Revue du disque « Toutouni » de Sherlee Skai

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Voix précise et imperméable, scat filtré qui enfilent les octaves comme des perles rares.

Comme un éclair inattendu, une musicalité apte à vous atteindre aux tripes. Sherlee Skai s’est intronisée avec clarté; auréolée d’un gosier infaillible qui tangue et jazze à souhait. Voix précise et imperméable, scat filtré qui enfilent les octaves comme des perles rares. Après les ascensions des: Ruthshelle, Riva etc; et au raz-de-marée de voix féminines provenant des initiatives de Yole Dérose à travers “Haïti Cœur de femme’’. La galerie de voix féminines du terroir s’amplifie et se bonifie amplement. D’autant plus qu’on a le numéro un du jazz vocal dans notre légion étrangère en la personne de Cécile Salvant, sans oublier Leyla McCalla qui fait aussi du chemin. Il est temps de faire place pour Sherlee Skai cette surprenante diva pour sa singularité. Même si elle semble plus rapprochée de Mélanie Charles et de la regrettée Ginou Oriol de par son orientation jazzée. Evidemment, les tics interprétatifs de Emelyne sont aussi repérables.

Sherlee Skai s’est intronisée avec clarté; auréolée d’un gosier infaillible qui tangue et jazze à souhait.

Comme Ruthshelle, elle s’inronise elle même mais, sous une allure tempérée, à sa manière, profilant le négatif et le positif, à cœur ouvert; en ultimatum :’’Me voice ; Pran m ou byen kite m ‘’(à prendre ou à laisser), sans ambigüités, ‘’Toutouni’’, avec des arguments à faire valoir, révèle une artiste en pleine possession de son art. En effet, cette valeur sûre qui semble n’être pas à une croisée des chemins, sait comment naviguer son timbre articulé à travers les contours : du jazz, blues, pop, r&b, paramètres  haïtiens et afro; pour en faire de merveilleuses pièces musicales. Garnies d’arpêges de guitares en plus d’arrangements et de tournures allégoriques, claviers en pianissimo et chorus adapté. Très clair.’’Jwem’’ nous surgit sur des pointes de bossa-nova, percussions latines, guitare électrique et piano libre et swinguant ; galvanisant un pitch d’une tonalité illimitée. Et puis la poésie est débordante :’’..Fè mizik avè m, fè bèl akòm sou kòm…/konkou yon melodi, yon refren ki pap janm fini/peze La m peze Do m, peze Re m /Mwen se enstriman nan men w’’.

« Sonj » est un rituel en plus émotionnel, de lamentations en plus déchirantes, avec ses tambours furtifs et son accompagnement discret. Ce qui a permis à Sherlee de mettre à nu sa capacité de soliste patentée. ‘’Prière du monde’’ débute sur des chapeaux de roue, avec ses katas enflammés, et comme pièce centrale, l’Hymne à Damballah, qu’elle a réinventé sous d’autres écritures. Tout à fait imagé, infusé d’un lyrisme rédempteur:’’ M’anonse …Peyi a bezwen chanjman, medikaman tretmam/…Nou bezewn chanjman’’. Pendant qu’elle se fait en même temps, vocale et verbale, sur l’allure d’un rabòday souverain. Cette superbe artiste, chanteuse, compositrice arrangeuse et productrice qui sait si bien chanter la misère de son peuple; ainsi que claironner la gloire de Dessalines sait de quoi il revient quant à son option à l’égard de la canaille lyrique. En se démarquant du contenu à l’eau de rose.’’Boutilye’’ est une ode traduisant son état d’âme concocté à partir d’une simple ballade sur un piano inspiré au gré d’un soul versatile.

’’Ou manke m’’ c’est la nostalgie de la terre natale, lorsqu’on est obligé de vivre en parias en pays étranger parfois sans avoir d’autre choix:’’ Ayiti ou manke m /mwen reziye m..’’. Ce qui a résulté sur des notes noires, en symbiose d’un tempo jazzant à profusion. Et la voix de Sherlee qui domine encore l’ensemble et l’espace sonore de par sa musicalité expressive. « File m an kreyòl », veut faire montre de sa prépondérance à arranguer la foule, prouvant qu’elle à l’étoffe pour la chaude ambiance. En s’associant avec Princess Eud dans un rap en tout attrayant. Elaboré à partir d’un clavier se propageant en saule pleureur; tout en se mariant à un sax implorant‘’Lakansyèl aprè lapli’’est assorti de nappes sonores. Pour une aubade sulfureuse planant au dessus de la brume. Etalant cette voix multicolorée qui a su amplement s’élever dans ce blues créolisant et épatant.

 

elle s’inronise elle même mais, sous une allure tempérée, à sa manière, profilant le négatif et le positif, à cœur ouvert

’’Ochan’’ débute sur une guitare chanterelle, transcendant un flot de sonorité impromptue: percussions exaltantes au gré d’un synthé orchestral, et soudaine transposition qui chavire dans un paso doble aux furies d’une tauromachie. Imprégné de textes combattifs, ce morceau est surtout un hommage populaire. A ceux fourmillant dans les rues chaque jour pour manger et survivre’’…M ap di Ochan pou ou/M ap di Ochan pou mwen tou…/Pou tout sa mwen akonpli/ Sèl mwen ki konnen ki barikad mwen te franchi/…Lari a gen yon mòd lipran lipran, li pa bay/…Pou tout sa ki fèb ou merite repo/Chak jou n ap travay san mèsi, san bravo…’’. ‘’I want more ‘’ est une autre facette de Sherlee qui fait preuve de sa capacité à chanter aisément dans plusieurs langues. Ce qui reste un atout considérable dans le melting pot de la world music.

En effet, cette prestation montre son aura et, combien elle est prête pour prime time. Il suffit qu’elle évite les chemins étroits de la facilité et du’’ b.s prod’’. Pour trouver des avenues et institutions à la mesure de son talent. Afin d’atteindre ce public global pour tous les goûts, et la qualité. Ce que renferme ce timbre accessible et attrayant.’’Se ou/Anba tonèl’’ démarre en slowmotion pour transitioner sous l’entrain de vives exentricités vocales, duo pétillant et dialogue en sous-main; avec comme toile de fond un anbatonèl ou graje exquis, bien émaillé d’éloquentes chorégies. Aussi bien que, My praise poem, un chant vocal qui célèbre les racines maternelles de Sherlee, qui y épure pathétiquement  toute son émanation pour dire merci à celle qui l’a mise au monde. Mais, il n’y a pas que ça, car la musique demeure d’une telle qualité, qu’on reste à chaque fois à la renverse. Notamment, au niveau des cordes; claviers et guitares qui  constituent les structures harmoniques de cette œuvre. Dans l’utilisation des consonances, mais aussi des intervalles dissonantes qui permettent une audition à la fois complexe et avenante. En plus d’une voix conquérante, sans barrières, pour bousculer les frontières.

Cette revue vous est parvenue grâce à la courtoisie de Mario de Volcy de Triumph Music.

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