Transition politique en perspective, confusion et division dans l’opposition!

(1e partie)

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Avec cette Opposition, le scénario de l’après Jovenel Moïse s’annonce identique à tout ce qu’on a connu dans le passé

En Haïti comme ailleurs, si la politique n’est pas une science exacte, ce qu’on sait avec certitude dès maintenant, c’est qu’après Jovenel Moïse, que ce soit en 2021 ou en 2022, le pouvoir aura un caractère transitoire. Reste à savoir qui de l’opposition politique ou de la Société civile prendra la tête de cette transition. En vérité, les débats sur la réforme constitutionnelle, l’Assemblée constituante ou même sur l’organisation des élections générales dans le pays au cours de l’année 2021 qu’agitent le Pouvoir Exécutif n’ont, en fait, aucun intérêt. La quasi-totalité des acteurs politiques et sociaux le sait et même le chef de l’Etat, Jovenel Moïse lui-même, ne se fait aucune illusion sur ce qui arrivera le jour de son départ du Palais national et ce, quel que soit le moment où cela arrivera : le gouvernement qui prendra le relais sera intérimaire. De 2016 à 2021 ou 2022, le scénario sera le même.

Il n’y aura point de passation de pouvoir suivant la Constitution en vigueur entre le Président sortant et un nouveau Président élu. Au fil des années, des mois et des semaines, le scénario de la mise en place d’un pouvoir de transition se dessine avec une rigueur académique. Tous les ingrédients et les données concordent pour que le jour-J réponde à l’attente des acteurs qui auront tout fait pour que ce soit ce schéma qui s’applique comme il est prévu dans leur agenda. Si le pouvoir issu du PHTK tente depuis quelque temps de détourner les regards avec des discours superficiels histoire de gagner du temps, l’opposition, elle, depuis toujours, n’a jamais eu d’autre ambition que celle d’installer un gouvernement intérimaire le temps de se consacrer à ce qu’elle sait faire le mieux, la bataille de la division.

Il n’y aura point de passation de pouvoir suivant la Constitution en vigueur entre le Président sortant et un nouveau Président élu.

Les récits de la presse et même des ouvrages qui ont travaillé sur les périodes allant de 1991 à nos jours ont démontré avec brio comment l’opposition n’a jamais gagné une compétition électorale face au régime qu’elle combattait ou venait de renverser. Le scénario est toujours le même : soit les leaders de l’opposition ou chefs de partis se sont fait doubler par des inconnus sortis de nulle part pour devenir célèbres par la suite ou au moment des scrutins, soit ils se sont faits carrément mettre de côté par un troisième larron qui est la Communauté internationale les trouvant pas assez sérieux ni assez unis pour les laisser prendre le pouvoir. Le scénario de l’après Jovenel Moïse s’annonce identique à tout ce qu’on a connu dans le passé. Le trop plein de chefs de partis ou de leaders de l’opposition représente une menace pour la prise du pouvoir par l’opposition.

Aucun leadership n’a pu jusqu’à maintenant se dégager au sein de cette opposition multiforme qui loin d’être un avantage pèse au contraire sur son avenir. À chaque fois qu’une initiative a été prise dans la perspective de présenter un front de refus commun contre le Président de la République et qui devrait dégager un horizon vers une prise éventuelle de la succession, la guerre des chefs n’a point tardé à venir assombrir cette belle perspective et anéantir toutes les initiatives qui ont été lancées. Ainsi, l’opposition dans sa globalité se voit tomber dans une perpétuelle quête de leadership capable de la conduire vers la victoire face aux éternels inconnus ou personnalités qui ont décidé de sortir de l’ombre au bon moment ou  quand la Communauté internationale a été les chercher pour venir ramasser la mise.

Car, l’opposition haïtienne, quelle que soit la période ou la conjoncture politique, dans sa longue lutte pour le pouvoir a toujours oublié une chose : se mettre en position pour être incontournable après la chute du pouvoir et ce, quel que soit le moment. Dans sa longue série de lutte qu’elle a menée en vue d’accéder de manière démocratique aux responsabilités publiques, c’est-à-dire, de prendre la direction politique, administrative et institutionnelle du pays, l’opposition a toujours péché par modestie, par peur des responsabilités et surtout s’englue dans un discours qui ne correspond point ou ne cadre pas avec son objectif qui devrait être celui de toute force d’opposition à un régime politique quel qu’il soit : parvenir au pouvoir.

En tant qu’observateur politique, nous avons toujours été étonné de constater combien les dirigeants des organisations ou partis politiques haïtiens sont modestes dans leurs revendications. Surtout trop timides quand il faut revendiquer le premier rôle ou la première place ou tout au moins se mettre dans une posture pour qu’ils deviennent incontournables le jour où l’ensemble de ces groupes hétéroclites veut se positionner autour d’un leader commun. Certes, comme il est de coutume en Haïti, il ne s’agit pas de s’autoproclamer chef ou leader de parti pour être reconnu ou considéré en tant que tel. Cela ne donne d’ailleurs aucune légitimité pour devenir chef incontesté de l’opposition qui, par nature, est plurielle par conséquent divisée et subdivisée en mille fractions. Il y a une nette distinction entre un chef de parti et un leader de l’opposition. Le dernier est celui qui parle, qui a autorité et légitimité pour le faire au nom de toute la famille de l’opposition ; puisqu’il avait été préalablement désigné ou avait reçu la mission de représenter l’ensemble de l’opposition auprès des instances nationales et internationales.

De fait, celle ou celui qui reçoit cette mission ou distinction est d’office habilité à devenir le candidat unique de cette opposition unifiée qui le charge de défendre un « Programme commun » de l’opposition devant les candidats se réclamant du pouvoir sortant ou du régime en place. Il faudra habituer la population à ce visage unique qui, par la suite, deviendra familier du grand public et même du pouvoir et à ce titre il pourra porter cette responsabilité qui consiste à devenir le candidat de l’opposition plurielle. Face à un tel défi, même la Communauté internationale devrait s’incliner et s’adapter devant la volonté d’une partie de l’élite politique du pays à donner un autre élan, une autre perspective dans le cadre de la modernisation de la vie politique nationale. Mais, on n’en est pas encore là. Aujourd’hui, l’opposition en Haïti continue de s’engluer dans la politique politicienne sans lendemain dans la mesure où ses responsables demeurent indécis et ne sont pas vraiment sûrs de ce qu’ils dessinent pour l’avenir.

À chaque fois qu’une lueur d’espoir apparaît dans le ciel de l’opposition et que la population s’arc-boute à l’idée que les leaders ont enfin trouvé un compromis et signé un accord pour avancer main dans la main dans la perspective de la transition politique qui se précise, sans aucune explication ni problème apparent, tout tombe à l’eau pour, au final, reprendre les mêmes et l’on recommence. Explication ! De l’arrivée du Président Jovenel Moïse à la tête du pays en 2017 à aujourd’hui (2020), l’opposition plurielle a déjà mijoté et consommé au moins trois à quatre « Accords » sur la manière de gérer l’après Jovenel Moïse. C’est la preuve de l’immaturité et surtout du peu d’assurance de ces leaders de l’opposition dans la recherche d’alternative au pouvoir en place. Parmi tous ces « Accords » qui ont été signés entre une grande majorité de partis, organisations politiques et de personnalités se réclamant de l’opposition, il y en a un qui fait autorité : ce sont les « Propositions d’Oloffson ». Cet accord signé en juin 2019 avait consacré l’opposition comme étant la force devant servir d’alternative au départ du Président Jovenel Moïse.

Pratiquement tous les points et les détails avaient été traités. Mais, comme nous le disions plus haut, il manquait un point essentiel, le nom de celle ou celui qui dirigerait la transition au cas où le chef de l’Etat viendrait à quitter le pouvoir soit avant 2022 ou même le 7 février 2021. Aucun leadership n’avait été désigné au cours de ces journées dans les Jardins du célèbre hôtel qui a servi de décor dans les années 60 pour le roman de Graham Green, Les Comédiens. Tout un symbole ! N’ayant aucune figure de proue pour matérialiser physiquement la présentation de l’opposition aux yeux du grand public et de l’opinion en général, cette belle initiative qui fut applaudie par beaucoup a été sabordée par ses propres concepteurs, c’est-à-dire par ceux qui avaient eu l’idée géniale de mettre sur papier le plan de la future transition après Jovenel Moïse.

il y a eu des jours et des nuits de négociations sans aucun résultat

Quelques mois plus tard, en effet, une autre initiative du même genre ou presque a été lancée, cette fois sous les auspices de la Communauté internationale, des leaders de l’opposition avec cette fois-ci la participation du Parti PHTK, le parti du Président de la République. La preuve s’il en fallait que l’Accord d’Oloffson avait vécu et que la belle architecture qu’avaient montée les opposants du régime s’était effondrée comme un château de cartes. Mais, comme on s’y attendait, il y a eu des jours et des nuits de négociations sans aucun résultat; car, selon certains, le but de l’opération était de casser la belle entente entre les différents chefs de l’opposition et de placardiser les « Propositions d’Oloffson ». Les négociations ou Pourparlers qui ont eu lieu d’une part à l’hôtel Marriott à Port-au-Prince pour finir sous le parrainage du Nonce Apostolique dans son Chalet de la Montagne noire à Pétion-Ville d’autre part, n’ont accouché qu’une souris.

Le Président de la République avait donc réussi son coup : ses amis avaient fait capoter les négociations et briser l’image d’unité qu’avaient présentée les leaders de l’opposition quelques mois auparavant avec l’Accord d’Oloffson. Sans chef de fil unique, la cacophonie régnait au sein de cette entité et le chacun pour soi s’imposait en règle. Tout le monde s’autoproclamait Porte-parole, chef de l’opposition, leader, etc ; en réalité, personne n’avait été mandaté pour quoi que ce soit. C’était le règne de la cacophonie, de l’improvisation et de la division. Depuis, plusieurs tentatives ont été lancées afin de remobiliser non pas la population qui n’attend que cela mais les chefs des partis et de personnalités ouvertement en opposition avec la ligne politique du Président Jovenel Moïse. D’autres groupes alternatifs se sont faits connaître mais avec des sons de cloches différents sur la transition, ce qui a provoqué dans le passé de vraies polémiques entre les pour et les contre du départ du locataire du Palais national avant la fin de son quinquennat.

Alors qu’en même temps, les échéances approchent à grand pas et la situation sociopolitique s’aggrave. Dans les quartiers dits populaires : Cité Soleil, Bel-Air, les différents bidonvilles et ghettos de La Saline, le Bicentenaire, Martissant, etc, l’insécurité devient la règle et cela est une réalité quotidienne. Les assassinats de personnalités deviennent monnaie courante de jour comme de nuit dans la région métropolitaine de la capitale et ses banlieues. Les gangs qu’on dit être contrôlés par le régime sèment la terreur sur la population. Dépassées par les événements qui ont cours dans ces quartiers, les autorités policières demeurent impuissantes face au danger qui menace la société sur le plan sécuritaire.

(À suivre)

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