L’insécurité: ce cancer qui mérite d’être traité en toute urgence

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Le Premier ministre Ariel Henry

L’ère Jovenel Moïse dont le relais final post-mortem avec l’écartement en douceur des «  Jovenélistes » est assuré par le premier ministre Ariel Henry, plus que toute autre chose, est dominée par une succession d’images sanglantes de victimes de tout genre et de tout âge livré à la barbarie de bandits sans foi ni loi à la barbe d’un État presqu’à dessein je-m’en-foutiste. Au cours des dernières années, le banditisme érigé en option préférentielle de mode d’exercice du pouvoir politique a transformé les kidnappings, les assassinats sur la population haïtienne innocente en faits divers. Cette banalisation de la violence avait atteint un moment épique avec l’assassinat tragique du président Jovenel Moise en juillet dernier, ce dernier, rappelons-le durant son règne en chair et en os, n’ayant jamais mesuré l’urgence de résoudre véritablement le problème persistant et brûlant de l’insécurité.

L’attente désespérée d’un changement de ton 

Le ton, sur la question de l’insécurité, malheureusement n’a pas changé avec le Premier ministre Ariel Henry aux commandes. Les cas d’assassinats, de kidnappings se multiplient au quotidien et le gouvernement actuel remanié en bonne partie avec des anciens opposants acharnés au président Jovenel Moïse,  ne donne aucun signe jusqu’à présent qu’il va prendre les mesures pour juguler ce phénomène. Par exemple, de juillet à septembre 2021, selon un rapport d’enquête  de la Cellule d’Observation de la Criminalité du Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH), environ 221 cas d’enlèvement ont été recensés en Haïti. D’après ce même rapport, le taux de kidnapping avait enregistré une hausse de 300% de juillet à septembre.

Encore une fois le CARDH, dans son dernier rapport de décembre 2021 dénonçant “l’hégémonie des gangs” en Haïti, a relevé qu’environ 949 cas de kidnappings ont été recensés de janvier à décembre 2021, ce qui fait d’Haïti à présent le pays accusant le taux le plus élevé de kidnapping par habitant.  Au cours de cette semaine, des gangs armés de Martissant ont encore fait triompher leur folie meurtrière et  endeuillé pour une énième fois des familles haïtiennes  en criblant des autobus passant dans cette zone considérée comme la “ vallée de l’ombre de la mort”. Plus que des vœux et des discours de circonstances, le pays attend impatiemment des actions urgentes du gouvernement d’Ariel Henry pour freiner la machine infernale de l’insécurité.

Le refus  d’une force internationale

Le premier ministre a opposé un non catégorique au possible envoi d’une force multinationale pour adresser la question sécuritaire en Haïti. Il a exprimé cette position suite à la réunion virtuelle convoquée par l’administration Biden le 17 décembre avec d’autres partenaires internationaux dans l’objectif de “relever les défis sécuritaires, politiques, et économiques en Haïti.

Le chancelier haïtien Jean Geneus et Michel Martelly

Il a fermement déclaré: « Nous ne demandons pas l’envoi de troupes étrangères pour venir faire le travail à notre place. La formule a été essayée ces dernières années et une fois ces troupes parties, la situation s’est dégradée et a empiré. » Il a tout à fait raison de rappeler que les missions onusiennes successives de stabilisation politique et sécuritaire ont largement échoué au cours des deux dernières décennies. Mais, oublie-t-il de mentionner, la débâcle onusienne est un échec partagé avec l’Etat haïtien, les dirigeants haïtiens n’étant nullement soucieux d’abandonner la politique politicienne au profit de la bonne gouvernance.

Le premier ministre demande en revanche plus de moyens pour permettre à la Police Nationale d’Haïti (PNH) de répondre au défi sécuritaire. Il réclame du support international pour “ l’acquisition de matériels et d’équipements ” et “ la formation spécialisée dans la lutte contre le terrorisme et les gangs armés.” Tout cela n’a pas du tout l’air d’un refrain nouveau. Les Etats-Unis, par exemple, si l’on se tient aux statistiques, fournissent déjà une assistance non négligeable en matière de sécurité  à la PNH. D’après le département d’Etat, entre 2010-2020, les Etats-Unis ont fourni une aide de 312 millions  de dollars pour “ renforcer la capacité de la police nationale à maintenir la paix et la stabilité”. En outre, les Etats-Unis disent avoir octroyé 5 millions de dollars pour soutenir une approche globale face aux gangs.

Mais qu’est-ce qui explique cette totale impuissance face aux gangs? Le chancelier haïtien Jean Geneus semble se réjouir que les Etats-Unis aient enfin accepté de fournir des armes létales à la PNH à partir de janvier prochain.  Est-ce que l’octroi d’armes létales va vraiment inverser le rapport de forces? Nous le souhaitons, mais, sans vouloir être pessimiste,  cela rappelle l’épisode des blindés l’an dernier et l’on sait que la montagne avait fini par accoucher d’une souris.  Aussi, il y a la question de la gestion de ces armes létales. L’Etat haïtien, souvent accusé de complicité avec les gangs, peut-il donner la  garantie  que ces armes létales ne vont pas changer de mains et atterrir en possession des gangs? Ce sont là des questionnements bien légitimes. Un fusil d’assaut Galil associé au palais national n-a-t-il pas été retrouvé entre les mains d’un gang impliqué dans l’affrontement de la Saline en novembre 2018?

La disparition d’armes légales pour se retrouver en possession de criminels de tout poil n’est pas un phénomène propre uniquement à des États gangstérisés comme Haïti. D’après une investigation de l’Associated Press parue l’été dernier, environ 1300 fusils et pistolets, entre 2013-2019,  ont disparu des registres des forces armées américaines et beaucoup de ces armes ont été utilisées pour commettre des crimes dans les rues ou se retrouver entre les mains de gangs. Cette enquête avait révélé par ailleurs  que les registres des forces armées américaines avaient seulement rapporté un total de 62 armes disparues.  Cet exemple, entre autres, nous permet de comprendre la grande complexité du défi sécuritaire en Haïti et l’Etat extrêmement faible d’Haïti que dirige Ariel Henry doit rester ouvert à la meilleure formule possible pour traiter en toute urgence ce cancer qui ravage la société haïtienne.

Joseph W. Alliance

 

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