Quelle humiliation pour la classe politique et les élites haïtiennes ?

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En politique, rien  ne se fait par hasard. Si le Palais national au Champ de Mars à Port-au-Prince qui s’est effondré lors du séisme du 12 janvier 2010 n’a jamais été reconstruit, et qu’aucune mobilisation n’a eu lieu à cet effet,  et que l’argent pour  sa reconstruction est parti en fumée, il y a bien une raison fondamentale à cela.

D’une portée extraordinaire, le Palais national est le symbole de la présidence haïtienne, c’est-à-dire du Pouvoir exécutif. Résidence officielle et bureau du Président de la République, il représente par excellence le lieu de travail et d’accueil de tous les chefs d’État haïtiens depuis son existence à Port-au-Prince en 1881.

Depuis l’avènement du Conseil Présidentiel de Transition et son installation en catimini au Palais national pour fuir immédiatement après à la Villa d’Accueil à Musseau sous le fallacieux prétexte de s’installer provisoirement, rien n’a été fait pour un retour définitif dans le centre historique de la capitale. Ce temporaire s’est transformé en quelque chose de permanent puisqu’aucune démarche n’a été entreprise en vue de la reconstruction du palais ou de sa restauration  et ce pour le rendre accessible et fonctionnel. En quelque sorte restaurer le prestige de la fonction du chef de l’État.  Une telle attitude n’est pas non plus le fruit du hasard.

la survie du système capitaliste et impérialiste occidental en Haïti, se fait au prix de la destruction des administrations publiques et des institutions de l’Etat.

Vu la situation politique d’Haïti, tout est bien pensé et calculé selon les ordres précis d’une ou plusieurs représentations diplomatiques à Port-au-Prince exécutant avec minutie leur plan macabre. Dans ce contexte, n’est-il pas important de rappeler la réflexion en 2014 de Lucien Jura, alors porte-parole du Président Michel Martelly. Il déclarait que dans le cadre des projets de reconstruction des bâtiments publics du pays « le Palais national n’est pas une priorité. » Pour ajouter ensuite « c’est un choix du chef de l’État ».

Ainsi les dés étaient jetés et à ce jour, ce symbole du pouvoir haïtien n’est toujours pas la priorité des dirigeants.  Cela illustre bien que depuis l’assassinat du Président Jovenel Moïse, la présidence n’existe plus. Et on pourra continuer à parler du Conseil Présidentiel de Transition, cela ne changera rien. On a mis la présidence au second plan afin de mettre en évidence la Primature comme l’avait suggéré Pamela White l’ancienne ambassadrice américaine en Haïti.

Aujourd’hui, la survie du système capitaliste et impérialiste occidental en Haïti, se fait au prix de la destruction des administrations publiques et des institutions de l’Etat. A l’heure où le pays sombre dans de lugubres situations d’ingérence charriant des conséquences économiques, politiques et sociales désastreuses, le Conseil Présidentiel de Transition imposé par les Etats-Unis ne fait pour sa part qu’accélérer davantage un délabrement encore plus marqué de la société haïtienne. En fait, il est le fossoyeur même de l’Etat haïtien.

La complicité d’allégeance ou de soumission de ces néo-colonisés jusqu’à la moelle mérite d’être soulignée. C’est l’ambassadeur américain à Port-au-Prince qui a le droit inaliénable de diriger le pays. C’est lui qui décide de tout. Comme on l’a vu la semaine dernière avec la visite du chef de la diplomatie américaine en Haïti. En effet, le plus incroyable, invraisemblable même s’est produit le jeudi 5 septembre dernier à Port-au-Prince.

Mais il n’y a pas lieu de s’en étonner, quand le Secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, visita Haïti et ne s’est rendu à aucun bureau ni aucun lieu symbolisant la souveraineté haïtienne et l’indépendance de la République d’Haïti.  N’est-ce pas un scandale ? Au contraire, c’est le « visiteur » qui recevait en Commandeur au bureau de son Ambassade à Tabarre les dirigeants politiques et économiques haïtiens. Quelle humiliation pour eux ! Dans ce cas, nous comprenons les raisons pour lesquelles, il n’y a aucune perspective, aucun intérêt pour la classe dirigeante d’Haïti de reconstruire le Palais national.

A quoi bon, en effet, d’avoir un Palais national quand l’Ambassade américaine en Haïti symbolise le Pouvoir exécutif haïtien et que toutes les décisions politiques viennent ou passent par elle ? Jusqu’où les dirigeants de la classe politique  et les élites haïtiennes en général iront-ils dans cet aplatissement, cet avilissement ? Pourquoi, le soi-disant Président du Conseil Présidentiel, Edgard Leblanc Fils s’était-il senti obligé de se rendre à l’Ambassade ? Pour se rapporter sans doute au ministre des Affaires Etrangères américain Anthony Blinken ? Même constat pour le Premier ministre Garry Conille. Le monde entier s’interroge sur ces dirigeants ignorant leur glorieuse histoire et le prestigieux passé de leur pays.  Que peut-on dire des leaders autoproclamés de la classe politique traditionnelle ? Sinon qu’ils sont dans la continuité.

Ils se sont transportés sur les lieux comme du bétail pour s’exposer à la vue du propriétaire sinon comme des esclaves pour saluer le maître et lui faire un  rapport sur la situation actuelle de la colonie. Ils ont confirmé, ce que l’on sait depuis des décennies à savoir,  l’Ambassade américaine piétine allègrement les droits des peuples à se disposer d’eux-mêmes. Jusqu’où ira la dérive de cette classe politique, l’aile gauche et l’aile droite confondues qui sont allées s’aplatir aux pieds des puissances impérialistes, humiliant ainsi le pays ?

Face à ce jeu macabre de l’impérialisme où nos dirigeants contribuent non seulement en tant que spectateurs affligés mais aussi en servant de pions que l’Ambassade déplace en fonction de son intérêt, le peuple doit réagir pour défendre sa dignité et sa souveraineté.  C’est une réalité regrettable que le peuple ne doit pas ignorer, dans la mesure où les solutions à nos problèmes ne viendront jamais de l’impérialisme américain ni de cette classe politique pourrie qui ne sont là que pour légitimer le pillage de nos ressources par les grandes multinationales.

Organisons-nous travailleurs haïtiens pour combattre cette classe dirigeante opportuniste, antinationale  aussi bien que l’impérialisme avec sa politique cynique et violente qui est l’antithèse d’une Haïti éclairée, prospère, libre, démocratique et souveraine.

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