De l’utilité d’une meilleure planification dans la ville du Cap-Haitien

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L’entrée de la ville du Cap-Haitien

La ville est une entité géographique par opposition à la campagne. Pour parler de ville il faut un facteur de paysage (densification des habitats), un facteur économique (pas de primauté des activités primaires), puis une densification de la population qui varie selon le pays. Au Japon il faut 50 000 personnes mais en Haïti il en faut 2000 (BERNADIN, 1999). Dans le pays, les villes n’arrivent pas à assurer leurs fonctions (habiter, travailler, circuler et se recréer) tel est le cas pour Cap-Haitien. Cette ville qui fut créée en 1670 demeura la plus belle d’Haïti et la plus fastueuse des Antilles durant tout le XIXe siècle (GARRIGUE, 2010).

En 2015, le Cap-Haitien comptait 274 000 habitants mais aujourd’hui elle enregistre plus de 500 000.

Aujourd’hui on constate une décadence de celle-ci, caractérisée par des problèmes comme une organisation spatiale déséquilibrée, une mauvaise gestion des déchets et un problème de transport. Mais on ne saurait comprendre ces problèmes sans livrer un regard sur l’évolution de sa démographie car c’est le premier facteur qui engendre dégradation de la ville.

La croissance démographique

En 2015. le Cap-Haitien comptait 274 000 habitants (IHSI, 2015) mais aujourd’hui elle enregistre plus de 500 mille. La ville totalise le meilleur score de population dans le département. Cela s’explique par un long processus. En 1915, avec l’occupation américaine, plus de 30 mille hectares de terre ont été accaparés dans le pays pour cultiver des produits répondant aux besoins des USA (PEAN, 2015). Après 1918, pour tuer les résistances paysannes, les impérialistes ont planifié la migration des ruraux vers des pays étrangers et les grandes villes du pays. Après cela, chaque grand événement a contribué à la migration vers la ville. La chute de Duvalier (1986), l’exil (1991) et le retour d’Aristide (1994), la nouvelle chute d’Aristide (2004). Puis il y a l’offre de l’éducation, l’offre d’une accessibilité au soin de santé primaire assez satisfaisante (ONU-HABITAT, 2012), les services sociaux et le développement d’une qualité de vie supérieure aux zones rurales qui attirent beaucoup. Au final il y a la croissance naturelle qui joue aussi son rôle car il ne faut pas oublier qu’une femme haïtienne fait en moyenne 5 enfants.

Cap Haïtien

Organisation spatiale de la ville

Il y a le centre-ville qui est utilisé à des fins: résidentielle, commerciale et culturelle puis les zones périphériques qui sont surtout utilisées à des fins résidentielles et un peu commerciale. Tous les centres de service et les grandes activités économiques se trouvent dans le centre-ville sauf pour l’aéroport qui se trouve à Petit-Anse. Du point de vue architectural, on peut parler d’une ville planifiée (centre-ville) et d’une ville délabrée (zones périphériques). La grande majorité des quartiers se trouvant dans les zones périphériques ne répondent pas aux normes d’un plan d’urbanisme planifié car la croissance démographique n’avait pas été suivie d’un plan d’aménagement de la ville.

La grande majorité des quartiers se trouvant dans les zones périphériques ne répondent pas aux normes d’un plan d’urbanisme planifié

Ce sont pour la plupart des bidonvilles qui se trouvent à des centaines de mètres d’altitude au sommet du morne Jean qui borne la ville à l’ouest ou au bord de la rivière du Haut du Cap ou encore au bord de la mer qui borne la ville au nord. Cette situation provoque le déboisement, l’érosion, la pollution, etc… La plupart de ces zones ne jouissent pas des services de base (assainissement, électricité, etc…)et environ 65% des familles vivent un salaire inférieur à deux mille gourdes par mois (GUARIGUE, 2010).

Gestion des déchets dans la ville

Actuellement Cap-Haitien s’écroule sous le poids des déchets. Partout où l’on passe des montagnes de détritus sont exposées. Les deux plus grands centres de production de déchets à travers la ville sont les deux marchés principaux de la ville. Les canaux et les égouts sont parmi les grandes victimes de ce fléau. Dans les zones périphériques les fatras sont surtout jetés dans la rivière du haut du cap et à Fort Saint-Michel. Parfois cela est fait dans le but de créer des polders pour la construction. Cette mauvaise organisation empêche la bonne circulation des eaux de ruissellement voilà pourquoi la ville ne peut pas supporter deux heures de forte pluie. Dans ce contexte il y a un risque permanant d’inondation à chaque période de pluie. Or selon les professeures Barrette et Daleau (2012) citées dans un article du professeur Louis-Marc Pierre, un risque naturel, comme une inondation, peut facilement engendrer un risque sanitaire qui, à son tour, peut conduire à un risque politique et social.

Cap Haïtien

Problème de transport

Parlant de transport on voit déplacement, circulation. Ces concepts sont au centre de notre actuelle société, d’ailleurs circuler est l’une des fonctions d’une ville, mais pour se déplacer, des conditions économiques, des conditions sociales et un réseau de transport bien planifié doivent être prises en considération. A Cap-Haitien le réseau de transport n’est pas planifié et les infrastructures routières sont dans de piteux états. La politique des autorités locales ne répond pas aux besoins de la population. La méthode de tâtonnement qu’ils emploient, prouve que les maires n’ont aucune stratégie en ce qui concerne ce domaine. Au lieu de penser le transport et réfléchir sur les réels problèmes du blocus, ils ont décidé d’empêcher la circulation des tap-taps dans le centre-ville, espérant que cette décision abracadabrante allait anéantir le blocus.

La décision d’arrêter les tap-taps à la rue zéro et à la rue 5a été prise sans considérer :

1) Le centre économique de la ville qui s’étend de la rue 0 à la rue 12. La population doit maintenant parcourir des centaines de mètres pour acheter ou vendre leurs produits sinon il faut avoir la possibilité pour un taxi (moto ou voiture) ce qui va au moins quintupler la dépense.

il faut prendre des mesures contre les défilés de funérailles,  le stationnement des voitures au bord de la route, le ramassage des déchets aux heures de pointe

2) Le centre éducatif et culturel de la ville qui commence à partir de la rue 14 se trouve très loin de la rue 0. Lorsque cela doit s’étendre jusqu’à la pointe du boulevard cela peut dépasser 2 km Cette distance fatiguera les élèves et étudiants avant même d’arriver en salle, en plus elle découragera beaucoup de personnes à prendre part aux activités culturelles car la distance dissuade les gens.

3) Le principe d’équité n’est pas non plus considéré car la décision n’a pas tenu compte de la réalité des personnes à mobilité réduite comme les handicapés, les vieillards, etc…

Quelques recommandations

Les problèmes confrontés actuellement dans la ville sont la résultante de la dynamique socio-politique et économique de plusieurs décennies. Pour  redresser  la situation urgente qui se fait sentir il faut:

-Développer un programme de développement national où les services et les activités économiques seront présents dans toutes les villes du pays.

-Créer des activités génératrices de revenue dans les zones rurales pour encourager les gens à y rester et y retourner.

-Créer des dépotoirs loin des routes nationales

-Rendre les déchets rentables avec l’innovation entrepreneuriale en Haïti

-En ce qui concerne les constructions et le transport il faut prendre des mesures contre les défilés de funérailles,  le stationnement des voitures au bord de la route, le ramassage des déchets aux heures de pointe mais la solution la plus efficace pour la ville serait une rénovation-démolition de certaines zones afin de construire d’autres formes de logements et des routes modernes.

Roll Emile Ludwill, étudiant en Aménagement du territoire

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