Rudy Hériveaux est en «contact étroit» avec l’ambassade américaine en Haïti (2)

Les câbles diplomatiques de WikiLeak révèlent

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(English)

La semaine dernière, nous avons vu comment l’ambassade américaine avait salué l’évolution de l’actuel ministre de la Communication Rudy Hériveaux, du poste de député Lavalas de Trou du Nord à celui de dirigeant d’une “faction modérée» détachée de Lavalas qui, en 2005,  cherchait à s’éloigner d’Aristide, chef de file de Lavalas  en exil et à participer aux élections haïtiennes parrainées par les États-Unis.

Le premier test des politiciens Lavalas «modérés» vint lors des élections du 7 février 2006, le premier scrutin après le coup d’Etat du 29 février 2004 contre le président Jean-Bertrand Aristide. En ce temps, Hériveaux s’était porté candidat comme sénateur dans le département de l’Ouest au sein d’une pléthore de 54 candidats provenant de 28 partis.

Quoique candidat sous la bannière “Lavalas”, Hériveaux s’en est sorti très mal au premier tour, se plaçant lamentablement en septième place avec seulement 68.781 votes. Ce qui ne représentait que 22% des 310.188 votes obtenus par Jean Hector Anacacis de la plate-forme Lespwa de Préval gagnant la première place, et 25% des 269. 562 votes remportés par Mirlande Manigat du Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes (RNDP) venant en deuxième place. Il a même terminé derrière sa concurrente Lavalas, la candidate Evelyne Cheron, derrière l’ancien duvaliériste et ministre d’Aristide, Stanley Théard, Marie-Denise Claude de la Fusion, et même derrière Luckner Désir de l’obscure Mobilisation pour le Progrès d’Haïti (MPH).

Heureusement pour Hériveaux, [Myrlande] Manigat avait abandonné la course électorale en solidarité avec son mari, candidat à la présidentielle pour le RNDP Leslie Manigat, qui a perdu au premier tour (dans des conditions pour lesquelles les Manigat ont protesté) en faveur de René Préval de Lespwa. Cela avait permis à Hériveaux de passer à la sixième place et donc de se classer de justesse pour le deuxième tour.

De gauche à droite Joseph Levy, Yves Rose Louis Montas, Jean-Claude Desgranges, Rudy Hériveaux, John Joël Joseph, et Louis Gérard Gilles.

D’une certaine manière,  au deuxième tour du 21 avril 2006, Hériveaux a réussi à se placer en deuxième position avec 45,81% des voix derrière 75,13% pour Anacasis. La candidate Lavalas également en lice, Evelyne Cheron, a pris la troisième place avec 41,28% des voix. Pour avoir siégé quatre ans au Parlement, cela a fait de Hériveaux le membre officiel le plus élevé de Lavalas au Parlement.

Dans un câble du 11 mai 2006, l’ambassadeur américain Janet Sanderson a indiqué que Hériveaux, ainsi que les députés “Lavalas” nouvellement élus, Jonas Coffy et Sorel François, ‘‘se plaignent que Préval a exclu Lavalas dans son effort de tendre la main à d’autres partis politiques et dans le développement de son plan de 25 ans, même lorsqu’qu’ils  ‘‘reconnaissent l’impact négatif que le retour d’Aristide [d’exil en Afrique du Sud] aurait pour le pays “.

“Hériveaux a déclaré que Lavalas voulait promouvoir une Haïti démocratique aux côtés de Préval,” a écrit Sanderson, “mais il a admis que Préval n’a montré aucun signe qu’il est prêt à travailler avec Lavalas, malgré les connections évidentes entre Lavalas et L’Espwa [sic]. Selon Hériveaux, Lavalas et Lespwa étant de mêmes entités, et il a caractérisé L’Espwa comme «tout simplement une branche de souche Lavalas. ‘”

Dans son commentaire à Washington, Sanderson a félicité Hériveaux et ses complices d’avoir manifesté “un courage personnel à rompre avec les partisans militants d’Aristide en s’engageant dans le processus électoral”, même quand elle a noté qu’”aucun d’entre eux n’était un modèle de démocrate dans le passé.” Elle a également deviné qu’ “ils supposent sûrement qu’ils ne sont plus en odeur de sainteté auprès d’Aristide et que leur avenir politique dépend de son absence “.

Son appréciation était correcte, et le 2 juin 2006, Sanderson a écrit dans un câble du 12 janvier 2006:  “Hériveaux et le groupe parlementaire au sein de FL[Fanmi Lavalas] paraissent avoir entrepris une manœuvre politique ambitieuse en tentant de réunifier Lavalaset d’y établir leur leadership».

De gauche à droite Youri Latortue, Evans Paul, et Rudy Hériveaux.

Elle a expliqué à Washington que Hériveaux était à la tête d’”un groupe  d’opportunistes qui cherchent à renouer avec la base FL “, mais il a été bloqué par des courants plus radicaux champions de la lutte contre le coup d’Etat et pour le retour  d’exil d’Aristide. Sanderson a expliqué que “Hériveaux, à titre de haut fonctionnaire Lavalas élu, a convoqué la réunion pour choisir un nouveau président FL par intérim,”, mais les membres les plus radicaux de Lavalas ont perturbé la réunion et ont dénoncé Hériveaux et les parlementaires «Lavalas modérés», y compris le député Jonas Coffy, l’ancien chef du personnel d’Aristide Jean-Claude Desgranges, ainsi que les anciens sénateurs Gérard Gilles et Yvon Feuillé, “comme des espions de la CIA et des laquais de maîtres étrangers   (MINUSTAH),” la Mission des Nations Unies pour stabiliser Haïti.

Mais Hériveaux a fait de son mieux pour déguiser sa trahison. Lorsque le leader de l’organisation populaire René Civil, l’un des leaders de la mouvance radicale, a été arrêté le 25 août 2006, accusé de porter une arme sans permis, au volant d’une voiture volée, et d’appartenir à une «association de malfaiteurs,” Hériveaux a protesté contre l’arrestation, ” à la grande consternation [de l’ambassade des États-Unis] », a écrit le chef de mission adjoint Thomas Tighe dans un message du 29 août 2006.

“Hériveaux est un proche contact de l’ambassade qui a souligné dans les conversations avec des emboffs [des fonctionnaires de l’ambassade] que lui et d’autres FL modérés au parlement sont opposés à Civil et à la faction militante de FL,” c’est ce qu’a érit Tighe s’engageant à ‘‘mettre sur le tapis la défense de Civil par Hériveaux à la première occasion”.

Hériveaux n’ayant jamais fait trop de progrès dans sa tentative de prendre le contrôle du parti, a expliqué au conseiller politique de l’ambassade américaine le sénateur Simon Dieuseul Desras, actuellement président du Sénat, lors d’une réunion en date du 6 décembre 2006. Desras a dit à l’ambassade qu’il y avait une «bataille de leadership» entre Hériveaux et le Comité Exécutif de FL d’Aristide”, qui à cette époque était composé de la chanteuse / activiste Annette Auguste (Sò An), de  l’ancien conseiller d’Aristide le Dr Maryse Narcisse, de l’ancien délégué Jacques Mathelier, de l’ancien député Lionel Etienne, et du Dr Serge Louis.

Desras a expliqué à l’ambassade que ‘‘le Comité Exécutif et une bonne majorité du parti sont fâchés contre le sénateur Hériveaux à cause de sa prétention arbitraire à se faire passer comme le chef du parti suite au départ d’Aristide’’, selon le câble de Tighe à Washington, le 20 décembre 2007.

Desras a expliqué à l’ambassade que ‘‘Fanmi Lavalas a endossé le sénateur  Hériveaux  après que le sénateur les a approchés en 2000 et eut fini en deuxième place lors du premier tour’’ des élections à la députation, “croyant correctement que les chances de Hériveaux étaient meilleures que celles du candidat Lavalas, et estimant également que Hériveaux exécuterait les ordres de Lavalas, Lavalas lui a donné son soutien et a retiré son propre candidat. Hériveaux a remporté le second tour, et par la suite Lavalas l’a endossé comme président de la Chambre des députés, “a écrit Tighe.

C’est cet épisode de la petite histoire qui a permis au  sénateur Desras de raconter à l’Ambassade que “l’histoire du sénateur Hériveaux montre qu’il n’est pas un véritable Lavalassien et n’a jamais été reconnu comme tel.”

(À suivre)

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