Nous condamnons la cruauté et la terreur déguisées en politique d’immigration !

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Les agents de l'immigration ont expulsé 900 femmes haïtiennes enceintes ou récemment accouchées

Le Réseau continental pour les droits des migrants haïtiens (REDMA) condamne les nouvelles mesures d’immigration adoptées le 6 avril par le gouvernement de la République dominicaine à l’encontre des migrants haïtiens et des Dominicains d’origine haïtienne. Ces dernières mesures comprennent un nouveau protocole dans les hôpitaux imposant l’identification obligatoire des migrants pour les soins médicaux et la détention des migrants sans papiers prouvant leur statut légal. Pour mettre en œuvre ces mesures, le gouvernement a ordonné la présence d’agents d’immigration dans 33 hôpitaux publics du pays, en particulier dans les maternités. Ces mesures, ainsi que la destruction de toute une communauté d’origine haïtienne et les violentes attaques contre les défenseurs des droits humains, illustrent la cruauté et la généralisation croissantes des violations des droits des personnes d’origine haïtienne en République dominicaine. Au cours des quatre premiers mois de 2025, le pays a rapatrié plus de 119 000 personnes en Haïti, soit une augmentation de 71 % par rapport à la même période l’année dernière.

Attaques contre les femmes enceintes et les bébés

Depuis l’entrée en vigueur des nouvelles mesures d’immigration le lundi 21 avril, les autorités ont intensifié leurs opérations de contrôle migratoire dans plusieurs régions du pays. Nous condamnons les autorités dominicaines pour la détention et l’expulsion de femmes enceintes et en post-partum dans les hôpitaux dominicains. Nous sommes horrifiés par les images de femmes pouvant à peine marcher en raison de leur grossesse avancée, escortées hors des hôpitaux par des agents de l’immigration. Selon plusieurs informations publiées dans les médias locaux, les agents de l’immigration ont expulsé 900 femmes haïtiennes enceintes ou récemment accouchées, et ont détenu des femmes et des adolescentes dominicaines noires sans papiers d’identité. Les autorités et organisations haïtiennes ont confirmé que les femmes enceintes, ainsi que celles qui viennent d’accoucher et leurs nouveau-nés, sont de plus en plus expulsées vers Haïti. Fin avril, en cinq jours, les autorités haïtiennes ont recensé l’expulsion de 154 nouveau-nés (sans compter leurs mères) à un seul poste frontière officiel. (1) Le gouvernement a non seulement expulsé des femmes et des nourrissons, parfois au péril de leur vie, mais les a également séparés de leurs bébés. Les défenseurs des droits humains ont dénoncé l’expulsion de femmes sans leurs bébés récemment accouchés. (2) Les autorités haïtiennes de protection de l’enfance ont signalé que, le 8 mai, un bébé d’environ 5 ou 6 mois a été expulsé de République dominicaine sans aucun de ses parents. (3) Ces actes violent le droit international et choquent la conscience.

Le président de l’Association médicale dominicaine a exprimé son inquiétude face aux dernières mesures, soulignant que la « responsabilité d’un médecin est de prodiguer des soins et de sauver des vies ». Il a demandé : « Pensez-vous qu’une personne ayant subi une césarienne… et traitée uniquement avec un fil puisse monter dans un camion et se rendre dans un pays voisin avec un nouveau-né d’un jour ? Pensez-vous que ce soit humain ? »

Un décès a déjà été confirmé à cause de cette politique. Lourdia Jean-Pierre, une femme de 32 ans, est décédée le 9 mai 2025, peu après avoir accouché à domicile, craignant d’être arrêtée et expulsée par les agents de l’immigration dans un hôpital si elle demandait des soins médicaux. Ce décès est la conséquence d’une politique gouvernementale visant délibérément à empêcher les femmes haïtiennes enceintes de recevoir des soins médicaux dans les hôpitaux. Des organisations en République dominicaine, dont plusieurs membres de notre Réseau, avaient déjà alerté sur le fait que cette politique gouvernementale mettrait en danger la vie des femmes enceintes ou en travail. Si la dernière « mesure migratoire » du gouvernement dominicain se poursuit, Lourdia ne sera pas la seule victime.

Ces mesures ne sont pas sans précédent. Le gouvernement Abinader avait déjà mis en œuvre des mesures similaires contre les femmes enceintes hospitalisées lors de son premier mandat, en 2021 et 2022. Cependant, ces mesures ont été largement relayées par la presse nationale et internationale, dénoncées par les organisations internationales et condamnées par les experts de  l’ONU. Le gouvernement Abinader réintroduit ces politiques cruelles et inhumaines, qui violent les droits humains et le droit international. Aujourd’hui, contrairement à 2022, la République dominicaine est membre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ; on pourrait s’attendre à ce que le gouvernement dominicain fasse preuve d’un engagement plus marqué en faveur des droits humains, mais c’est tout le contraire qui s’est produit.

Déplacements forcés et attaques contre les défenseurs des droits humains

Le gouvernement dominicain porte activement atteinte à la vie et à la sécurité des familles par de nombreuses politiques et actions. Au cours de la même semaine où le gouvernement a commencé à attaquer les femmes enceintes et les bébés dans les hôpitaux, les autorités ont attaqué le secteur Mata Mosquito de Friusa, un quartier de Punta Cana peuplé principalement de personnes d’origine haïtienne, afin de faire respecter les lois sur l’immigration et de démolir leurs maisons, en plus de procéder à une démolition à grande échelle du quartier. Tous les habitants de Mata Mosquito ont été expulsés, et plus de 500 personnes ont été expulsées. Outre les actions gouvernementales, des groupes ultranationalistes, tels que l’Antigua Orden Dominicana et le gang Los Angeles, ont également été pris pour cible le mois dernier. Les Trinitariens ont terrorisé la population de Friusa. Des groupes ultranationalistes ont organisé une marche le 30 mars à Friusa, autorisée par le ministère de l’Intérieur et la Police, et dont les participants étaient encadrés par des troupes du ministère de la Défense. Ils ont protesté contre la présence haïtienne dans la communauté de Friusa, affirmant que les Haïtiens étaient plus nombreux que les Dominicains et que leur présence visait à véhiculer l’identité dominicaine. Nous condamnons également les menaces et les attaques contre les défenseurs des droits humains lorsqu’ils tentent de se mobiliser et de dénoncer les préjudices causés aux personnes d’origine haïtienne. Le 27 avril, des membres de notre Réseau ont participé à une marche commémorant l’anniversaire de la Révolution d’Avril. Au cours de la marche, des membres de l’Ancien Ordre dominicain ont agressé les participants. Des membres du Réseau et d’autres personnes, dont des Haïtiens âgés ayant travaillé dans des plantations de canne à sucre, ont dû se réfugier dans une bibliothèque communautaire. Celle-ci était située à quelques mètres des forces de police et de l’armée. Ni la police ni l’armée déployée n’ont empêché l’attaque ni, une fois celle-ci déclenchée, n’ont arrêté les assaillants armés.

Nous exigeons davantage du gouvernement dominicain et de la communauté internationale.

L’État dominicain a pris des engagements internationaux visant à respecter et à garantir la vie et la dignité de toutes les personnes se trouvant sur son territoire. Il a également pris des engagements spécifiques pour protéger les femmes et les enfants. Bien que l’État revendique le droit de détenir et d’expulser des étrangers pour protéger son territoire et ses citoyens, la population actuellement attaquée, en particulier les femmes enceintes et les enfants, ne représente pas une menace pour la sécurité du pays comme on le prétend. De plus, parmi les victimes des démolitions de maisons et des détentions arbitraires de Friusa figurent de nombreux Dominicains, d’origine haïtienne ou non.

Gabrielle Apollon, coordinatrice du Réseau hémisphérique

Expulser des personnes vers Haïti en ce moment est un acte inadmissible. La République dominicaine a reconnu et dénoncé publiquement la violence en Haïti, exhortant la communauté internationale à lui apporter son aide, mais elle ignore l’avis de non-retour du HCR, qui appelle tous les États à suspendre les retours forcés vers Haïti.

Le 17 avril 2025, Gabrielle Apollon, coordinatrice du Réseau hémisphérique, a prononcé un discours au nom du Réseau devant l’Instance permanente des Nations Unies sur les personnes d’ascendance africaine. Elle a déclaré : « Nous appelons tous les acteurs à condamner la campagne de terreur raciale, déguisée en politique d’immigration, menée en République dominicaine contre les Haïtiens et les personnes d’ascendance haïtienne.» Quatre jours après ces déclarations, la République dominicaine a intensifié sa campagne de terreur raciale, ciblant avec encore plus de zèle les personnes les plus vulnérables au monde : les femmes enceintes et les bébés. En tant que réseau de défense des droits humains des immigrants haïtiens, nous exigeons que le gouvernement dominicain mette fin à la persécution et à la terreur contre les personnes d’ascendance haïtienne présentes dans le pays et qu’il cesse immédiatement la détention et l’expulsion des femmes enceintes et des malades dans les hôpitaux.

Nous exigeons que la liberté d’expression et de réunion des défenseurs des droits humains soit protégée. Compte tenu de la situation à haut risque pour les personnes racisées en République dominicaine, dans le contexte actuel de déportations massives, d’arrestations arbitraires et de mobilisations d’organisations ultranationalistes, nous appelons les Noirs du monde entier et leurs alliés du mouvement pour la justice raciale à condamner ces actes et à éviter de se rendre en République dominicaine pour le tourisme ou le travail, sauf en cas d’absolue nécessité. Le système d’apartheid en République dominicaine est de plus en plus brutal et enraciné, et cette oppression systémique et violente des Noirs d’origine haïtienne doit être combattue par un mouvement de solidarité transnationale similaire à celui qui a contribué à renverser l’apartheid sud-africain.

Notes :

1…Réunion du « Groupe de travail sur la protection des migrants » tenue le 9 mai, coordonnée par l’Organisation internationale pour les migrations – Haïti (Note conservée par les auteurs).

2…lb

3…Courriel d’un membre du personnel de l’Institut du Bien-être Social et de Recherche (IBESR), envoyé le 8 mai 2025 à 14h55 (Note conservée par les auteurs).

 

Mouvement des travailleurs socialistes de la République dominicaine

21 mai 2025

 

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