Yanick Rigaud: militante révolutionnaire et martyre

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(Gauche â droite) Thomas Charles, arrêté mai 1968 et fusillé près de Cabaret le 14 avril 1969. Yanick Rigaud et Michel Corvington, victimes eux aussi.

Il y a 51 ans Yanick Rigaud tombait au champ d’honneur, les armes à la main, criblée de balles par les forces militaro-macoutes de la répression duvaliériste.

La féroce dictature de François Duvalier a suscité bien des résistances dont certaines pacifiques, d’autres qui ont été soit des tentatives armées de lutte, soit des foyers de préparation à une lutte armée. Il va sans dire que la clandestinité, à un moment ou à un autre, était un élément important dans plusieurs sinon dans tous ces mouvements de résistance à la tyrannie. L’histoire de ces luttes, de leurs héros et héroïnes, de leurs martyrs nous est parvenue soit de façon bien documentée, soit de façon plutôt sommaire.

A nous autres, les chanceux survivants et rescapés de l’atroce nuit duvaliériste, le devoir de ne pas laisser leur nom, leur courage, leur détermination, leur dignité, leur patriotisme, leur sens de sacrifice, leur idéal sombrer dans l’oubli. Nous alimentons l’espoir qu’un jour, hommage national leur sera rendu et qu’un grand mur du souvenir sera érigé par les soins d’un État et d’une société civile vraiment responsables, nimbés de patriotisme, pour honorer leur mémoire. Un mur de solidarité, de reconnaissance envers ceux et celles morts, debout dans leurs sandales d’héroïsme, sur le champ d’honneur, dans leur courageuse tentative de mettre un terme à l’horreur d’un régime honni dirigé par un satrape fou.

Yanick Rigaud, militante communiste et martyre tombée au champ d’honneur, abattue par la répression duvaliériste.

Pendant longtemps, nos sociétés ont refusé aux femmes leurs pleins droits: à la parole, à l’exercice de leurs devoirs civiques, à leur participation effective à la vie publique, particulièrement à la vie politique. Mais leur longue lutte soutenue par une minorité d’hommes progressistes a fini par porter fruit, pour s’être articulée autour d’une détermination à «s’impliquer et à participer qualitativement et quantitativement aux affaires du pays et aux instances décisionnelles». Quelques-unes de ces femmes sont même allées au-delà de ces seules revendications, en s’engageant à se battre les armes à la main, non seulement pour sortir de leur condition de femmes opprimées mais pour l’amorce d’un autre monde possible, d’une vraie démocratie participative, sinon révolutionnaire. C’est dans cet esprit que Yanick Rigaud s’est engagée dans la résistance armée pour faire face à la violence duvaliéro-macoute.

Les données d’archives dont nous disposons sont plutôt maigres.

Déjà, alors qu’elle était encore à l’école des religieuses du Sacré Coeur, à Port-au-Prince, Yanick Rigaud participait à des séances d’alphabétisation dans la zone dite du Bois de Chêne, un quartier de gens de petite condition. Entre 1962 et 1964, elle a milité dans une organisation de jeunes catholiques progressistes dénommée Ayiti Pwogrè qui luttait contre la dictature, selon la source consultée. Au cours de l’année 1965, elle a cotoyé le PPLN – PUDA (Parti populaire de la libération nationale – Parti unifié des démocrates haïtiens). Ce parti s’était formé à la suite d’un incident survenu à Pétion Ville pendant un entraînement des militants du PPLN. Apparemment, ce serait les rescapés du PPLN avec quelques militants de Ayiti Pwogrè qui l’auraient formé. Le PPLN, un parti communiste qui luttait contre la dictature de Duvalier, contre l’impérialisme américain, contre le régime semi-féodal.

Yanick Rigaud fut une étudiante à la Faculté de Médecine d’Haïti. Devenue une militante très dynamique, engagée, elle se vit forcée à une totale clandestinité après l’arrestation de son camarade, Michel Corvington. Le 2 mai 1969, dans le cadre d’une grande répression menée par le régime contre le Parti unifié des communistes haitiens (PUCH), une horde de macoutes et de militaires investirent la maison où elle se cachait à Savane Salée, dans le quartier de Fontamara. Yanick a resisté du mieux qu’elle pouvait. Finalement, elle est tombée les armes à la main. Elle avait 22ans.

Honneur et gloire à la mémoire de Yanick Rigaud pour son grand courage, son total engagement en faveur de la liberté. Elle rejoint le panthéon d’honneur des femmes haïtiennes qui se sont battues pour une grande cause. Nous ne les oublierons pas. Notre mémoire se souvient de Yanick Rigaud, patriote engagée, militante exemplaire, martyre de la cause révolutionnaire haïtienne.

Repose en paix, Yanick. Nous ne t’oublierons pas.

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