Le samedi 13 juillet, le président d’un «pays» presque totalement méconnu des nations du monde a rendu visite à un autre président, presque totalement méconnu de son peuple.
Le président taïwanais, Tsai Ing-wen, a effectué un court arrêt de quatre heures en Haïti, au cours duquel il n’a rencontré que pendant 20 minutes le président haïtien assiégé, Jovenel Moïse. «Taiwan est un ami fidèle et un partenaire fidèle pour Haïti. Nous accompagnerons Haïti sur la voie du développement», a déclaré Tsai, qui a visité le Palais national et le Musée du Panthéon national (MUPANAH), ainsi qu’une infortunée foire commerciale Taiwanaise organisé epar le ministère des Affaires étrangères de Taïwan et le Conseil de développement du commerce extérieur de Taiwan (TAITRA) à Port-au-Prince.
Mais ses propos étaient presque aussi superficiels et inefficaces que l’aide éventuelle à fournir par Taiwan: un prêt de 150 millions de dollars seulement pour un projet d’électrification destiné à la construction de micro-réseaux régionaux et de sous-stations neuves et rénovées.
«Il existe un projet de distribution d’électricité dans 51 villes et dans la région métropolitaine. Je parle de la construction d’un réseau pour la région métropolitaine, de Bois-Neuf à Léogane», a déclaré le président doublement inculpé Jovenel Moïse.
Cependant, le projet n’aboutira pas. Le Parlement haïtien ne l’a pas encore approuvé. De nombreux législateurs haïtiens ont les yeux sur les développements fantastiques qui se déroulent à proximité en République dominicaine qui a abandonné la République de Chine (comme Taiwan s’appelle elle-même) pour établir des relations diplomatiques et économiques avec la Chine en mai 2018. Depuis lors, la Chine a offert à la République dominicaine 3 milliards de dollars de prêts et d’intégration dans son initiative mondiale «One Belt, One Road», qui prévoit le développement d’infrastructures et des investissements dans 152 pays et organisations internationales en Asie, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et dans les Amériques.
Dans le même temps, la Chine a offert à Haïti 4,7 milliards de dollars pour réhabiliter complètement l’infrastructure enchevêtrée et en ruine de la capitale, Port-au-Prince.
Haïti est l’un des 16 pays (sur 195, 17 si l’on compte le Saint-Siège du Vatican) qui reconnaît la République de Chine au lieu de la Chine proprement dite. Taiwan est une province insulaire de la Chine qui s’est détachée lorsque le dictateur Chiang Kai-shek s’y est réfugié après la révolution chinoise de 1949. Depuis lors, Taiwan est un État-client virtuel et un protectorat des États-Unis. La subversion par Washington de la détermination de la Chine à réintégrer Taïwan pourrait devenir l’une des étincelles qui déclencherait la Troisième Guerre mondiale.
En mai 2018, Jovenel Moïse a dirigé une délégation de 30 personnes pour une visite d’une semaine à Taiwan. Il est revenu les mains presque vides. Taiwan maintient son emprise par le biais de petits projets de corruption stratégiques plutôt que par de grands projets.
La visite de Tsai en Haïti a été extrêmement brève, probablement parce que la sécurité dans la capitale est très mauvaise et que le président Moïse est politiquement tellement toxique. Presque chaque semaine, de grandes manifestations secouent Port-au-Prince et d’autres villes pour exiger sa démission. Même ses anciens alliés politiques, symbolisés par le sénateur Youri Latortue, l’abandonnent pour rejoindre l’opposition.
Contrairement à sa visite de quatre heures en Haïti (11 millions d’habitants), Tsai a ensuite effectué une visite de quatre jours à Saint-Kitts-et-Nevis (environ 56 000 habitants), une autre des rares micro-nations reconnaissant diplomatiquement Taiwan.
Bien que Washington reconnaisse la Chine depuis 1971, l’administration de Trump a considérablement accru sa cour et son aide à Taiwan considéré comme un doigt dans l’œil de la Chine, au sens figuré du terme. Le dernier voyage de Tsai a été particulièrement provocateur. « Le gouvernement américain a laissé les dirigeants taïwanais s’arrêter [sur le sol américain] depuis les années 1990 … deux ou trois fois par an, alors qu’ils allaient visiter des alliés diplomatiques officiels en Amérique latine ou ailleurs », a expliqué Ralph Jennings de Los Angeles Times. «Mais les lieux, les calendriers et les activités autorisés en ce qui concerne ces atterrissages ont été un baromètre des relations américano-taïwanaises et de la façon dont les deux parties considèrent la Chine à un moment donné. Soucieux de tisser des liens économiques avec la Chine, les présidents Clinton, George W. Bush et Obama limitaient souvent les escales à des sites distants tels qu’Anchorage ou Guam, parfois pendant des heures plutôt que des jours. »
Mais ces jours-ci, alors que la guerre commerciale fait rage et que les hostilités se multiplient, «le gouvernement américain n’essaie pas de cacher de telles visites. Le jeudi [11 Juil. 11], le président de Taiwan, Tsai Ing-wen, est arrivé à New York pour deux jours. Plus tard ce mois-ci, elle doit passer par Denver pendant deux jours supplémentaires », a écrit Jennings.
Ajoutons à cela que Washington vend cette année pour 2,2 milliards de dollars d’armes de pointe à Taiwan, dont 108 chars General Dynamics Corp M1A2T Abrams et 250 missiles Stinger. C’est comme si la Chine vendait au Texas de grandes quantités d’armes si elle devait faire sécession du reste des États-Unis.
Ainsi, alors que “Washington reste le plus puissant allié officieux [de Taiwan] et le plus gros fournisseur d’armes”, écrit l’Agence France Presse, il a également “fait pression sur Haïti pour qu’elle maintienne ses relations avec Taipei”, la capitale taïwanaise.
Cependant, Tsai, avec sa délégation comprenant trois membres du parlement, le président de l’association du secteur privé et des entrepreneurs taïwanais, a apparemment jugé prudent de visiter Haïti le plus brièvement possible.
Plutôt que de renforcer Jovenel Moïse, sa visite éclair n’a peut-être que contribué à mettre en lumière la faiblesse croissante de Moïse, sa fragilité et son impopularité.
Traduit de l’anglais par FL