La trajectoire musicale de King Kino est surtout marquée de controverses et de cassures intermittentes. Elevé à Port-au-Prince, sous le contrôle de sa grand’ mère Mme Clébert, l’adolescent Pierre Raymond, s’est retrouvé par la suite au King’s County, au début des années 1980. Où il a évolué dans l’ambiance religieuse de sa mère qui est une révérende à côté du pasteur Luders, en charge d’une église méthodiste située à l’angle des avenues Nostrand et de Clarendon, à Brooklyn. C’est là qu’il a eu la bonne fortune d’être guidé musicalement par le moniteur et multi-instrumentiste de l’église Rousseau Telfort, décédé au cours du mois de Janvier 2021. Une opportunité qui va lui permettre de mettre en évidence ses talents multiples de : batteur, pianiste, guitariste, bassiste et de vocaliste.
Pendant ce temps, Pierre Raymond fréquente le South Shore High. L’un des plus sélects High School de Brooklyn, distinct des lycées poubelles comme : Erasmus, Tilden, Wingate et autres. Bien que sa mère voyait d’un mauvais œil qu’il fût plus intéressé à une carrière d’artiste de musique d’ambiance, plutôt que d’être un musicien de gospel. Ce qui va entrainer une certaine rupture familiale. Lui permettant de se réorienter à la fameuse mansion de East 26 à Brooklyn, comme pensionnaire des frères James et Pierre ‘’captain jean’’ Provilus où il continue d’affermir ses aptitudes musicales. C’est l’époque marquant la fin du disco, propulsant le funk, la dance-hall, le break dance, la pop etc. A cette étape, il se mue en groupie du « Tabou Combo », l’orchestre qui lui donne des idées et dont il mijote d’animer l’avant-garde à la manière de Shoubou son idole. Déterminé à se faire un nom dans le show-business, il était prêt à tout.
En s’insérant dans toutes les allées politiques et culturelles de la diaspora, comme artiste, activiste ou opportuniste. S’imposant même en dj ; animant les petites boites de la ville. Jusqu’à se frayer une place au sein de l’équipe de l’émission dominicale : Moment Créole, comme disc-jockey en tandem avec le défunt Stanley Barbot. Ce qui l’a gratifié du surnom de ‘’Sweet Pier’’ par Fritz Martial, le directeur de ce programme hebdomadaire. Parallèlement, il parcourt les groupes obscurs dont le « Stone band » avec ces meneurs : Atyaba, Gady et aussi Lémy, Pègigit, Cameau, Tibass etc. Une phase transitoire qui le propulse avec le « Moon Foo Band », formation avant-gardiste à l’avènement rap/hip-hop, en compagnie de Mireille Laurent, Edison et autres dans une autre collaboration éphémère. C’est le temps de sa métamorphose en mohawk, cette marque de chevelure qui lui a valu d’être appelé ‘’the brother from another planet’’ (le frère venu d’une autre galaxie), par plus d’un.
le coup d’état sanguinaire qui s’ensuit, va complètement agrandir son image d’artiste engagé
Subséquemment, il a dû rebrousser chemin pour rallier la formation-maison les « Partners». Laquelle commence à sortir des sentiers battus; en s’illustrant en multiinstrumentiste. Et s’attelant à se munir d’un style vocal d’apparence baroque et démuni de repères. Alors que ce groupe commence à se ruer en dehors de l’immobilisme. Il décide de l’abandonner, avec en possession le tube qui allait le sortir de l’anonymat : ‘’Sa fè mal’’. Pour battre le rappel du groupe « Kajou » qui est une initiative spontanée. Bien qu’à cette étape sa notoriété de show-man patenté, d’artiste flamboyant commence à prendre de la bouteille. Tout auréolé d’un pitch pittoresque, reconnaissable à mille lieux ; ainsi qu’une grande renommée de gueule de bois. Mais, ne pouvant trouver de preneurs parmi les têtes d’affiche, il s’est résigné à réintégrer le « Partners ». Cette fois-ci au grand dam du maestro James Provilus qui n’admettait plus qu’il vienne imposer ses diktats.
Néanmoins, Kino dut convaincre le gros de la bande dans la concrétion du groupe « Phantoms ». Ce qui ne fut qu’une formalité. Puisque leur premier album : ‘’Louvri baryè’’ était déjà gravé sous le label ‘’Partners’’. Ce qui va lui permettre de se repositionner, en se renommant King Kino. Et leur second plus significatif :’’ Fò w pa bouje’’ est sorti en plein délire ‘’lavalassien’’. Pourtant, le coup d’état sanguinaire qui s’ensuit, va complètement agrandir son image d’artiste engagé. Notamment avec le hit :’’ Ayiti an kòbòy’’, réminiscences des exactions des tontons macoutes, cagoulards (précurseurs des kidnappeurs actuels) et, militaires sadiques des Duvalier père et fils. Pendant que les attachés et les militaires psychopathes de Raoul Cédras et de Michel ‘’sweet micky’’ François (disciple de papa et de baby doc et grand criminel du terroir depuis Charles Oscar Etienne, qui va être pourtant surpassé par Guy Philippe). Ainsi que les ninjas des Bigio et de Michel ‘’sweet micky’’ Martelly, lesquels prenaient du plaisir à livrer le corps des mutilés aux cochons affamés de ‘’Titanyen et de Cité Soleil.
C’est donc dans ce contexte que King Kino a atteint le cœur d’une multitude. De tous ceux qui aspiraient au changement, après trente années de dictatures ombrageuses. Et qui venaient de voir leur rêve de démocratie assassiné par un petit groupe d’apatrides à la solde de l’international. C’est l’auréole dont le King et le « Phantoms » se sont affublés durant les trois années qui ont vu les Cedras, Michel François, Michel Martelly, Toto Constant, Chambelain et autres criminels se livrer en exécuteurs des basses besognes du consortium impérial. Pourtant, de l’exil, un appât va être tendu à King Kino & Co. En effet, Sweet Micky qui était interdit de voyage aux E.U pour tous les méfaits dus à un délinquant de son espèce, est pourtant sommé de reprendre du service sous la forme d’un duel musical avec le « Phantoms » au Madison Square Garden. Un test que notre ‘’artiste militant’’ n’a pu éviter, malgré le conseil des sages. Et qui allait causer les premiers doutes dans l’esprit des fans. Malgré l’opposition de la collectivité, le King a choisi la duplicité. Et la communauté encore attentive et combattive boycotta complètement la mascarade.
Le propulsant comme la figure la plus dominante de l’heure du music-hall local.
Entretemps, suite à une lutte permanente des militants conséquents, Aristide pouvait enfin retourner au bercail, après trois ans de séquestration. L’occasion pour King Kino et le « Phantoms» d’aller recueillir le fruit de leur position anti- coup d’état au pays. Où ils sont reçus en apothéose et installés sur un piédestal qui va leur attirer la haine de leurs compétiteurs. Et, préalablement c’était la sortie du double disque ‘’Résurrection’’, à travers lequel on soupçonnait la main persuasive du laboratoire, toujours à l’affut. Afin de tirer ses marrons du feu dans le morceau :’’ Réconciliation’’, lequel suggérait aux victimes et bourreaux de marcher bras dessus, bras dessous, comme si le passé n’était pas passé. De plus, lorsque le NY Times, l’organe ‘’ think tank’’ des libéraux de Washington a donné une couverture médiatique sans précédent à la tournée du « Phantoms ». Ainsi qu’à leur cd ; le comparant au double album des « Beatles ». On sentait dès lors qu’il y avait anguille sous roche.
En tous cas, c’est un public en délire qui a reçu King Kino et sa suite au pays. Le propulsant comme la figure la plus dominante de l’heure du music-hall local. Jusqu’à être invité en fanfare par Aristide à Tabarre. Lequel lui a donné l’aval de distribuer les riz avariés d’Arkansas de Bill Clinton. C’est la gloire sans partage pour Kino qui, abasourdi par une telle popularité commence à avoir des tentations politiques. De retour dans sa base new-yorkaise, il semblerait que la musique n’était plus qu’un tremplin pour atteindre d’autres buts. Entre temps, c’est Préval le faux frère qui est le gagnant immérité des sacrifices populaires. Pendant que Manno Charlemagne occupe la mairie de Port-au-Prince. Ces deux larrons en foire, sans doute de mèche avec le laboratoire, vont jusqu’à aller récupérer le ‘’ninja’’ Sweet Micky en cavale à la Floride, après ses excès sanguinaires durant le règne inique de ses acolytes Cédras et Michel François. Ce qui a donné plus d’appétit politique à Kino.