Pendant ce temps, le Protectorat se met en place ! (2e partie)

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De gauche à droite, André Michel de l’incontournable Secteur Démocratique et Populaire (SDP) et l’ancien émissaire américain Daniel Lewis Foote

Certains ne savent pas que deux jours avant l’arrivée à Port-au-Prince des agents de la Cyber Security & Infrastructure Security Agency (CISA), une première équipe d’experts américains avait déjà foulé le sol haïtien dans le cadre du soutien à la sécurité du territoire, sollicité par les autorités d’Haïti. C’est une équipe de la Transportation Security Administration (TSA) américaine qui est à pied d’œuvre en Haïti depuis le 25 juillet 2021. Officiellement, ces techniciens travaillent de concert avec leurs homologues haïtiens de l’AAN (Autorité Aéroportuaire Nationale) et de l’OFNAC (Office National de l’Aviation Civile). En vérité, la réalité est tout autre. Ces employés américains ont tout naturellement pris le contrôle des aéroports et ports du pays qui, il faut le reconnaître, ne sont que de véritables passoires livrées à la contrebande opérée par des oligarques et les tenants du système.

Il suffit de voir comment un groupe de mercenaires est infiltré dans le pays en traversant le plus calmement du monde le plus grand aéroport international du pays et les frontières haïtiennes sans être inquiétés jusqu’à commettre leur forfait sur un chef d’Etat en exercice sans élever aucun soupçon. Pour les dirigeants de Washington, il ne fait aucun doute : les aéroports et ports d’Haïti sont les maillons faibles du système de sécurité du pays. Pour eux, il était temps qu’ils les prennent en main. Depuis, c’est fait.  On n’oublie point la présence des conseillers américains dans les différents ministères surtout celui de l’Economie et des Finances qui tentent, depuis leur arrivée au cœur de ce bastion régalien de l’Etat, un redressement difficile sur le plan économique. Pour le moment, le gouvernement américain n’a pas encore pris de manière effective le contrôle de la banque centrale d’Haïti (BRH) comme en 1915 et le rapatriement des Réserves d’or du pays dans les coffres de la Reserve Fédérale Bank. Mais, au train où va ce pays, nous n’en sommes pas loin.

Tout comme s’il n’y a pas encore de troupes militaires américains qui défilent officiellement à travers les rues de villes et campagnes haïtiennes, le moins que l’on puisse dire, leur présence n’est pas si loin. Puisque, dans les heures qui ont suivi l’annonce de l’assassinat du chef de l’Etat haïtien et à la demande des autorités du pays, plusieurs dizaine de militaires US sont envoyés et ont débarqué en Haïti dans le but de renforcer et d’assurer la sécurité des Sites et du personnel américains et d’autres étrangers résidents sur le territoire haïtien, selon la terminologie officielle. Certes, ils se font discrets et même furtifs à travers les rues de la capitale en restant cantonnés dans leurs bases soit à l’ambassade US soit dans les résidences des diplomates prêts à passer à l’action en cas de troubles sérieux à l’ordre public et à la demande de leurs chefs politiques et militaires. D’ailleurs, les premiers groupes de militaires US ont été renforcés par l’envoi en Haïti de 200 autres marines dans le cadre du support des Etats-Unis aux victimes du séisme qui a dévasté les trois départements du Grand Sud (Grand’Anse, Nippes et Sud) le 14 août 2021.

Ce tremblement de terre d’une magnitude 7,2 sur l’échelle de Richter dans le Grand Sud dont le bilan ne cesse de s’élever (2 248 morts, 329 disparus, 12 763 blessés, 53 815 maisons détruites et 83 770 endommagées. Embarqués à bord du navire « USS Arlington » le 17 août, les marines ont touché le sol haïtien le samedi 21 août 2021 pour être déployés sur le terrain, avait annoncé l’ambassade américaine à Port-au-Prince sur son compte Twitter. « USS Arlington est parti le 17 août avec une Unité de péniches de débarquement de l’Unité de péniches d’assaut 2 afin de fournir une assistance humanitaire et des secours suite au tremblement de terre de magnitude 7,2 survenu le 14 août en Haïti. Notre premier objectif est de sauver des vies tout en allégeant les souffrances du peuple haïtien » avait déclaré le Capitaine Eric Kellum, Commandant de l’USS Arlington. Justement, en pleine gestion de cet énième cataclysme dans le pays, l’ex-Envoyé spécial, Daniel Lewis Foote s’était précipité pour effectuer un second voyage en Haïti en moins d’un mois en vue de poursuivre son travail de reprise en main du pays et de mettre l’ensemble de la classe politique au pas.

D’un côté, le bras socioéconomique et humanitaire du gouvernement américain, assuré par l’USAID (Agence des Etats-Unis pour le développement international), prend la gestion Post-séisme en Haïti à travers ses différentes agences et des sous traitants locaux (gouvernement et ONG privées). De l’autre côté, il y avait le vrai patron, Daniel Lewis Foote qui donnait les directives aux autorités haïtiennes et dire ce qui doit être fait et surtout définir l’après-Jovenel Moïse selon sa vision et celle de Washington. Dès son arrivée dans la capitale haïtienne les jours qui ont suivi le tremblement de terre du 14 août, l’ex-Envoyé spécial pour Haïti s’était consacré à rencontrer et écouter une nouvelle fois tous les acteurs sociopolitiques et du monde des affaires. Cette fois, l’ambassadeur Foote avait fait fort. Peut-être aussi que les autres avaient compris que, définitivement, en ce qui concerne les choses politiques en Haïti, il n’y a qu’un décideur. Il s’appelle Monsieur Foote tout au moins Washington.

En effet, au cours de cette nouvelle convocation aux dirigeants des formations politiques, mêmes les leaders les plus radicaux avaient répondu présents à son invitation. Ceux qui avaient fait le gros dos lors de la première visite, s’étaient tous précipités au bureau du chef, pour entendre sa définition de la Constitution en ce qui concerne le Pouvoir exécutif haïtien aujourd’hui. « Nous avons dit à Monsieur Foote que la Constitution haïtienne amendée de 1987 encore debout exige un Exécutif à deux têtes. Le Premier ministre ne peut pas convoquer le peuple dans ses comices. C’est une attribution présidentielle selon la Constitution » répéta Rosemond Pradel de la Fusion qui pensait convaincre l’ex-Envoyé spécial de Washington. Depuis, Rosemond Pradel et son parti FUSION ont changé d’avis sur une direction bicéphale pour la Transition en signant l’Accord du 11 septembre 2021 avec le Premier ministre a.i Ariel Henry. D’ailleurs, ils ne sont pas les seuls.

S’affirmant de plus en plus en véritable patron et donneur d’ordre, Daniel Lewis Foote avait d’emblée mis les points sur les I avec ses invités. Il laissa entendre aux chefs de Partis politiques qui étaient venus se plaindre du caractère inconstitutionnel de la seule présence du Dr Ariel Henry à la tête du pays en tant que chef du gouvernement et chef du Pouvoir exécutif qu’il était hors de question de désigner un successeur provisoire au feu Président Jovenel Moïse. Rosemond Pradel, Secrétaire général de la DIRPOD (Direction Politique de l’Opposition Démocratique), reçu parmi les de chefs de Partis, avait été surpris de la réaction de l’ex-Envoyé spécial de Joe Biden pour Haïti quand il avait abordé la question de l’exécutif haïtien. Selon le journal Le Nouvelliste du 20 août 2021 qui a rapporté les propos de Rosemond Pradel, l’ex-Envoyé spécial pour Haïti a été on ne peut plus clair sur la question de l’exécutif bicéphale « Monsieur Foote nous a dit qu’au lieu de deux dirigeants inconstitutionnels, vaut mieux en avoir un seul à la tête du pays » dont acte.

Après ce refus catégorique de Washington de revenir sur la désignation d’un Président provisoire de la République avant les élections générales, tous les leaders des partis de l’opposition qui s’étaient rendus chez Daniel Lewis Foote se sont rabattus finalement sur des sujets moins clivants. Comme les élections et l’insécurité dans le pays avant de se faire une raison avec le Premier ministre Ariel Henry et son « Accord » dit de la Primature dans lequel ce sont les radicaux qui tiennent le haut du parvis. De Fanmi Lavalas à Tèt Ansanm en passant par En Avant de l’ancien député Jerry Tardieu sans oublier l’incontournable Secteur Démocratique et Populaire (SDP) d’André Michel qui avaient rencontré celui qui faisait officieusement office de Gouverneur, tous avaient présenté les mêmes requêtes devant Daniel Lewis Foote. « Nous sommes dans une situation exceptionnelle. Il faut nécessairement trouver un consensus assorti d’un accord politique pour : la mise en place d’un gouvernement de consensus ; un coup de balai au niveau du leadership de la Police nationale d’Haïti (PNH) en vue de rétablir la sécurité et de démanteler les groupes armés. La transparence financière ; la réalisation des procès des différents massacres d’État perpétrés dans les quartiers populaires et ainsi que le procès PetroCaribe.

La libération des prisonniers politiques, la mise en place d’un CEP provisoire, crédible, suivant le premier modèle constitutionnel et l’organisation de la Conférence nationale avec un débat particulier sur la Constitution et la participation de la diaspora. Pas d’élections à la fin de l’année 2021. Voilà, en gros, ce que nous avons défendu à cette rencontre avec Monsieur Daniel Foote » avait déclaré à la presse André Michel à sa sortie de la rencontre avec l’ex-Envoyé spécial de Washington pour Haïti. Une position partagée par l’ensemble des leaders politiques : les élections ne sont pas possibles cette année. Pour Rosemond Pradel de la DIRPOD, il faudra attendre même la fin de 2022, le temps que le pays soit complètement sécurisé. « Des élections oui, mais pas cette année. Il faut planifier les élections pour au moins à la fin de 2022 afin d’avoir des élus en fonction au début de l’année 2023 » répète le dirigeant de la Fusion des Sociaux Démocrates depuis rallié au pouvoir.

Sauf que, depuis, le Secteur Démocratique et Populaire (SDP) d’André Michel et ses amis s’est approprié de l’Accord politique d’Ariel Henry allant même à s’opposer à une fusion des différents Accords qui sont sur la table. Après ces rencontres, les acteurs politiques haïtiens y compris le chef du gouvernement a.i Ariel Henry dont le nom est cité dans le Rapport du RNDDH pour avoir reçu au matin du meurtre deux appels téléphoniques de Joseph Félix Badio, l’un des principaux accusés dans l’assassinat du Président Moïse, tout le monde attendait la réponse de « Monsieur Foote » après son retour à Washington. Car, le pays se trouve dans une telle dépendance vis-à-vis des Etats-Unis que la moindre décision ne peut venir que de son Envoyé spécial ou de ses émissaires  pour Haïti. Officiellement, en Haïti, pour le moment il n’y a ni un amiral US ni un Gouverneur encore moins de navires de guerre sauf (l’USS Arlington) visibles dans les rades du Cap-Haïtien ou de Port-au-Prince comme il y en avait il y a 106 ans pour marquer l’autorité et l’hégémonie américaine sur la République d’Haïti.

Mais, avec des Envoyés spéciaux pour Haïti, même résidés à Washington, ou d’autres « Emissaires » perpétuellement en mission à Port-au-Prince  et l’installation déjà dans le pays de différentes agences US Government, les Etats-Unis d’Amérique ont constitué une tête de pont d’occupation très avancée dans le pays depuis l’assassinat du Président Jovenel Moïse le 7 juillet 2021  bien que pour le moment cela prend la forme d’un « Protectorat. Le retour à Port-au-Prince en octobre 2021 de l’ambassadeur Kenneth Merten pour succéder à Michèle J. Sison en fin de mission confirme ce que plus d’un redoutaient depuis l’assassinat du Président Jovenel Moïse. En effet, la nomination de ce fin connaisseur d’Haïti, de la classe politique et des élites socioéconomiques de ce pays peut être interprété comme le signe évident d’une mise sous tutelle d’Haïti par Washington compte tenu de ses connaissances du fonctionnement du système politique, administratif et institutionnel haïtien. Car l’ambassadeur Kenneth Merten a déjà fait ses preuves en tant qu’intervenant direct dans les affaires intérieures haïtiennes au plus haut niveau.

Son célèbre «  Michel Joseph Martelly n’est pas un citoyen américain » le 8 mars 2012 demeura graver dans les annales haïtiennes suite à ce qu’on appelle « l’affaire de nationalité américaine » de Michel Martelly alors accusé par le sénateur Jean-Charles Moïse de détenir un passeport des Etats Unis d’Amérique.  Celui qui est désormais chargé de faire le relais de la politique américaine en Haïti avec les différents « Emissaires et Missions » délégués par la Maison Blanche charrie aussi sur nom un tas de dossiers qui ne fait guère honneur à sa réputation en Haïti entre autres, la CIRH, l’élection présidentielle de 2011 et même celui du fonds PetroCaribe qui a été dilapidé par les dirigeants haïtiens sans qu’il ne leva les petits doigts. En tous cas,  il est trop tôt pour titrer « Les blancs débarquent » en Haïti. Mais, compte tenu de la succession de catastrophes politiques et naturelles qui s’abattent sur le pays et l’incapacité de la classe politique à définir une politique publique capable de sortir le pays et la population du désastre, on ne peut plus écarter cette hypothèse qui devient de plus en plus probable.

L’enlèvement des 16 citoyens américains et 1 ressortissant canadien le samedi 16 octobre 2021 par le gang « 400 Mawozo », est peut-être l’acte ultime qu’attendait la Maison Blanche pour donner son feu vert à cette intervention dont certains pensent désormais  est une question de temps. Il y a plus d’un siècle (juillet 1915), l’Oncle Sam était déjà venu au secours des élites politiques, économiques et culturelles après l’effondrement de leur pays. A l’époque, personne n’avait rien demandé, en tout cas, il n’y avait pas de demande officielle émanant des autorités haïtiennes. Sauf que la bourgeoisie n’était pas mécontente de voir arriver les Marines qui venaient pour les protéger. En 2021, c’est le gouvernement haïtien qui, dépassé par un événement que personne n’attendait, sauf bien évidemment par ceux qui l’ont provoqué et devant l’ampleur de ce drame politique qu’est l’assassinat d’un Président de la République, n’a rien trouvé de plus rassurant pour lui que de solliciter une intervention étrangère dans son pays. Si cette fois-ci la pilule est moins difficile à avaler pour certains, il ne reste pas moins qu’elle demeure insupportable pour d’autres qui ont toujours cru dans la force du peuple à trouver lui-même la solution à ses problèmes.

En voulant se mettre sous la protection du « grand frère » américain, les dirigeants haïtiens font preuve qu’ils n’étaient jamais préparés ni prêts à occuper la place qu’ils occupent depuis les trente dernières années sur la scène politique nationale. Quant aux élites économiques et intellectuelles, elles non plus ne sont pas exemptes de cette catastrophe dans laquelle se vautre le pays depuis des années. Par leur inconséquence et leur incohérence, les membres de ces élites ont contribué de manière éloquente à ce point de non retour donnant l’occasion à l’Oncle Sam de faire un retour, certes plus discret, mais non moins remarqué sur le sol sacré des Pères Fondateurs. Comme d’habitude, les oligarques de tout acabit devraient pouvoir sortir sans vergogne de cette situation honteuse pour le pays car, d’une manière ou d’une autre, ils sont toujours les grands gagnants. Seul le peuple en boira la coupe. Tel semble son destin dans ce pays. Pourtant, il n’en est pas moins légitime cette minorité, que cette castre, qui se croit être les seuls fils de Jupiter! (Fin)

 

C.C

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