Par Bruno Sgarzini
Alors que l’ONU vient de condamner les attaques aériennes perpétrées par un commando d’extrême droite contre le Tribunal Suprême de Justice et le Ministère de l’Intérieur du Venezuela – attentats terroristes occultés par les médias français – (1), l’ambassadrice états-unienne auprès des Nations Unies Nikky Haley s’est refusée à le faire : « Nous devons maintenir la pression sur Maduro, il y a des signes qui indiquent que maintenant, il va commencer à utiliser son pouvoir militaire et des armes et ce que nous voyons à la télévision (sic) est en réalité bien pire. C’est une situation terrible, c’est pourquoi nous devons exercer sur Maduro autant de pression que nous pourrons ». (2)
Le 15 juin 2017, lors d’une conférence sur « Prospérité et Sécurité en Amérique Centrale » organisée conjointement par le Département d’État (US), le Département de la Sécurité intérieure (US) et le Mexique, le Vice-président américain Mike Pence s’adressait à un parterre de dirigeants d’Amérique Centrale : « Il suffit de regarder le Venezuela pour voir ce qui se produit lorsque la démocratie est compromise. Cette nation, autrefois riche, s’effondre dans l’autoritarisme qui à causé des souffrances incalculables au peuple vénézuélien, et son basculement dans la pauvreté. Nous devons tous élever notre voix pour condamner les abus de pouvoir et les pratiques du gouvernement envers son propre peuple, et nous devons le faire maintenant. » (3)
Pour comprendre en profondeur ce qui sous-tend la guerre économique, les manœuvres militaires régionales (Brésil, Colombie) ainsi que les intenses pressions médiatiques et diplomatiques des États-Unis pour neutraliser l’opinion internationale autour du théâtre d’opérations vénézuélien, il faut d’abord rappeler que l’Administration Trump, loin d’avoir engagé une nouvelle politique extérieure, a maintenu les grandes lignes de la stratégie conçue par l’idéologie néoconservatrice qui contrôle aujourd’hui la plupart des décisions prises par son gouvernement ainsi que les actions soutenues par le Congrès des États-Unis. L’urgence de faire tomber le chavisme est difficilement compréhensible si l’on ne prend pas en considération les idées avancées par les principaux think tank, tant au niveau international que régional.
Comment s’inscrit la stigmatisation du Venezuela dans la feuille de route globale ?
A la mi-2016, Le Centre pour une Nouvelle Sécurité Américaine (CNAS) présenta un document intitulé « L’expansion du pouvoir américain » contenant une série de recommandations destinées à générer un consensus dans la classe politique états-unienne visant à « garantir la survie du système international favorable aux USA ». Pour ce faire, le think tank bipartite préconise des réformes économiques sur le plan intérieur, comme, par exemple, une restructuration de la dette et une réforme fiscale destinée à renforcer les bases du système états-unien dans l’objectif d’augmenter les dépenses militaires, économiques et diplomatiques qui lui permettront de s’étendre en Asie, en Europe et au Moyen Orient, trois régions-clefs pour une mondialisation durable.
C’est ainsi que les USA « pourraient dissuader par la voie diplomatique et militaire des puissances telles que la Chine et la Russie de remettre en question l’ordre international libéral actuel afin d’éviter un conflit militaire à l’échelle mondiale (sic) ». C’est également sur la base de telles propositions que ce think tank projette de militariser les Mers du Sud de la Chine et propose une réforme de l’OTAN pour renforcer son déploiement le long des frontières de l’Europe avec la Russie. Propositions qui ont toutes été appliquées par l’Administration Trump en continuation de la politique d’Obama, accompagnées d’autres mesures plus spécifiques concernant directement la Russie, comme la création d’une zone de sécurité dans le nord de la Syrie afin d’y installer des réfugiés et des forces alliées des USA, dans l’objectif de favoriser la partition du pays et de mettre un frein à Moscou suite à son engagement dans cette guerre.
Les récentes rencontres entre Trump et le président chinois Xi Jinping relèvent elles aussi du plan visant à faire adhérer la puissance asiatique à l’ordre international favorable aux multinationales états-uniennes d’une manière pacifique. D’où l’importance à accorder à cette feuille de route globale qui fait partie d’un consensus général des think tank en relation avec les figures de l’administration Trump, comme le secrétaire de la défense James Mattis et le conseiller pour la sécurité nationale H.R. Master.
En quoi cela concerne-t-il le Venezuela ?
L’objectif poursuivi est de déplacer le conflit en cours au Venezuela sur un terrain « à somme nulle ». Tout le monde sait que le Venezuela constitue la principale source de ressources pétrolifères dans le monde et possède un large éventail de réserves aquifères, de gaz et de minéraux stratégiques au profit de l’industrie technologique, spatiale et militaire d’un système qui prétend imposer sa domination sur d’autres parties de la planète. C’est pourquoi sécuriser ce territoire, source d’approvisionnement peu coûteuse, est certainement une stratégie payante pour un plan d’expansion hégémonique que l’on cherche à imposer au monde.
Un extrait du rapport du Centre pour une nouvelle sécurité américaine dit très clairement qu’il est de première importance pour les USA d’obtenir certains avantages sur les marchés énergétiques qui contribueront à étendre leur pouvoir à un niveau mondial. Ce qui équivaut pour le Venezuela à régresser à son statut antérieur qui permettait aux descendantes de la Standard Oil (Exxon, Chevron, Conoco Phillips…) de contrôler directement et indirectement l’industrie pétrolière du Venezuela en leur fournissant justement ces mêmes avantages stratégiques. Il est amplement reconnu aujourd’hui qu’au moins 24 transnationales pétrolières ayant passé des accords avec PDVSA et l’État vénézuélien et fonctionnant selon un régime d’exploitation mixte existent aujourd’hui dans ce pays.
Cela permet de comprendre que des multinationales comme Exxon, Mobil et Chevron financent les sanctions contre le Venezuela, allant même jusqu’à contrôler le Département d’État US, et qu’elles entretiennent des relations très particulières avec l’argent des think tank qui fomentent des actions contre le pays.
Citons parmi de nombreux exemples la récente proposition du Conseil des Relations Extérieures soumise au Congrès US visant à renforcer le blocus étranger par l’intermédiaire de l’OEA, et la visite de Luis Almagro à l’Institut Américain des Entreprises quelques jours avant la présentation de sa demande d’application de la charte démocratique contre le Venezuela. Toutes ces initiatives ont le même but et comptent sur l’appui explicite d’autres think tank comme le Conseil des Amériques et celui de l’Atlantique, tous deux constitués de compagnies particulièrement intéressées par les ressources naturelles du pays qu’elles veulent exploiter en dehors de toute médiation de l’État vénézuélien.
Qu’en est-il de l’équation régionale ?
Le Venezuela est considéré comme le pays-clef garantissant que l’Amérique Latine continuera à être une source d’approvisionnement en ressources naturelles et en main d’?uvre à bas prix, toujours selon l’optique de la stratégie globale mentionnée plus haut, après les changements de gouvernements favorables à cette politique en Argentine et au Brésil.
C’est à cette fin que le Conseil de l’Atlantique a présenté une projet proposant que le Mercosur et l’Alliance du Pacifique s’unissent dans une zone de libre échange commercial qui permettra à la région d’intégrer une méga plate-forme commerciale avec les USA et l’Europe afin de pénétrer avec plus de force le marché asiatique. Cette initiative est en plein processus de mise en ?uvre après les discussions entre les deux organismes régionaux antérieures à la suspension du Venezuela du Mercosur, qui constitue une violation flagrante de la législation internationale de cette ligue commerciale. Il est certain qu’en se débarrassant du Venezuela, le principal obstacle pour réaliser ce plan régional serait levé conformément à la stratégie globale promue par ces think tank.
D’où le niveau d’intensité de la pression exercée sur le Venezuela afin d’en finir avec sa « mauvaise influence » sur la région (par exemple en luttant contre l’existence du programme PetroCaribe par lequel le Venezuela fournit du pétrole bon marché aux pays des Caraïbes) et en cherchant à déplacer le conflit politique actuel sur un terrain « à somme nulle » sur lequel toute tentative d’arriver à un consensus politique national qui ne serait pas sous tutelle étrangère et laisserait les Vénézuéliens résoudre la crise, sera sabotée depuis l’extérieur. Ceci en application des mesures dont discutaient déjà les ambassades US en Amérique latine vers 2007 pour en finir avec l’héritage négatif de Hugo Chavez.
Notes
(1) Comme l’explique le syndicaliste français Gilles Maréchal (CGT), « les médias dominants sont dans une phase où le Venezuela ne les sert plus, depuis qu’ont été écartés les risques de l’élection à la Présidence de Jean-Luc Mélenchon et de l’arrivée à l’Assemblée Nationale d’une vague de députés de France Insoumise et du PCF ». Phénomène déjà observé lors de récentes campagnes électorales en Espagne ou en Grèce. Les titres des médias français ne sont pas le fruit d’enquêtes ou d’informations directes du terrain ; mais la reprise de ce que disent les médias d’opposition (majoritaires en radio, télévision, presse écrite et réseaux sociaux au Venezuela) ou états-uniens.
(2) Voir http://www.telesurtv.net/news/Embajadora-de-EE.UU.-llama-a-mantener-la-presion-sobre-Maduro-20170628-0073.html
(3) Lire, de Philippe Huysmans : « Quand Mike Pence dénonce le « totalitarisme » au Venezuela », http://www.levilainpetitcanard.be/articles/actu/quand-mike-pence-denonce-totalitarisme-venezuela_1872385488
Mision verdad MAYO 7 DE 2017
Traduction : Frédérique Buhl
Viva Venezuela 30 Juin 2017