L’Indépendance sera-t-elle célébrée ?

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Cette année encore, même la pure tradition du pèlerinage de se rendre sur la place d'armes des Gonaïves, le berceau de l’indépendance pour le Te Deum ne sera respecté et cela ne dérange personne !

Le Premier Janvier n’est pas pour nous autres Haïtiens un simple premier jour d’une nouvelle année comme pour tous les autres  peuples du monde. Ce premier janvier 2021 marquera le 217e anniversaire de la Révolution sociale haïtienne, une épopée antiesclavagiste et anticoloniale et sera aussi le 62e anniversaire du triomphe de la Révolution cubaine. 

Quel sens donner à ce jour inoubliable, inestimable, quand depuis la commémoration de notre Bicentenaire d’Indépendance en 2004 sabotée, gâchée, souillée par des traitres à la nation sous les diktats des puissances capitalistes ci-devant esclavagistes, ce jour-là a perdu toute son importance et sa valeur dans les annales politiques haïtiennes ? 

 Et cela ne revêt aucune signification politique ou patriotique. Mais c’est notre dignité et notre souveraineté en tant que peuple libre qui est menacée. Au lieu de tirer les leçons historiques de notre passé, nous sommes devenus les bourreaux de notre propre Nation. 

Aujourd’hui nous agissons à la place de l’ennemi structurel à faire sombrer dans le chaos la terre libérée que nous ont léguée les combattants de 1804. Commémoration est hommage méritée à ceux qui ont fait le sacrifice ultime de sorte que nous ne subissions pas leur sort. Sans leur haut sens de dignité, sans un profond sentiment d’appartenance à une juste cause, 1804 n’eût pas été possible. Quiconque n’a pas trouvé nécessaire de leur rendre hommages n’êtes-vous pas un traitre aux nobles causes de cette Nation !

Que cette classe politique moribonde entre dans les poubelles de l’Histoire comme ceux qui dans le passé ont collaboré avec les pays impérialistes pour piller et gaspiller les richesses nationales

Cette année encore, même la pure tradition du pèlerinage de se rendre aux Gonaïves, le berceau de l’indépendance ne sera respecté et cela ne dérange personne ! Pourtant, tout cet exercice méprisant à l’endroit de nos ancêtres fait le bonheur de ceux qui n’ont jamais digéré qu’Haïti soit la terre de la liberté et qui militent encore à effacer cette contribution historique dans l’histoire de l’humanité. 

La nouvelle année qui se profile à grands pas aura-t-elle dans ses bagages quelque chose d’autre qui permettrait que le pays reprenne un peu de sa souveraine et héroïque destinée ? Rien n’est moins sûr… d’autant que plus à l’horizon politique qui s’annonce continuation rime avec transition.

Et ce n’est pas le fruit du hasard quand trois membres du Congrès des États-Unis d’Amérique : Andy Levin, membre du comité des affaires étrangères de la chambre des représentantes et représentants, Gregory Meeks, nouveau président du comité des affaires étrangères de la chambre et Albio Sires, président du sous-comité de l’hémisphère occidental, de la sécurité civile et du commerce souhaitent une transition politique. Une façon que nous continuons sur la même routine sans aucun avancement sérieux, sans une rupture totale de classe avec les classes dominantes pour le bien-être du pays et du peuple comme le rêvaient nos ancêtres de la Révolution antiesclavagiste et anticoloniale de 1804. 

Nos ancêtres nous avaient tracé le chemin par une grande Révolution contre les conquistadores et les colons. Cette révolution a été trahie en 1806 par les agents des puissances étrangères de façon à réduire les masses populaires haïtiennes à sa plus simple expression. De sorte qu’ils s’emparent de toutes les richesses du pays et ne laissent rien aux misérables paysans. Et ce sont eux qui continuent à s’accommoder des puissances étrangères de sorte que le pays ne soit pas le phare qu’il devrait être.  

C’est cette même oligarchie dominante qui depuis 1806 s’est emparée du pouvoir et qui continue jusqu’à ce jour à nous humilier de sorte qu’Haïti devienne la risée du monde. C’est la résultante qui se manifeste dans la lutte entre l’opposition et le pouvoir en place visant à continuer la déstabilisation du pays au profit des puissances impérialistes, et cela n’est pas née d’aujourd’hui.

Il faudra avoir le courage de regarder en face l’ennemi local si l’on veut que les choses changent, en Haïti, et lui dire la vérité. Qu’on cesse de se rendre aux ambassades des pays impérialistes le 4 et 14 juillet pour trinquer avec lui, tout en boycottant la célébration de notre propre Indépendance.

Que cette classe politique moribonde entre dans les poubelles de l’Histoire comme ceux qui dans le passé ont collaboré avec les pays impérialistes pour piller et gaspiller les richesses nationales au détriment du peuple et des aspirations progressistes et révolutionnaires de nos ancêtres qui ont fondé cette nation.

Nous autres de Haïti Liberté, nous ne cesserons jamais de commémorer le Premier Janvier 1804. Jour Anniversaire de la Révolution haïtienne de 1804 et celle de la Révolution cubaine en 1959.

 Et c’est dans cet esprit que nous publions intégralement le discours magistral du chef de la Révolution haïtienne  Jean-Jacques Dessalines, le Premier Janvier 1804 sur la place d’armes des Gonaïves an 1er de l’Indépendance.


Citoyens, 

Ce n’est pas assez d’avoir expulsé de votre pays les barbares qui l’ont ensanglanté depuis deux siècles ;

Le monument de Jean-Jacques Dessalines sur la place d’armes des Gonaïves

Ce n’est pas assez d’avoir mis un frein aux factions toujours renaissantes qui se jouaient tour à tour du fantôme de liberté que la France exposait à vos yeux : il faut, par un dernier acte d’autorité nationale, assurer à jamais l’empire de la liberté dans le pays qui nous a vus naître ; il faut ravir au gouvernement inhumain qui tient depuis longtemps nos esprits dans la torpeur la plus humiliante, tout espoir de nous réasservir, il faut enfin vivre indépendants ou mourir.

Indépendance ou la mort … que ces mots sacrés nous rallient, et qu’ils soient le signal des combats et de notre réunion. Citoyens, mes compatriotes, j’ai rassemblé dans ce jour solennel ces militaires courageux qui, à la veille de recueillir les derniers soupirs de la liberté, ont prodigué leur sang pour la sauver ; ces généraux qui ont guidé vos efforts contre la tyrannie n’ont point encore assez fait pour votre bonheur … le nom français lugubre encore nos contrées.

Tout y retrace le souvenir des cruautés de ce peuple barbare : nos lois, nos mœurs, nos villes, tout encore porte l’empreinte française ; que dis-je ? Il existe des Français dans notre île, et vous vous croyez libres et indépendants de cette République qui a combattu toutes les nations, il est vrai, mais qui n’a jamais vaincu celles qui ont voulu être libres.

Eh quoi ! victimes pendant quatorze ans de notre crédulité et de notre indulgence, vaincus non par des armées françaises, mais par la piteuse éloquence des proclamations de leurs agents : quand nous lasserons-nous de respirer le même air qu’eux ? Qu’avons-nous de commun avec ce peuple bourreau ? Sa cruauté comparée à notre patiente modération, sa couleur à la nôtre, l’étendue des mers qui nous séparent, notre climat vengeur, nous disent assez qu’ils ne sont pas nos frères, qu’ils ne le deviendront jamais, et que s’ils trouvent un asile parmi nous, ils seront encore les machinateurs de nos troubles et de nos divisions.

Citoyens indigènes, hommes, femmes, filles et enfants, portez vos regards sur toutes les parties de cette île : cherchez-y, vous, vos épouses ; vous, vos maris ; vous, vos frères ; vous, vos sœurs, que dis-je ? Cherchez-y vos enfants, vos enfants à la mamelle ; que sont-ils devenus ? … je frémis de le dire … la proie de ces vautours.

Au lieu de ces victimes intéressantes, votre œil consterné n’aperçoit que leurs assassins ; que les tigres dégouttant encore de leur sang, et dont l’affreuse présence vous reproche votre insensibilité et votre coupable lenteur à les venger.

Qu’attendez-vous pour apaiser leurs mânes ? Songez que vous avez voulu que vos restes reposassent auprès de ceux de vos pères, quand vous avez chassé la tyrannie ; descendrez-vous dans leurs tombes sans les avoir vengés ? Non ! Leurs ossements repousseraient les vôtres.

Et vous, hommes précieux, généraux intrépides, qui, insensibles à vos propres malheurs, avez ressuscité la liberté, en lui prodiguant tout votre sang, sachez que vous n’avez rien fait, si vous ne donnez aux nations un exemple terrible, mais juste, de la vengeance que doit exercer un peuple fier d’avoir recouvré sa liberté et jaloux de la maintenir ; effrayons tous ceux qui oseraient tenter de nous la ravir encore ; commençons par les Français … Qu’ils frémissent en abordant nos côtes, sinon par le souvenir des cruautés qu’ils y ont exercées, au moins par la résolution terrible que nous allons prendre de dévouer à la mort quiconque né français souillerait de son pied sacrilège le territoire de la liberté.

Nous avons osé être libres, osons l’être par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Imitons l’enfant qui grandit : son propre poids brise la lisière qui lui devient inutile et l’entrave dans sa marche.

Quel peuple a combattu pour nous ? Quel peuple voudrait recueillir les fruits de nos travaux ? Et quelle déshonorante absurdité que de vaincre pour être esclaves.

Esclaves ! … laissons aux Français cette épithète qualificative : ils ont vaincu pour cesser d’être libres.

Marchons sur d’autres traces ; imitons ces peuples qui, portant leurs sollicitudes jusques sur l’avenir, et appréhendant de laisser à la postérité l’exemple de la lâcheté, ont préféré être exterminés que rayés du nombre des peuples libres.

Gardons-nous, cependant, que l’esprit de prosélytisme ne détruise notre ouvrage ; laissons en paix respirer nos voisins ; qu’ils vivent paisiblement sous l’égide des lois qu’ils se sont faites, et n’allons pas, boutefeux révolutionnaires, nous érigeant en législateurs des Antilles, faire consister notre gloire à troubler le repos des îles qui nous avoisinent ; elles n’ont point, comme celle que nous habitons, été arrosées du sang innocent de leurs habitants ; elles n’ont point de vengeance à exercer contre l’autorité qui les protège.

Heureuses de n’avoir jamais connu les idéaux qui nous ont détruits, elles ne peuvent que faire des vœux pour notre prospérité. Paix à nos voisins ; mais anathème au nom français, haine éternelle à la France : voilà notre cri.

Indigènes d’Haïti ! mon heureuse destinée me réservait à être un jour la sentinelle qui dût veiller à la garde de l’idole à laquelle vous sacrifiez ; j’ai veillé, combattu quelquefois seul, et si j’ai été assez heureux pour remettre en vos mains le dépôt sacré que vous m’avez confié, songez que c’est à vous maintenant à le conserver.

En combattant pour votre liberté, j’ai travaillé à mon propre bonheur. Avant de la consolider par des lois qui assurent votre libre individualité, vos chefs, que j’assemble ici, et moi-même, nous vous devons la dernière preuve de notre dévouement.

Généraux, et vous chefs, réunis ici près de moi pour le bonheur de notre pays, le jour est arrivé, ce jour qui doit éterniser notre gloire, notre indépendance. S’il pouvait exister parmi nous un c?ur tiède, qu’il s’éloigne et tremble de prononcer le serment qui doit nous unir.

Prête donc entre mes mains le serment de vivre libre et indépendant, et de préférer la mort à tout ce qui tendrait à te remettre sous le joug

Jurons à l’univers entier, à la postérité, à nous-mêmes, de renoncer à jamais à la France et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination ; de combattre jusqu’au dernier soupir pour l’Indépendance de notre pays. Et toi, peuple trop longtemps infortuné, témoin du serment que nous prononçons, souviens-toi que c’est sur ta constance et ton courage que j’ai compté quand je me suis lancé dans la carrière de la liberté pour y combattre le despotisme et la tyrannie contre lesquels tu luttais depuis 14 ans.

Rappelle-toi que j’ai tout sacrifié pour voler à ta défense : parents, enfants, fortune, et que maintenant je ne suis riche que de ta liberté ; que mon nom est devenu en horreur à tous les peuples qui veulent l’esclavage, et que les despotes et les tyrans ne le prononcent qu’en maudissant le jour qui m’a vu naître ; et si jamais tu refusais ou recevais en murmurant les lois que le génie qui veille à tes destins me dictera pour ton bonheur, tu mériterais le sort des peuples ingrats.

Mais loin de moi cette affreuse idée ; tu seras le soutien de la liberté que tu chéris et l’appui du chef qui te commande. Prête donc entre mes mains le serment de vivre libre et indépendant, et de préférer la mort à tout ce qui tendrait à te remettre sous le joug. Jure enfin de poursuivre à jamais les traîtres et les ennemis de ton indépendance. Fait au quartier général des Gonaïves, le premier janvier mille-huit cent-quatre, l’an 1er de l’Indépendance.

Signé :

JEAN JACQUES DESSALINES
Général en chef

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Acte de l’Indépendance
Liberté ou la mort
Armée indigène
Gonaïves, le premier janvier 1804
An 1er  de l’Indépendance

Aujourd’hui premier janvier dix huit cent quatre, le Général en chef de l’Armée indigène, accompagné des généraux, chefs de l’armée, convoqués à l’effet de prendre les mesures qui doivent tendre au bonheur du pays :

Après avoir fait connaître aux généraux assemblés ses véritables intentions d’assurer à jamais aux indigènes d’Haïti un gouvernement stable, objet de sa plus vive sollicitude : ce qu’il a fait à un discours qui tend à faire connaître aux puissances étrangères la résolution de rendre le pays indépendant, et de jouir d’une liberté consacrée par le sang du peuple de cette île ; et, après avoir recueilli les avis, a demandé que chacun des généraux assemblés prononçât le serment de renoncer à jamais à la France, de mourir plutôt que de vivre sous sa domination, et de combattre jusqu’au dernier soupir pour l’indépendance.

Les généraux, pénétrés de ces principes sacrés, après avoir donné d’une voix unanime leur adhésion au projet bien manifesté d’indépendance, ont tous juré à la postérité, à l’univers entier, de renoncer à jamais à la France, et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination.

SIGNÉS :
Jean Jacques Dessalines,
Général en chef ;
Christophe, Pétion, Clerveaux, Geffrard, Vernet, Gabart,
Généraux de division ;
P . Romain, G. Gérin, L. Capois, Daut, Jean-Louis François, Férou, Cangé, G. Bazelais, Magloire Ambroise, J. J. Herne, Toussaint Brave, Yayou,
Généraux de Brigade ;
Bonnet, F. Papalier, Morelly, Chevalier, Marion,
Adjudants-généraux ;
Magny, Roux
Chefs de brigade ;
Chareron, B. Goret, Macajoux, Dupuy, Carbonne, Diaquoi aîné, Raphaël, Malet, Derenoncourt,
Officiers de l’armée ;
et Boisrond Tonnerre.

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