Occupation étrangère : certains en ont rêvé, Ariel Henry l’a fait !

(Première partie)

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Les Conzé de la Nation : Ariel Henry et des membres de son gouvernement

L’histoire retiendra que les 18 membres du gouvernement de Transition post-Jovenel Moïse, en octobre 2022 : Emmelie Prophète Milcé, Culture et Communication ; Ricard Pierre, Planification et Coopération ; Liszt Quitel, Intérieur et Collectivités Territoriales ; Berto Dorcé, Justice et Sécurité Publique ; Michel Patrick Boivert, Économie et Finances ; Rosemond Pradel, Travaux Publics ; James Cadet, Environnement ; Jean Victor Généus, Affaires Etrangères et Cultes ; Bredy Charlot, Agriculture ; Ricardin Saint-Jean, Commerce et Industrie ; Luz Kurta Cassandra François, Tourisme ; Judith Nazareth Auguste, Haïtiens Vivant à l’Étranger ; Nesmy Manigat, Éducation Nationale ; Alex Larsen, Santé Publique et Population ; Sofia Loréus, Condition Féminine et Droits de la Femme ; Raymonde Rival, Jeunesse et Sport ; Pierre Ricot Odney, Affaires Sociales et Travail et Enold Joseph, Défense, tous dirigés par le Premier ministre de facto, Dr Ariel Henry, ont signé le document autorisant une nouvelle occupation d’Haïti par la Communauté internationale.

Oui, pas un ne manque à l’appel. Solidairement et collectivement, ils porteront tous cette lourde responsabilité d’avoir agi en « Conzé » pour trahir la mère patrie en la livrant pieds et poings liés à l’occupant. Aujourd’hui, Haïti est sous les « bottes » comme l’avait réclamé quelques semaines auparavant l’ancienne ambassadrice des Etats-Unis à Port-au-Prince, entre 2012-2015, Mme. Pamela Ann White. Sans détour, en effet, elle avait plaidé, lors d’une audition de la Commission des affaires étrangères du Congrès américain, le jeudi 29 septembre 2022, pour une intervention militaire rapide et brutale en Haïti afin de porter une solution à la crise multisectorielle qui paralyse totalement le pays depuis des lustres. Dans son plaidoyer pour envoyer des soldats étrangers sur le terrain en Haïti, Pamela Ann White paraissait assez agacée et même perdait son contrôle devant les membres de la Commission et les autres délégations invitées dont celle haïtienne composée des membres du RNDDH, (Réseau National de Défense des Droits Humains), Nou Pap Domi et POHDH (Plateforme des Organisations Haïtiennes de Défense des Droits Humains) entre autres pour expliquer qu’elle en avait assez des discours sur la situation de ce pays.

Selon elle, il fallait des actes. Le temps pour elle était venu de passer à l’action. « Tous les acteurs internationaux ne cessent de répéter que le renforcement de la sécurité, la croissance du Secteur privé, l’amélioration de l’éducation et des services de santé sont nécessaires – et ils ont raison. Mais, pourquoi ne pas admettre que ce dont on a besoin maintenant, ce n’est pas d’un plan quinquennal compliqué pour résoudre tous les défis d’Haïti, mais de bottes sur le terrain dès maintenant » avait- elle estimé sans langue de bois. Comme quelqu’un qui voulait en finir, l’ex-ambassadrice se faisait la Porte-parole d’une fraction de la classe politique haïtienne et américaine, surtout des Républicains qui l’avaient, d’ailleurs, invitée à intervenir devant cette Commission de la Chambre des Représentants des Etats-Unis. Elle est convaincue qu’il n’existe aucune autre option.

Mme. Pamela Ann White, l’ancienne ambassadrice américaine en Haïti avait plaidé, lors d’une audition de la Commission des affaires étrangères du Congrès américain, pour une intervention militaire rapide et brutale dans le pays

La Communauté internationale et le gouvernement américain, en particulier, d’après elle, devrait employer la manière forte, c’est-à-dire, envoyer un Corps expéditionnaire sur le terrain en Haïti, une force ayant pour mission de prendre totalement en charge l’ensemble des administrations publiques haïtiennes. Avant de réclamer des « bottes sur le terrain dès maintenant », Pamela Ann White avait fait un descriptif de l’Haïti d’aujourd’hui et exprimé sa conviction sur les remèdes à apporter : « Il est temps de jeter les gants et d’arrêter de prétendre que la diplomatie « normale » fonctionnera en Haïti. Comme le savent tous ceux qui se soucient du peuple haïtien, Haïti est un État en faillite. Il n’y a pas de gouvernement légitime, pas de système judiciaire, pas de Parlement, et une faible force de police incapable d’arrêter les gangs qui règnent désormais sur 60% de la capitale. Il n’y a aucune chance de planifier des élections dans le cadre de la crise sécuritaire actuelle.

Il ne fait absolument aucun doute que les Haïtiens vivent dans des conditions infernales, tous les services sociaux ont été supprimés il y a plusieurs mois » a estimé l’ex-diplomate le jeudi 29 septembre 2022 devant les parlementaires américains. A la vérité, celle qui a occupé des postes en Haïti au cours des années 1982-1985 avant de revenir à titre d’ambassadrice dans la capitale haïtienne après le séisme de 2010, donc ayant une parfaite connaissance et du pays et de sa classe politique, n’était pas la première à avoir sollicité dans l’urgence le recours à la force étrangère en Haïti pour rétablir la situation devant la faillite de l’Etat et surtout l’incompétence des dirigeants haïtiens de ces dernières décennies. Rappelons-nous, dès le début du mois de septembre 2022, c’est le Secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains (OEA), Luis Almagro, qui, dans une tribune peu diplomatique, avait exprimé son souhait pour que la Communauté internationale prenne Haïti en main devant la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire du pays.

Certes, le Secrétaire général de l’organisation hémisphérique parlait en son nom, mais en vérité, personne n’avait fait foi de sa sortie en solitaire qui serait motivée par sa conscience humaine. Comme si sa tribune n’exprimait point la position de la quasi-totalité des Etats membres de l’OEA sur les dirigeants haïtiens et sur le pays tout entier. Il suffit de voir avec quelle diligence la quasi-totalité des États membres de l’OEA ont répondu favorablement à la demande des autorités haïtiennes d’une aide militaire de la Communauté internationale. Ils étaient 19 États à avoir signé une Résolution conjointe le 7 octobre 2022 à Lima au Pérou lors de la 52e Assemblée générale de l’organisation. « Nous affirmons notre engagement à aider les Haïtiens à surmonter les défis sécuritaires complexes auxquels le pays est confronté, et appelons la Communauté internationale à fournir une assistance robuste en matière de sécurité, y compris le renforcement de la Police nationale d’Haïti. Nous nous engageons à travailler en étroite collaboration afin de rétablir un climat de paix en Haïti. Nous condamnons les abus commis par les gangs armés.

 Nous exhortons les partis au cœur du conflit à immédiatement mettre en place des couloirs humanitaires et à rétablir l’approvisionnement en carburant à partir du terminal de Varreux, ainsi qu’en eau potable afin de répondre aux besoins de base de la population haïtienne et de permettre aux hôpitaux de répondre à la montée des cas de choléra dans le pays. Nous réaffirmons notre solidarité avec Haïti, l’importance de promouvoir des solutions élaborées par et pour les Haïtiens et la nécessité de promouvoir rapidement une assistance ciblée et des mécanismes de collaboration visant à obtenir des résultats durables au profit du peuple haïtien » écrivent ces membres de l’OEA dans leur Résolution. C’est pourquoi, l’on s’imagine mal que le Secrétaire général de cette organisation régionale placée sous l’influence permanente de Washington n’avait pas consulté les autorités américaines avant de rendre public son avis « personnel » sur Haïti, un Etat que tous estiment être en faillite depuis longtemps. C’était le signe avant-coureur et peut-être un sondage grandeur nature auprès des autres institutions et organisations internationales, histoire de voir leur réaction.

Luis Abinader, a rencontré au Capitole la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi. Il ne cesse de faire du lobbying et de mener campagne pour une intervention étrangère en Haïti

Il ne fait pas de doute, la tribune de Luis Almagro reflétait leur sentiment à tous sur la descente aux enfers du pays et le terrible échec du gouvernement intérimaire depuis l’assassinat du Président Jovenel Moïse, en juillet 2021. Que dire de l’activisme et du prosélytisme du Président de la République dominicaine, Luis Abinader dans ce dossier. S’il y a quelqu’un que cette nouvelle a vraiment ravi, c’est celui-ci.  Il se faisait l’avocat de l’option militaire en Haïti tant, d’après lui, ce pays représente un danger pour la sécurité de la région et de son pays en particulier avec une frontière poreuse. Depuis sa réélection à la présidence de la partie Est de l’ile, Luis Abinader ne cesse de faire du lobbying et de mener campagne pour une intervention étrangère chez son voisin Haïti qui devient pour lui un État paria, un pays failli. Partout, de toutes les tribunes des organisations internationales ou régionales, l’ONU, l’OEA, la CARICOM, etc, il ne plaide qu’une cause : l’occupation étrangère d’Haïti.

D’après Abinader, cette occupation serait bénéfique non seulement pour les Haïtiens, mais surtout pour la sécurité de la République Dominicaine qui porte Haïti comme un fardeau sur son dos. Devenu le grenier d’Haïti, Saint Domingue fournit tout ou presque aux Haïtiens. Mais, compte tenu de l’instabilité politique de son voisin, ce pays frontalier subit le poids évident de l’immigration illégale transfrontalière et malgré d’énormes efforts déployés par le gouvernement dominicain, les Forces armées et les Services de sécurité pour stopper l’arrivée massive des haïtiens franchissant quotidiennement la frontière de façon illégale, cela ne donne aucun résultat ou très peu. Son obsession, il craint que l’arrivée massive des immigrés haïtiens ne déstabilise son pays. Alors, le Président dominicain croit que c’est la situation sociopolitique catastrophique de son voisin qui rend son combat de vouloir arrêter l’entrée de ces voisins encombrants sur son territoire perdu d’avance.

De fait, il prend la tête de cette croisade avec un seul objectif en tête : réussir à convaincre la Communauté internationale de reconnaitre officiellement la faillite de l’Etat d’Haïti, en clair, le prendre en charge par une occupation étrangère en bonne et due forme. Son activisme a été payant et ses efforts récompensés en partie. Car ce sont les autorités haïtiennes elles-mêmes qui reconnaissent leur propre échec et sollicitent dans une Résolution prise en Conseil des ministres le jeudi 6 octobre 2022 : « le supporte effectif par le déploiement immédiat d’une force spécialisée armée, en qualité suffisante, pour stopper, sur toute l’étendue du territoire, la crise humanitaire causée, entre autres, par l’insécurité résultant des actions criminelles des gangs armés et de leurs commanditaires. »

En clair, une occupation étrangère du territoire national. Dans cette affaire d’occupation étrangère d’Haïti, il n’y a pas que ces trois personnalités de premier plan qui ne croient plus à la diplomatie pour résoudre les crises haïtiennes successives. L’on se souvient d’un célèbre Envoyé spécial américain du nom de Daniel Lewis Foote à qui l’on a déjà consacré plusieurs chroniques durant cette Transition. Dès le départ, ce monsieur n’avait pas caché son désir d’envoyer des « Marines » en Haïti pour résoudre la crise. Daniel Lewis Foote estimait, dès sa première visite à Port-au-Prince dans le cadre de sa mission, que compte tenu de la situation et des positions très radicales des uns et des autres des acteurs sur la Transition, il n’y avait qu’un seul moyen d’aider le pays : c’est de s’emparer de toutes les institutions et toutes les administrations haïtiennes afin de mettre de l’ordre, selon lui.

Pour y arriver, il avait préconisé à ce moment-là le renvoi d’office de Ariel Henry qu’il n’a jamais porté dans son cœur. Pour Daniel Foote, le Premier ministre de facto est trop nul politiquement, donc inefficace, de fait, celui-ci constituerait un obstacle à la résolution de la crise. Foote estimait clairement que Ariel Henry ne pouvait faire partie de la solution. C’était à exclure ! Mais, cet Envoyé spécial du Président Joe Biden dans la capitale d’Haïti était confronté à un problème, un vrai problème à l’époque sur cette question. Il avait en face de lui une certaine Helen La Lime, la tutrice du Premier ministre de facto. Étant son protégé, Helen La Lime avait fait jouer son influence auprès de la Maison Blanche et à New-York auprès de Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, pour garder celui qu’elle avait nommé à la tête de la Primature quelques mois plus tôt. Finalement, le projet d’envoyer une force expéditionnaire en Haïti n’a pas été retenu à Washington dans la mesure où Mme La Lime avait fait jouer ses relations et son Carnet d’adresse.

(À suivre)

C.C

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