont laissé aucune trace inaltérable dans l’histoire de cette institution dont le pays attend toujours qu’elle fasse preuve de son utilité en matière de joutes électorales.

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