Ukraine: grenier et laboratoire politique du monde

La réalité à l’envers. Les Etats-Unis sont le véritable agresseur

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Henry Kissinger rencontre Vladimir Putin en 2012, deux fameux experts en stratégie globale. Dixit le premier: l’annexation de la Crimée par la Russie est un symptôme, pas une cause; si l'Occident est honnête avec lui-même, il doit admettre qu'il y avait des erreurs de son côté.

(2ème partie)

OTAN ET FMI: PILLER L’UKRAINE

Tout cela commence à ressembler à du verbiage, de bonne ou mauvaise foi, qui masque, en tout cas, une vaste stratégie sous-jacente. David Patrikarakos est basé à Londres où il a étudié à Oxford. Il écrit pour le Daily Beast et Politico, mais également pour le New York Times, Financial Times, et Wall Street Journal, et, en ce qui nous concerne, dans la Odessa Review. Celle-ci se dit: A Journal for the New Ukraine.

Peter Pomerantsev, autre contributeur de cette même revue, est né à Kiev mais a suivi ses parents en Allemagne et puis Londres dans les années 70 quand son père, poète et radiophoniste, a été accusé de propagande anti-soviétique avant de travailler pour la BBC. Pomerantsev a écrit pour le Atlantic Monthly, Newsweek, ainsi que le Financial Times. Il qualifie le régime de Vladimir Putin de “dictature post-moderniste”. Il participe à un projet d’étude sur la désinformation (Arena) à la London School of Economics, et, comme Patrikarakos, se spécialise sur l’utilisation des médias social à des fins politiques.

Bohdana Kostiuk, encore une nouvelle journaliste de Kiev, est correspondante à la Radio Free Europe/Radio Liberty, une radio basée à Washington, visant l’Europe de l’Est, l’Asie centrale et le Moyen-Orient, fondée en 1949 comme source de propagande anti-communiste par le National Committee for a Free Europe. Sa politique de diffusion était établie à l’origine avec le concours de la CIA et du département d’Etat. Jusqu’en 1995 son quartier-général se trouvait à Munich, le plus près possible de l’Europe de l’Est, avant de déménager à Prague en république Tchèque après la chute de l’URSS.

Kostiuk répercute l’idée, selon elle fort répandue parmi les “experts” ukrainiens, que la Russie pourrait attaquer le sud de l’Ukraine à partie de la Transnistrie, un Etat pro-russe non reconnu entre la Moldavie et l’Ukraine, où elle a des troupes stationnées.

Barack Obama en discussion avec Viktor Yanukovych lors du sommet sur la sécurité nucléaire à Séoul en 2012. Les Etats-Unis essayaient d’attirer le président ukrainien dans leur camp, avant de le renverser quand il a préféré la Russie.

Tous construisent l’image que la Russie est l’agresseur dans le cas, entre autres, de l’Ukraine, et abondent aux vues du nouveau président. “Le ‘Monde Russe’ transforme tout ce qu’il touche en ruine et en désolation. Regardez l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, la Transnistrie, le Donbass occupé et la Crimée occupée. Selon la doctrine responsable du ‘Monde Russe’, toute l’Europe doit ressembler à Kaliningrad et Donetsk occupée», a dit Poroshenko à la conférence sur la sécurité à Munich en février 2018.

Pour Paul Craig Roberts, ces journalistes de la nouvelle génération ainsi que “les manifestants idéalistes sincères qui sont descendus dans la rue sans être payés [lors de l’EuroMaidan] sont des dupes crédules au service d’un complot pour détruire leur pays”.

Roberts n’était rien moins que secrétaire-adjoint au Trésor des États-Unis pour la politique économique sous le président Reagan en 1981, connu pour être le plus zélé partisan de l’économie de l’offre – soit baisser les impôts et déréguler – avant d’écrire pour le Wall Street Journal, Business Week et Harper’s Magazine. Il était également professeur William E. Simon Chair en économie politique à la Georgetown University, par où passent ceux désireux d’avoir un poste au gouvernement étatsunien. Finalement, il était membre du Cato Institute et de la Hoover Institution, think tank des plus traditionnels, comptant, parmi beaucoup d’autres membres passés, George Shultz, Condoleezza Rice et l’actuel ministre de la défense sous Trump, le général James Mattis.

Dans son article “Le pillage de l’Ukraine par l’Occident a commencé”, publié peu après le renversement du président Yanukovych en février 2014, Roberts écrit: “Le but du coup est de mettre les bases militaires de l’OTAN à la frontière de l’Ukraine avec la Russie et d’imposer un programme d’austérité du FMI qui sert de couverture aux intérêts financiers occidentaux pour piller le pays”.

“Le prêt du FMI apporte de nouvelles conditions et impose une austérité au peuple ukrainien pour que le gouvernement ukrainien puisse rassembler l’argent nécessaire pour rembourser le FMI”. C’est une copie conforme de ce qui se passe en Grèce depuis 2009, sauf que là, c’est la rapacité et l’incompétence des dirigeants qui ont mis l’argent en poche en hypothéquant le pays et le livrant à la merci de l’encore plus avide finance internationale.

Le but du coup est de mettre les bases militaires de l’OTAN à la frontière de l’Ukraine avec la Russie et d’imposer un programme d’austérité du FMI qui sert de couverture aux intérêts financiers occidentaux pour piller le pays.

En fait, Michel Chossudovsky, professeur d’économie à l’université d’Ottawa dit que “Les réformes prévues pour l’Ukraine seront bien plus dévastatrices” que le Greece Model Austerity Package. Et il détaille: Pavlo Sheremeto, le nouveau ministre du Développement économique et du Commerce a appelé dès sa nomination à la «déréglementation, totale et à tous les niveaux», comprenant l’élimination pure et simple des subventions sur le carburant, l’énergie et les aliments de base. Associée à la privatisation était la procédure de “scission” – qui a été imposée à la Corée du Sud en vertu de l’accord de sauvetage du FMI de décembre 1997 et a nécessité le morcellement de plusieurs “chaebols” (conglomérats d’affaires) puissants en petites entreprises, dont beaucoup ont été repris par les États-Unis, l’UE et le Japon”.

Roberts, lui, répond à une question fascinante: “Malgré les preuves sans équivoque qu’un pays après l’autre est pillé par l’Occident, les gouvernements des pays endettés continuent de souscrire aux programmes du FMI. Pourquoi les gouvernements continuent-ils à accepter le pillage de leurs populations par l’étranger? La seule réponse est qu’ils sont achetés. La corruption qui s’abat sur l’Ukraine fera paraître l’ancien régime comme honnête”.

L’OTAN TOUCHE LA RUSSIE

La stratégie occidentale est plus globale, ajoute-t-il parlant de l’OTAN. Il a discuté de ce point en septembre 2014, au Radio Show de Rob Kall, avec Noam Chomsky, autrefois qualifié par le New York Times d’“intellectuel le plus important en vie aujourd’hui”.

Dixit Chomsky: “À ce stade, nous menaçons les intérêts stratégiques fondamentaux de tout gouvernement russe – on ne peut blâmer Putin – ce serait n’importe quel gouvernement russe… ils seraient profondément préoccupés par l’expansion étatsunienne de l’OTAN, qui est une alliance militaire hostile, tout contre leur centre stratégique”.

Ditto de la part de Seumas Milne, fils d’un ancien directeur de la BBC, lui-même ex-journaliste à The Guardian et The Economist, directeur exécutif de la stratégie et des communications du Parti travailliste sous la direction de Jeremy Corbyn: “La tentative de faire basculer Kiev dans le camp occidental en évinçant un dirigeant élu rendait le conflit certain. Cela pourrait être une menace pour nous tous”. “Cette crise a été déclenchée par la tentative de l’Occident d’attirer résolument l’Ukraine dans sa structure d’orbite et de défense, via un accord d’association explicitement anti-Moscou”.

Un autre important membre de l’establishment étatsunien abonde dans le même sens. Quand le Sénat étatsunien avait approuvé le premier cycle d’expansion de l’OTAN en 1998, son bien connu diplomate George Kennan, ancien ambassadeur étatsunien à Moscou et à Belgrade, avait alors dit lors d’une interview au New York Times (à l’âge de 94 ans): “Je pense que les Russes vont réagir de manière assez négative et cela affectera leurs politiques […] Je pense que c’est une erreur tragique. Il n’y avait aucune raison pour cela. Personne ne menaçait personne”.

“Cette expansion ferait retourner les Pères Fondateurs de ce pays dans leurs tombes. Nous nous sommes engagés à protéger toute une série de pays, même si nous n’avons ni les ressources ni l’intention de le faire sérieusement. [L’expansion de l’OTAN] était simplement une décision à la légère d’un Sénat qui n’a aucun intérêt réel dans les affaires étrangères”.

Ni même l’intention de réellement défendre ces nouveaux membres. “L’OTAN s’est élargie dans le passé parce que les libéraux supposaient que l’alliance n’aurait jamais à honorer ses nouveaux engagements de sécurité”. “Le summum de la stupidité” estime le professeur Mearsheimer, notant que l’Occident n’est pas intervenu militairement pour soutenir l’Ukraine lors de l’annexation de la Crimée de 2014 par la Russie. En fait, alors que Bush père et fils y avait été une fois chacun et Clinton quatre fois, Obama qui était président en 2014, n’a jamais été en Ukraine. “C’était la première administration dont le président n’a jamais mis le pied sur le sol ukrainien. En deux termes, c’était tout à fait inattendu, de ne pas montrer de soutien au pays dans le besoin et d’avoir la dernière visite à où? Grèce?”, se plaint Vadym Prystaiko, le vice-ministre des affaires étrangères.

John Mearsheimer et Stephen F. Cohen, deux éminents académiciens étatsuniens, spécialistes de la Russie, qui estiment que la principale menace pour les Etats-Unis est l’hystérie de russophobie qui sévit actuellement chez les politiciens et médias. Mearsheimer a écrit un article dans la très officielle revue Foreign Affairs, intitulé: “Pourquoi la crise en Ukraine est la faute de l’Occident – Les illusions libérales qui ont provoqué Putin”.

Les Etats-Unis ne veulent pas aller trop loin car ils ont besoin du concours de celle-ci pour des problèmes stratégiques: avec l’Afghanistan, l’Iran, la Syrie, la Chine. L’Ukraine ne sert qu’à dresser l’opinion publique contre la Russie, faisant paraître celle-ci comme un Etat paria et Putin comme un nouveau Hitler. “Un exercice cynique d’intimidation [saber-rattling] contre la Russie avec peu d’intérêt manifeste pour la démocratie libérale”.

John J. Mearsheimer est encore une autre personnalité étatsunienne: professeur à l’université de Chicago depuis 1982 après avoir passé une dizaine d’année dans la U.S. Air Force et la fameuse United States Military Academy à West Point, et membre de la American Academy of Arts and Sciences avec plein de prix. Il était opposé à la guerre contre l’Irak en 2003, opposé à la dénucléarisation de l’Ukraine en 1994 (parce que cela laisserait le pays vulnérable à la Russie) et auteur de l’ouvrage “The Israel Lobby and U.S. Foreign Policy”.

Quelques mois après les événements de 2014 il a écrit dans Foreign Affairs, le magazine du très officiel Council on Foreign Relations, un article intitulé: “Pourquoi la crise en Ukraine est la faute de l’Occident – Les illusions libérales qui ont provoqué Putin”. “Washington n’aime peut-être pas la position de Moscou, mais il devrait comprendre la logique derrière cela. C’est le fondement de la géopolitique: les grandes puissances sont toujours sensible aux menaces potentielles près de leur propre territoire. Après tout, les États-Unis ne tolèrent pas que les grandes puissances lointaines déploient des forces militaires dans l’hémisphère occidental, et beaucoup moins sur ses frontières. Imaginez l’indignation à Washington si la Chine mettait sur pied une imposante alliance militaire et essayait d’y inclure le Canada et le Mexique”.

Il ne faut pas être intellectuel pour imaginer quelle serait la réaction des Etats-Unis d’Amérique si la Russie faisait un traité de sécurité avec le Mexique, et envisageait des exercices militaires sur le territoire de celui-ci!

L’expansion de l’UE est un piège pour amener l’expansion de l’OTAN…

Déjà en avril 2008, lors du sommet de l’OTAN à Bucarest (en Roumanie, un pays de l’Est), les Etats-Unis (et la Pologne) voulaient offrir un “plan d’assistance” de l’OTAN à la Géorgie et l’Ukraine – deux pays tout contre la frontière russe et sur la mer Noire – mais l’Angleterre, l’Allemagne et la France les avaient bloqués disant que “ce serait “une offense inutile” à la Russie”. A la fin du sommet, le 4 avril, Putin avait confirmé que l’élargissement de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie “serait considéré en Russie comme une menace directe à la sécurité de notre pays”. A l’époque les Européens étaient plus réalistes, ou moins hypocrites. Depuis, les Etats-Unis ont entrainé leurs “alliés” vers le conflit.

Dès le mois suivant, mai 2008, l’Union Européenne annonçait son Initiative de partenariat oriental, un programme visant à intégrer les pays de l’Est restants, soit Arménie, Azerbaijan, Belarus, Géorgie, Moldavie, et… Ukraine dans l’économie de l’UE. Aux yeux de la Russie, “l’expansion de l’UE est un piège pour amener l’expansion de l’OTAN”, dit Mearsheimer. C’est pour avoir refusé un tel programme européen que Yanukovych a été renversé.

UN VRAI COUP D’ETAT

Dans son article – que Chomsky cite dans sa conversation radiophonique avec Roberts – Mearsheimer ajuste le tir en appelant les choses par leur nom: “Pour Putin, le renversement illégal du président démocratiquement élu et pro-russe de l’Ukraine – qu’il a qualifié à juste titre de “coup d’état” – a été la goutte qui a fait déborder le vase”.

Cela vous rappelle-t-il quelque chose? Le coup d’état qui a renversé le président hondurien démocratiquement élu Manuel Zelaya en 2009. Cette fois c’étaient les militaires, mais les Etats-Unis ont été les seuls à ne pas protester. Hillary Clinton a fait la sourde oreille malgré que son propre ambassadeur, Hugo Llorens, confirmait que c’était un coup d’état. Dans ses mémoires “Hard Choices” elle admet avoir saboté les efforts de l’Organisation des Etats Américains, de l’ONU, du Groupe de Rio et de l’Union Européenne pour ramener Zelaya au pouvoir. Evidemment, celui-ci, alors qu’il était un riche fermier, avait pendant ses 4 années à la présidence relevé le salaire minimum et les pensions, offert des repas gratuits aux élèves, construit de écoles, etc etc. Mais “le plus effrayant [pour l’oligarchie et Washington] était que Zelaya se préparait à organiser une assemblée populaire pour remplacer la constitution de 1982 écrite pendant les derniers jours du dictateur militaire soutenu par les États-Unis Policarpo Paz Garcia”. Ses détracteurs ont prétendu qu’il voulait accroître sa durée à la présidence et utilisé ce prétexte pour le renverser avec l’aide du général Roméo Vásquez Velásquez, diplômé de la tristement célèbre École des Amériques, un programme d’entraînement de l’armée étatsunienne.

La police militaire confronte une manifestation de supporters du candidat de l’opposition Salvador Nasralla à Tegucigalpa. La crise de la démocratie hondurienne a ses racines dans le soutien des Etats-Unis au coup d’Etat de 2009.

Immédiatement après, Clinton a aidé à organiser des élections qui, selon ses propres termes, “enterreraient la question de Zelaya”. Ensuite, de 2009 à 2016, les États-Unis ont fourni quelque 200 millions de dollars en aide militaire et policière au nouveau régime conservateur. Sur cette période, ces forces honduriennes ont exterminé de milliers d’opposants selon l’organisation anglaise Global Witness: dirigeants paysans, indigènes, syndicalistes, journalistes, environnementalistes, juges, candidats politiques de l’opposition, militants des droits humains. Et le Honduras est devenu un des pays avec le plus fort taux de criminalité au monde, 90 pour 100.000 selon le Bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime. Clinton a naturellement refusé de donner l’asile politique aux milliers de réfugiés qui arrivaient aux Etats-Unis.

Quand Berta Cáceres, courageuse militante écologiste hondurienne et lauréate du Prix Goldman de l’environnement, a été abattue dans sa ville natale de La Esperanza en mars 2016, l’attention mondiale s’est concentrée à nouveau et avec du recul sur le coup à l’origine de ce tsunami de crimes. Alors, le compte-rendu de la réponse de Clinton au coup – qu’elle présentait de façon glorieuse – a été omis de l’édition de poche de ses mémoires! On lui a manifestement fait remarquer qu’elle risquait d’être attaquée en justice pour complicité avec les auteurs du coup.

Pour en revenir au coup contre Yanukovych – certainement corrompu, mais démocratiquement élu avec quasimment la moitié des votes – Henry Kissinger aussi est de l’opinion que l’Occident s’est fourvoyé en Ukraine. Incroyable, disent certains, surtout ces manifestants et journalistes “dupes”, connaissant le passé du maître derrière, entre beaucoup d’autres, le coup d’état de 1973 contre le président chilien Salvador Allende. Disons qu’à l’âge de 91 ans Kissinger s’est permis d’être enfin honnête, tout au moins sur le plan intellectuel. La question elle-même était tendancieuse, venant pourtant d’un grand magazine comme Der Spiegel, mais je suis sûr que le journaliste ne s’en rendait même pas compte. “Comment l’Occident devrait-il réagir [sic] à l’annexion russe de la Crimée?”, a-t-il demandé au cours d’une interview à l’ancien ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis en novembre 2014. C’est plutôt la Russie qui a réagi à l’ingérence étatsunienne en Ukraine. Et Kissinger a immédiatement corrigé. Je reproduis l’extrait in extenso pour son intérêt.

Kissinger: La Crimée est un symptôme, pas une cause. En outre, la Crimée est un cas particulier. L’Ukraine faisait partie de la Russie depuis longtemps. Vous ne pouvez pas accepter le principe selon lequel n’importe quel pays peut simplement changer les frontières et prendre une province d’un autre pays. Mais si l’Occident est honnête avec lui-même, il doit admettre qu’il y avait des erreurs de son côté. L’annexion de la Crimée n’était pas un pas vers une conquête mondiale. Ce n’était pas un Hitler s’installant en Tchécoslovaquie.

SPIEGEL: Qu’est-ce que c’était alors?

Kissinger: On doit se poser cette question: Putin a dépensé des dizaines de milliards de dollars pour les Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi. Le thème des Jeux Olympiques était que la Russie est un état progressiste lié à l’Occident par sa culture et, par conséquent, elle veut probablement en faire partie. Donc, cela n’a aucun sens qu’une semaine après la fin des Jeux Olympiques, Putin prendrait la Crimée et commencerait une guerre contre l’Ukraine. Donc, il faut se demander pourquoi cela est arrivé?

SPIEGEL: Ce que vous dites, c’est que l’Occident a au moins une sorte de responsabilité dans l’escalade?

Kissinger: Oui, je dis ça. L’Europe et l’Amérique n’ont pas compris l’impact de ces événements, à commencer par les négociations sur les relations économiques de l’Ukraine avec l’Union européenne et culminant avec les manifestations à Kiev. Tous ces éléments, et leur impact, auraient dû faire l’objet d’un dialogue avec la Russie. Cela ne signifie pas que la réponse de la Russie était appropriée.

SPIEGEL: Il semble que vous ayez beaucoup de compréhension pour Putin. Mais ne fait-il pas exactement ce que vous avez en tête: créer le chaos dans l’est de l’Ukraine et menacer la souveraineté?

Kissinger: Certainement. Mais l’Ukraine a toujours eu une signification particulière pour la Russie. C’était une erreur de ne pas s’en rendre compte.

Fin de citation.

Je dirais plutôt qu’il ne s’agit pas d’erreur, et qu’au moins certains stratèges savaient quelle serait la réaction de la Russie, mais qu’ils ont pris le risque, et même s’en sont servi – ainsi que de l’opinion publique internationale favorable – pour renforcer leur encerclement. Nous y reviendrons

(à suivre)

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