Vous souvenez-vous du Groupe des 184 qui a contribué au renversement d’Aristide?

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André Apaid a été à l’origine du Groupe des 184

En février 2004, Jean Bertrand Aristide est contraint de démissionner de sa fonction de président de la République. Le groupe des 184, organisation de la société civile a le mérite d’avoir grandement contribué à ce départ anticipé

21 mai 2000. René Préval, alors président de la République, organise des élections législatives. Les résultats de ces joutes électorales sont contestés par toute l’opposition qui dénonce des fraudes massives. Elle accuse René Préval et Jean Bertrand Aristide d’avoir volé les élections, en faveur du parti politique Fanmi Lavalas. Sept sénateurs, proches de Jean Bertrand Aristide sont accusés d’illégitimité. C’est le début d’une crise dans le pays.

La situation s’envenime encore plus quand le 28 novembre 2000, Jean Bertrand Aristide est élu président de la République. L’opposition, qui a boycotté ces élections, ne reconnaît pas l’autorité du nouveau président.

La plupart des partis qui s’opposent au pouvoir se regroupent au sein d’une nouvelle entité, la Convergence démocratique. Le 6 février 2001, Gérard Gourgue est nommé président provisoire de la République par cette nouvelle structure. Son mandat est de deux ans. Cette nomination symbolique n’aura aucune conséquence légale. Le 7 février 2001, Jean Bertrand Aristide est investi en tant que président de la République, au Parlement.

C’est dans ce contexte que naît le Groupe des 184, une organisation de 184 institutions et personnalités diverses, coordonnée par l’industriel André Apaid.

Dans un premier temps, selon André Apaid, il s’agissait de faire la médiation entre le pouvoir et l’opposition, à travers une Initiative de la société civile. Mais très vite, l’objectif change. Le Groupe des 184 rejoint l’opposition, la Convergence démocratique, dans la même lutte : renverser Jean Bertrand Aristide.

L’une des plus persistantes explique que l’homme d’affaires était un opposant farouche à Jean Bertrand Aristide parce que ce dernier voulait augmenter le salaire minimum.

Qui étaient les membres du Groupe des 184 ? André Apaid a été à l’origine du Groupe des 184. Cet industriel haïtien d’origine syrienne possède de nombreuses factories dans le pays. Les rumeurs sur les raisons pour lesquelles il aurait créé le Groupe des 184 sont nombreuses. L’une des plus persistantes explique que l’homme d’affaires était un opposant farouche à Jean Bertrand Aristide parce que ce dernier voulait augmenter le salaire minimum.

Quoi qu’il en soit, plusieurs autres personnalités de renom, et des organisations de « 13 secteurs vitaux de la société haïtienne » ont rejoint le groupe. 17 intellectuels, écrivains et artistes, dont Raoul Peck, Franketienne, Yanick Lahens, Laennec Hurbon ou encore Michel Soukar ont fait partie du mouvement. 16 organisations du secteur privé, parmi lesquelles l’Association des industries d’Haïti, de riches patrons comme Charles Henri Baker ou Reginald Boulos étaient partie prenante. De nombreuses associations paysannes, des journalistes, des étudiants, etc. complétaient la liste. Tous, ils voulaient le départ du chef de l’État, Jean Bertrand Aristide.

Le groupe des 184 et la chute d’Aristide

La chute de Jean Bertrand Aristide en 2004 est le résultat de la mobilisation permanente orchestrée par le Groupe des 184 et la convergence démocratique. Cette chute a aussi été précipitée par l’entrée des troupes paramilitaires de Guy Philippe et Jodel Chamblain dans le pays.

D’autres facteurs occasionnels comme la déclaration d’indépendance de l’Artibonite sont aussi importants. Buttey Métayer, ancien homme de main du régime Lavalas, devenu opposant est nommé président.

De gauche à droite André Apaid, Evens Paul(Kplim) et Paul Denis

Le groupe a joué un rôle primordial dans la chute du président Jean Bertrand Aristide. Cette implication a valu à plusieurs de ses membres d’être victimes de violence, ou d’abus.

Charles Henri Baker et David Apaid, neveu de André Apaid, ont ainsi été arrêtés lors d’un rassemblement, pour détention illégale d’armes à feu. Après 17 jours passés au pénitencier national, ils seront finalement libérés. Pour obtenir cette libération, en plus des démarches légales, les sympathisants du groupe ont occupé les locaux de la mission de l’OEA, qui avait pour mission de concilier pouvoir et opposants.

Les affrontements entre partisans du pouvoir et partisans de l’opposition, notamment du Groupe des 184, seront légion. Le 12 juillet 2003, à Cité Soleil, un rassemblement pour présenter un projet de contrat social se solde par une quarantaine de blessés. Des individus favorables au pouvoir ont jeté des pierres sur le rassemblement.

Rejet de l’international

Le Groupe des 184 a toujours rejeté la médiation de l’International à travers l’OEA et la Caricom. Cette position intransigeante a sans doute contribué à mettre la pression sur l’administration en place.

Des gnbistes au service de Apaid et de Baker

Selon André Apaid, il s’est entretenu plusieurs fois avec Jean Bertrand Aristide. Mais le président faisait toujours le contraire de ce qui avait été convenu lors de ces réunions. Le dialogue n’était plus une solution.

En février 2004, Guy Philippe et ses hommes, formés en République Dominicaine, envahissent certaines villes de province. Trois grandes forces sont alors à l’œuvre pour renverser Jean Bertrand Aristide. Les paramilitaires, la convergence démocratique et le Groupe des 184. Si officiellement, le coordonnateur du groupe dit ne pas avoir financé les « rebelles », Guy Philippe fera par la suite des déclarations contraires, selon lesquelles l’opposition l’avait financé. Quoi qu’il en soit, le 29 février 2004, Jean Bertrand Aristide quitte le pouvoir ; l’opposition triomphe.

Le nouveau contrat social

Le dimanche 13 novembre 2005, sur la place du drapeau, à l’Arcahaie, le Groupe des 184 présente son document phare, le Nouveau Contrat social. Ce texte de 12 pages, rédigé en grande partie par Michel Hector et Laënnec Hurbon, est un ensemble de propositions. Ces propositions visent entre autres à « bâtir un nouvel État », « développer le pays », « combattre la discrimination et l’exclusion ».

Devant des invités prestigieux comme le Premier ministre Gérard Latortue, des membres du Groupe des 184 lisent des extraits du contrat. Celui-ci qui se donne comme objectif de changer certaines pratiques des citoyens et d’exiger que l’État prenne ses responsabilités.

Réginald Boulos

Pour rédiger le contrat, le Groupe des 184 a organisé pendant des mois des tournées dans le pays et à l’étranger, appelées Caravane de l’Espoir. Les membres organisaient des échanges et des débats. Le contrat était une forme de synthèse de toutes les propositions recueillies lors de ces tournées.

Où est passé le nouveau contrat social ?

Le contrat social présenté en grande pompe n’a jamais été appliqué, ni par le gouvernement de transition de Gérard Latortue ni par les gouvernements qui suivront. Le Groupe des 184 lui-même n’a pas fait long feu. Lors des élections de 2006, l’un de ses membres, Charles Henri Baker, est arrivé en 3e position, très loin derrière René Garcia Préval et François Manigat.

André Apaid a récemment voyagé au Qatar, avec des représentants de l’administration de Jovenel Moise, pour dénicher des opportunités d’affaires.

Dans son communiqué qui prenait acte de l’élection de René Préval, « en dépit du déficit évident de légitimité » du nouveau président, le groupe annonçait qu’il continuerait ses échanges avec la population. Pourtant, peu de temps après l’élection, il n’y a plus eu de traces de l’organisation.

Le site internet http://group184.org/ n’est plus en ligne depuis longtemps. La dernière trace du groupe que l’on a en ligne remonte au 13 juin 2006. À cette date, le site d’archivage Wayback Machine a effectué la dernière capture d’écran de la page qui affiche les membres de l’organisation.

Cette dissolution n’a jamais été expliquée et suscite de nombreuses questions.

Une nouvelle crise politique

Actuellement, le pays fait face à une grave crise qui, en partie, met aux prises le pouvoir et l’opposition. Il est légitime de s’interroger sur les conséquences qu’aurait pu avoir un tel mouvement dans le contexte où nous sommes.

Certaines anciennes têtes du Groupe des 184 ont pris position publiquement pour exiger le départ du chef de l’État, Jovenel Moïse. C’est le cas par exemple de l’écrivain Yanick Lahens, ou encore de Reginald Boulos, magnat des affaires à la tête d’un mouvement qui ambitionne de prendre le pouvoir.

Quant à l’ex-coordonnateur du groupe, André Apaid, il s’est montré très discret ces dernières années, après une longue période où il était au-devant de la scène. Contrairement à la plupart de ses collègues de combat, il n’a pas pris de position publique face à la crise. André Apaid a récemment voyagé au Qatar, avec des représentants de l’administration de Jovenel Moise, pour dénicher des opportunités d’affaires.

 

Jameson Francisque

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