Lutter contre l’apartheid en République dominicaine est essentiel !

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Peinture murale en hommage à Florinda Soriano Muñoz, une militante et défenseure des droits des paysans en République dominicaine. Elle était assassinée alors qu'elle luttait contre la dépossession injustifiée des terres des paysans de Hato Viejo, à Yamasá, sous le second gouvernement de Joaquín Balaguer. Peinture murale : Kilia Llano

Lutter contre l’apartheid en République dominicaine est essentiel pour obtenir réparation pour les personnes d’ascendance africaine en République dominicaine.

 

Le Forum du bicentenaire pour les réparations pour les personnes d’ascendance africaine s’est tenu à Saint-Domingue du 16 au 18 janvier, avec la participation de représentants de 19 pays, dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine des Nations Unies. Dix ans après le lancement de cette initiative, force est de constater qu’en République dominicaine, les années de la Décennie des Nations Unies coïncident avec la consolidation d’un régime d’apartheid, conséquence de la décision 168-13 et de la loi 169-14, qui ont dénationalisé plus de deux cent mille Dominicains d’origine haïtienne, et d’autres politiques gouvernementales telles que les expulsions massives à partir de 2021, dans le cadre d’une suspension de facto des garanties constitutionnelles et du recours généralisé aux détentions arbitraires fondées sur le profilage racial.

La « Déclaration de Saint-Domingue », publiée à l’issue du Forum du bicentenaire pour les réparations des Afro-descendants, ne dénonce pas ces politiques du gouvernement dominicain. Nous approuvons certains points de la déclaration, notamment sa solidarité avec Haïti et la dénonciation de l’intervention militaire dans ce pays. Nous approuvons également la dénonciation des violations des droits humains en Équateur et en Colombie. Or, s’agissant de la politique raciste du gouvernement dominicain, seul le harcèlement des défenseurs des droits humains est dénoncé, sans même mentionner les auteurs de ce harcèlement, à savoir le gouvernement lui-même et ses alliés d’extrême droite.

Lorsqu’on exige des réparations pour les crimes coloniaux, tels que la traite transatlantique des esclaves, et leurs conséquences historiques de marginalisation et d’exploitation capitaliste, il faut clairement comprendre qu’il s’agit d’une demande dirigée contre les gouvernements des pays impérialistes et des anciens pays coloniaux, et que, plus que du lobbying, elle requiert d’énormes mobilisations. Un débat sérieux sur les réparations, dans un régime d’apartheid comme celui de la République dominicaine, doit inclure l’exigence de démanteler la discrimination raciale institutionnalisée, de progresser vers l’égalité des droits sociaux, économiques et politiques, de mettre fin à la traite des êtres humains, à la répression raciste et à la surexploitation perpétrée par le gouvernement et les capitalistes locaux et étrangers, de démanteler les groupes paramilitaires néonazis et d’indemniser les victimes de ces récents crimes racistes d’État.

En République dominicaine, la réparation implique la restitution de la nationalité à tous les Dominicains d’origine haïtienne dénationalisés par la décision inconstitutionnelle 168-13, et l’indemnisation des victimes de cette politique. La réparation implique le versement de pensions à tous les travailleurs retraités de la canne à sucre et l’indemnisation de leurs retards de paiement de plusieurs décennies. La réparation implique la justice pour les victimes de lynchages racistes comme Jean Harry « Tulile » et l’indemnisation des survivants et des familles affectées. La réparation implique l’arrêt des expulsions massives et racistes d’Haïtiens et de Dominicains d’origine haïtienne et l’octroi d’indemnisations. La fin des perquisitions sans mandat, des arrestations fondées sur le profilage racial, de la séparation des enfants de leurs familles, de la détention des femmes enceintes, entre autres crimes racistes perpétrés quotidiennement par le gouvernement dominicain. Les familles des personnes tuées par la police, l’armée et les agents de l’immigration lors des expulsions massives sont particulièrement importantes, ainsi que celles des femmes décédées faute d’avoir pu accoucher à l’hôpital en raison du protocole hospitalier illégal d’Abinader d’avril 2025.

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Il est certes important de réparer l’esclavage colonial, mais il est encore plus urgent de mettre fin au régime d’apartheid dominicain, qui a accumulé d’innombrables crimes au fil du temps. Par exemple, il est urgent de mettre fin au travail forcé actuel dans l’industrie sucrière dominicaine et de garantir le respect de la liberté d’association. Il est également essentiel de fournir des facilités de régularisation pour la communauté immigrée haïtienne, similaires à celles offertes aux immigrés vénézuéliens, afin de progresser vers l’éradication de la traite des êtres humains et du commerce corrompu des expulsions. Avec une véritable régularisation de l’immigration sans discrimination raciale, avec la syndicalisation et la reconnaissance officielle que la communauté immigrée haïtienne n’est pas un fardeau, mais apporte au contraire une contribution économique, sociale et culturelle importante, nous progresserions vers davantage de libertés démocratiques et la possibilité de vaincre le néo-trujillisme.

Il est également nécessaire que le gouvernement dominicain reconnaisse et présente des excuses pour le génocide de 1937 perpétré par l’État dominicain, et restitue les terres et propriétés volées par les responsables et sympathisants de Trujillo aux Haïtiens et aux Dominicains d’origine haïtienne de la région frontalière.

Foto : Orlando Ramos/Acento.com
La réparation implique la restitution de la nationalité à tous les Dominicains d’origine haïtienne dénationalisés par la décision inconstitutionnelle 168-13

L’un des mécanismes possibles pour le paiement des réparations par les pays impérialistes est l’annulation des dettes extérieures des anciens pays coloniaux et, dans le cas d’Haïti, le versement d’une compensation pour les dettes exorbitantes imposées par la France en échange de la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti.

La première réalité à laquelle se heurte toute demande de réparation est que nous sommes confrontés à un gouvernement raciste et négationniste. Ce gouvernement nie l’existence de politiques racistes actuelles, l’apatridie, les déportations massives qui violent les droits humains et est même allé jusqu’à nier l’existence de l’esclavage dans la colonie espagnole avant la création de l’État dominicain. Il n’existe même pas de commémoration officielle de l’abolition de l’esclavage en 1822 ni du génocide de 1937.

Les gouvernements et leurs alliés utilisent la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (ONU) pour blanchir et dissimuler leurs politiques capitalistes d’exploitation et d’oppression. Le bilan de la première décennie (2015-2024) en République dominicaine est négatif, et nous devons aborder la nouvelle décennie qui débute en 2025 avec un regard critique. Ce n’est que par une véritable lutte politique dans la rue, la mobilisation et le renforcement de la solidarité entre les peuples face aux gouvernements que nous pourrons progresser vers les réparations, la justice et la dignité nécessaires aux communautés afro-descendantes en République dominicaine, dans toute l’Amérique latine et les Caraïbes.

 

Mouvement des travailleurs socialistes de la République dominicaine    

18 mai 2025

 

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