Quelques minutes avant 5h de l’après-midi, le jeudi 31 janvier 2019 dernier, le suspense a pris fin, quand quatre juges de la Cour des comptes et du contentieux administratif en l’occurrence Fritz Robert St-Paul, Rogaville Boisguéné, Marie Neltha Féthiere et le président de la CSC/CA, Pierre Volmar Desmesyeux se sont présentés au Parlement pour remettre le rapport tant attendu sur le scandale de la dilapidation des fonds de Petrocaribe à l’actuel président du Sénat Carl Murat Cantave.
Rappelons que ce document fait suite aux deux derniers rapports que le sénat haïtien avait produits sur ce dossier et que le Sénat avait confié à la Cour des comptes le 1er février 2018 dans l’objectif de les auditer en bonne et due forme. Ainsi, la Cour a finalement remis la première partie de ses travaux basés sur tous les projets issus des 14 résolutions prises par les présidents, René Garcia Préval, Michel Joseph Martelly et Jocelerme Privert.
Selon la correspondante de la Radio-France Internationale (RFI) Amélie Baron : « Pour chaque projet qu’elle a vérifié, la Cour supérieure des comptes a consigné les manquements et les graves soupçons de fraudes et de favoritisme qui ont été commis par les ministres des six gouvernements haïtiens qui se sont succédés depuis 2008: des contrats sans aucun détail sur les travaux et parfois aussi sans échéancier, des projets dont les budgets doublent ou triplent sans qu’il n’y ait jamais de justification, des violations quasi permanentes des lois sur les passations de marchés publics, en invoquant abusivement la loi d’urgence votée suite au séisme de 2010 ».
Outre le citoyen Michel Lecorps directeur du Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD) d’alors, entre autres fonctionnaires, les Premiers ministres Michèle Duvivier Pierre-Louis (2008-2009), Jean Max Bellerive (2009-2011), Gary Conille (2011-2012), Laurent Salvador Lamothe (2012-2014), Evans Paul (2015-2016) et Enex Jean-Charles (2016-2017) auront quand bien même le dos au mur de la justice corrompue haïtienne.
Cependant, le rapport partiel a déjà fait grincer les dents particulièrement aux actuels occupants du palais national puisque deux des firmes du président, Agritrans et Cophener SA, sont amplement indexés, puisqu’elles avaient reçu des sommes exorbitantes pour des travaux dont on ne voit pas jusqu’à nos jours les résultats clairement.
En fait, le 20 mai 2015, selon une correspondance adressée au BMPAD, le Ministère de l’Économie et des Finances sollicita un virement en gourdes pour payer les bordereaux de la compagnie Agritrans. Ainsi deux jours après soit, le 22 mai 2015, la BNC sur recommandation du BMPAD a décaissé 20 783 143.15 et 15 378 893.00 gourdes à l’ordre de l’Agritrans pour ses deux projets.
A ce stade, n’est-il pas opportun de signaler cette anomalie à savoir que la compagnie Agritans reconnue en tant que producteur de bananes. Pourtant les sommes reçues ont été libellées pour la construction d’un tronçon de route jusqu’à présent inachevé reliant Borgne au petit bourg de Borgne. Et dans le rapport de la Cour, les juges estiment qu’il y a totale confusion sur la nature de la devise ayant servi de référence au paiement des décomptes présentés par la firme AGRITRANS S.A. puisque l’un des projets d’Agritrans était libellé en dollar américain pas en gourde.
La firme AGRITRANS de Jovenel Moise pour se racheter face à cette anomalie grave a publié une note de contestation en invitant la Cour des comptes à approfondir sa vérification de sorte qu’elle puisse apporter les corrections nécessaires à son rapport.
Par ailleurs, selon le bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Stanley Gaston, le rapport « ne mènera le pays nulle part sur le plan judiciaire. C’est une décision unilatérale, c’est-à-dire un document administratif » Pour ajouter ensuite « Les personnalités mises en cause dans le cadre de l’affaire Petrocaribe ont de grands moyens financiers. Elles pourront engager des cabinets d’avocats haïtiens et étrangers pour assurer leur sécurité. Et, dans ce cas, les procédures seront interminables ».
Pour d’autres, ce rapport de la Cour des comptes a confirmé que les fonds Petro Caribe, un argent prêté par le Venezuela, ont été bel et bien dilapidés. A ce compte, le Premier ministre Jean-Henry Céant a annoncé que l’Etat haïtien a justement porté plainte contre les personnes qui ont dilapidé les fonds de Petro Caribe : « l’État haïtien, la première victime, a porté plainte aujourd’hui et sera toujours aux côtés de ceux qui réclament des éclaircissements sur l’utilisation des fonds PetroCaribe ».
En ce sens, peut-on conclure que l’Etat haïtien a porté plainte contre l’actuel Chef de l’Etat Jovenel Moise ?