Les tranchées de l’accouchement

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Le marxisme à l’haïtienne, ou le marxisme haïtien, est passé à côté des phénomènes sociaux réels.

Aveuglés par leurs préjugés de classe bourgeois ou petit-bourgeois, la plupart des marxistes Haïtiens (qui n’ont jamais lu Marx) n’ont rien compris au développement du sous-développement dans notre pays du 22 septembre 1957 à nos jours, si ce n’est de 1799 (guerre du Sud) à la période actuelle.

Ils ont vu le peuple dans les livres, sans le considérer dans les faits. Prisonniers de leurs schémas préétablis, ils n’ont jamais su faire l’analyse concrète de chaque situation concrète, dont Lénine, pour ne citer que lui, disait qu’elle est l’essentiel, l’âme vivante du marxisme. Quant à l’analyse dialectique des contradictions réelles/actuelles, seuls Jean Luc, Benoit Brennus Joachim, et deux ou trois autres, l’ont tentée. En gros, l’on peut dire que le marxisme Haïtien est passé à côté des phénomènes sociaux réels.

Faute d’avoir lu, médité et appliqué la méthode de Marx. Qui n’est, en fin de compte, que la bonne vieille méthode scientifique, revue, corrigée et perfectionnée par les grands penseurs et praticiens de la rupture révolutionnaire.

La Révolution n’est jamais un diner de gala. Elle est un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre

Le marxisme à l’haïtienne, ou le marxisme haïtien, n’a jamais compris dans les faits la dialectique, tout en récitant par cœur le Petit Politzer ou quelqu’autre – le plus souvent bon – manuel de marxisme. Il le doit, à mon sens, aux préjugés petit-bourgeois ou oligarchiques, aux préjugés des classes dont ses militants (toujours courageux, quelquefois héroïques) sont issus. Il n’a jamais pu penser par-delà sa base de classe.

Il n’a jamais pu trahir sa classe.

Il est vrai que ce n’est pas facile : cela veut dire aussi, presque toujours, rompre avec sa famille, ses amis même d’enfance. Faire la rupture avec ses réseaux essentiels de fonctionnement quotidien. Nul n’a le droit de demander aux autres d’être héroïques. C’est pourtant ce qu’ont fait tous ceux qui ont voulu, et parfois pu, changer le monde. Changer la vie. Porter sur les fonts baptismaux le bébé tout neuf, mais né du ventre de l’ancien.

Les bandes armées sont le contraire dialectique de l’oppresseur oligarque et impérial. L’oppression et l’exploitation (Thèse) provoquent la révolte et déchaînent la violence des plus pauvres d’entre les pauvres, des jeunes qui n’ont rien et ont perdu l’espoir même d’une vie meilleure (Antithèse). De cette violence à outrance peut, si les conditions sont favorables, et il faut travailler à les rendre favorables, naître une Haïti Nouvelle (Synthèse).

L’extrême violence de ces jeunes désespérés n’est que le produit final de la violence néocoloniale

L’extrême violence de ces jeunes désespérés n’est que le produit final de la violence néocoloniale que subit notre pays depuis l’Ordonnance criminelle que signa pour notre malheur Jean-Pierre Boyer, dont tout le monde, à l’époque, savait qu’il ne comprenait rien à rien, et n’était parvenu au pouvoir qu’en passant par le lit de l’aventurière Joute Lachenais, compagne fort mal choisie d’Alexandre Sabès, dit Pétion. La violence Kreyòl des bidonvillois est le contraire dialectique de la violence Zuzu des oligarques déteints des hauteurs. Là encore, nous voyons la dialectique des faits, et non plus des manuels, à l’œuvre.

D’ailleurs, les bandes sont le mode d’organisation politico-militaire traditionnel de notre peuple. Et elles ne sont jamais tendres : Je rappellerai que lors de l’Insurrection Générale des Esclaves du Nord, à partir du 22 Aout 1791, les bandes de Jeannot marchaient avec en tête, pour drapeau, un enfant blanc empalé au bout d’une pique. Horrible ? Certes. Mais traiter des femmes, des enfants, des hommes, comme du bétail, pendant trois interminables siècles, les acheter, les vendre pour les racheter et les revendre comme des bœufs, des ânes ou des chiens, n’était-ce pas encore plus abominable ? Et pour parler en termes actuels, condamner tout un peuple à une misère infrahumaine, pour se prélasser au bord des piscines, alors que les pauvres ont soif, en plus de mourir de faim, n’est-ce pas l’essence même du crime ?

Que les désespérés, dans leur désespoir, recourent à des extrêmes de brutalité, de violence, de torture même, cela veut dire simplement qu’ils rendent à leurs oppresseurs, à leurs exploiteurs, à leurs tourmenteurs, la monnaie de deux cents ans de meurtres, de vols, de viols , d’ignominie, d’abomination, sous le drapeau d’une République qui n’a jamais existé que pour les riches et les puissants, qui, par un développement historique particulier datant de la Colonie Française de Saint-Domingue, ce Camp de la Mort avant la lettre, ont en général la peau claire dans notre pays Noir.

le travail de Jimmy Cherizier (Babekyou) et d’autres montre la voie à suivre.

Ceux qui n’ont rien d’autre à dire que des sottises, comme le soulignait Gerald Brisson, prétendront certainement que j’excuse le vol, le viol, le meurtre, la torture, le kidnapping, j’en passe et bien des pires. Je n’aurai nul besoin de polémiquer contre eux (ou contre elles). J’essaie simplement d’expliquer, avec mes faibles moyens, qui se résument à un ordinateur, un programme de traitement de texte, une connexion Internet, et le fruit de toute une vie passée à étudier, encore étudier, toujours étudier (Vladimir Ilyitch Oulianov) un développement social réel, actuel.

La Révolution n’est jamais un diner de gala. Elle est un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre. Et la violence n’est jamais belle. Elle est « Koupe Tèt, Boule Kay ! » Mais elle est nécessaire, car elle est Justice. Une justice sévère, cruelle, mais LA JUSTICE.

Relire, ou lire, Mao Zedong et Malcolm X sur la définition de la révolution. Comparer le concept de Révolution Permanente de Liev Davidovitch Bronstein (Trotskiy) a celui de Révolution Ininterrompue et par Etapes de Mao. En finir avec la mise à l’index de Rosa Luxembourg et de tant d’autres grands combattants, dont les héroïques blanquistes de la Commune, Auguste Blanqui lui-même et Louise Michel. Sans parler de Mikhail Bakounine et du Prince Piotr Kropotkine, et de tous les autres…

Karl Marx

Placer l’admirable Commissaire de la République Léger-Félicité Sonthonax, le Blanc qui donna trente mille fusils aux Noirs esclaves, au Panthéon des Pères Fondateurs de la Nanchon Haïtienne, avec Toussaint Breda, Dessalines, Pétion et Christophe. Il y est déjà dans les faits, et nul raciste ne l’en chassera. Et comprendre enfin que les luttes de pouvoir entre grands dirigeants (et aussi entre moins grands…) sont le pain quotidien de la politique. Nous avons tué Dessalines. Et alors ? Staline a bien tué Trotsky, le bras droit de Lénine. Et Bonaparte a bien expédié les soldats de l’An II, qui avaient porté la Liberté dans toute l’Europe au bout de leurs baïonnettes, rétablir l’esclavage chez nous, ce qui est en soi une abomination, pour faire place nette en France, dans sa résistible montée au pouvoir, et de général révolutionnaire, accéder au statut d’Empereur porte-drapeau de la réaction royaliste et coloniale et de la remise à l’état de bêtes de somme de nos Ancêtres.

Expliquer et comprendre. Lespri-koridò, le sectarisme, conduit à l’ignorance, et l’ignorance à la défaite. Nous combattre les uns les autres pour mourir ensemble : idiot.

En établissant le macoutisme pour asseoir et garder son pouvoir, François Duvalier a dû restaurer dans une large mesure les pouvoirs locaux des élites provinciales, jusque-là étouffées par le monopole américano-mulâtre port-au-princien. Dans le cadre de la pire dictature qui nous soit tombée dessus depuis sans doute Soulouque et ses Zenglen, il a sans le vouloir lancé le réveil des provinces et une dé-mulatrisation, une dé-monopolisation du pouvoir, ainsi qu’un large renouvellement du personnel politique et administratif. Les pouvoirs locaux et régionaux actuels des chefs de bande, qui quoiqu’on puisse faire ou dire remplissent des fonctions essentielles dont n’est plus capable le pouvoir mulâtre port-au-princien du fait de sa presque totale déliquescence, ainsi que l’essor des multiples réseaux plus ou moins illégaux de « biznis » à l’haïtienne, montrent a qui a des yeux pour voir ce que peut et sait faire notre peuple Noir et Kreyòl : gouverner comme il l’entend son pays, notre pays.

Il serait stupide de noyer le bébé dans l’eau de son bain. Massacrer les bandes est une « solution » anti-haïtienne, pro-oligarchique et pro-impérialiste. Il faut certes rétablir les conditions d’une vie normale pour toute notre population, mais il faut le faire en gardant le positif, et en éliminant seulement le négatif. En ce sens, le travail de Jimmy Cherizier (Babekyou) et d’autres montre la voie à suivre. Ce que devraient comprendre le Commissaire Muscadin et les autres bons policiers qui nous restent. Pour le salut de la Patrie.

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