
(English)
Ces dernières années, les États-Unis, la France et le Canada ont fourni une aide militaire et policière massive à Haïti, tandis que, depuis juin dernier, des troupes étrangères continuent d’affluer dans le pays dans le cadre de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS). Ce « soutien » ne vise pas à résoudre les problèmes de sécurité d’Haïti, mais plutôt à renforcer le contrôle et l’appareil répressif des pays impérialistes occidentaux dans une néocolonie clé en cette période de crise du système capitaliste mondial.
Les conflits et le chaos qui règnent en Haïti sont en grande partie le résultat d’un profond soulèvement populaire du lumpen-prolétariat haïtien, en constante augmentation, mené par un ensemble de groupes armés « ghettos » aux histoires, aux éthiques, aux niveaux de discipline, aux conceptions idéologiques, aux styles de leadership et aux stratégies de survie variés. Mais ils s’accordent désormais tous (du moins en principe) sur la nécessité de changer le « système » haïtien, et ils refusent de céder le pouvoir qu’ils détiennent désormais à la classe politique corrompue et à ses maîtres bourgeois locaux et étrangers qui les ont autrefois utilisés comme des pions.
Les impérialistes sont déterminés à écraser ce pouvoir populaire autonome, qui pourrait devenir encore plus dangereux s’il apprenait, développait, adoptait et formulait plus clairement, dans un avenir proche, une vision et un programme scientifiques, révolutionnaires, consciemment anti-impérialistes et socialistes.
Aux yeux de Washington, ce serait, de fait, l’émergence effrayante d’un autre Cuba (à seulement 80 kilomètres à l’ouest) et ce virus révolutionnaire pourrait également « contaminer » la République dominicaine, qui partage l’île d’Hispaniola et abrite de nombreux migrants haïtiens et Dominicains d’origine haïtienne.
Une telle évolution pourrait également menacer la sécurité, du point de vue des États-Unis, du passage du Vent, une voie maritime commerciale cruciale entre Haïti et Cuba pour les marchandises en provenance de la côte est des États-Unis et le canal de Panama.
Le trio impérialiste a donc renforcé son soutien à la Police nationale haïtienne (PNH) et à ses supplétifs du MSS afin d’éviter une intervention militaire directe (comme en 1994 et 2004) et de se salir les mains. De plus, ils sont militairement et financièrement surendettés par les conflits en cours en Ukraine, à Gaza, au Liban, en Syrie, au Yémen et ailleurs. N’ayant pas réussi à convaincre la Chine et la Russie de transformer le MSS en une véritable opération de « maintien de la paix » de l’ONU, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a renoncé à envoyer des « casques bleus » en Haïti et se contente de la poursuite d’un MSS anémique.
Ainsi, l’ONU tente de réunir 908 millions de dollars pour financer une année supplémentaire de déploiement de la MSS en Haïti afin d’installer un gouvernement « élu » qui signera avec Washington un pacte militaire et économique bilatéral de dix ans, le Global Fragility Act (GFA), contre lequel Haïti Liberté a mis en garde à plusieurs reprises. Le nouveau secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a clairement indiqué que cet objectif restait celui de Washington, malgré les coups de boutoir lancés par la nouvelle administration Trump contre de nombreuses institutions de l’« État profond », comme l’USAID, véritable force de soft power, qui devait être l’un des piliers du GFA.

De 2021 à 2024, Washington a déjà accompli beaucoup. L’année dernière, les États-Unis ont offert à Haïti dix jeeps blindées tout-terrain le 19 mai 2024, puis 24 véhicules MaxxPro résistants aux mines et aux embuscades (MRAP) le 23 août 2024. Le Bureau des stupéfiants et de l’application de la loi (INL) de Washington a fourni à la PNH dix véhicules blindés de transport de troupes (TBT) du 28 octobre au 3 novembre 2024. Le 14 février 2025, l’INL a de nouveau livré vingt véhicules blindés Roshel Captain à Haïti.
Les États-Unis et le Canada avaient également livré plusieurs véhicules blindés INKAS de fabrication canadienne à Haïti en octobre 2022. Le 15 février 2020, Haïti a acheté quinze véhicules blindés INKAS au Canada, reçus par le président Jovenel Moïse et le premier ministre Jean Michel Lapin. La France a également offert à la PNH quatre véhicules blindés d’une valeur d’un million d’euros le 7 décembre 2024. Parallèlement, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et le Canada ont remis à la PNH 42 véhicules tout-terrain, sur les 59 prévus, le 6 février 2025.
Même les Émirats arabes unis (EAU) ont offert à la PNH 20 véhicules blindés le 23 août 2024.
Malgré tous ces véhicules, les maîtres néocoloniaux ne sont ni satisfaits ni confiants de la capacité répressive de la PNH. Ils disposent donc désormais de près de 1 000 soldats étrangers en renfort, sous la forme du MSS. Mais ils doivent les maintenir équipés. Ainsi, le 10 février, Le Nouvelliste expliquait que Washington avait fourni à la PNH une quantité importante d’« armes, de munitions et de véhicules », dont « neuf véhicules, deux camions, deux chargeuses-pelleteuses, deux chargeuses sur pneus et une remorque surbaissée ». Parmi les armes livrées figuraient 600 fusils et une quantité non précisée de munitions. « Il s’agit d’un don d’une valeur de six millions de dollars », a déclaré le président de l’époque, Leslie Voltaire, lors de la cérémonie de réception de l’INL. « Tous les équipements sont blindés. Ils renforceront la capacité opérationnelle de la police dans la lutte contre les gangs armés.»
Par ailleurs, le Conseil présidentiel de transition (CPT) a augmenté le budget de la PNH à 28,6 milliards de gourdes (218 millions de dollars) et celui des Forces armées haïtiennes à 8,8 milliards de gourdes (67 millions de dollars), soit 37,4 milliards de gourdes (285 millions de dollars) pour les deux institutions armées de l’État haïtien. (Avec un budget de 30,57 milliards de dollars en 2025, les dépenses consacrées à la sécurité nationale ne représentent que 0,93 % du PIB, mais cela pourrait changer avec l’arrivée au pouvoir du nouveau président Fritz Alphonse Jean.)
Malgré tout, les groupes armés ont gagné du terrain et intercepté et incendié une demi-douzaine de véhicules blindés dans les quartiers populaires. Les universités d’État ne fonctionnent quasiment plus dans la zone métropolitaine, les écoles sont fermées dans les zones contrôlées par les groupes armés et les activités commerciales informelles des populations défavorisées sont paralysées. Les conditions de vie des populations deviennent intenables, la circulation automobile ralentit et la population déplacée dépasse les 500 000 personnes.
Les autorités du TPC semblent insouciantes et uniquement préoccupées par leurs intérêts personnels. Leurs émoluments et leurs dépenses sont exorbitants dans un pays où les masses populaires et les couches prolétariennes vivent dans des conditions déplorables et inacceptables. Les querelles politiques autour du partage du pouvoir compliquent toute résolution de la crise.
Tout cet arsenal militaire et policier surdimensionné est inutile. Le problème sécuritaire d’Haïti résulte des conditions de vie des populations, du niveau d’exploitation des opprimés et de l’impunité liée à la corruption.
Les progressistes doivent insister sur la construction d’un outil autonome permettant aux masses populaires de s’émanciper pleinement de l’exploitation et de la domination. Les masses ne peuvent compter sur les politiciens traditionnels, qui ne sont que des pions des puissances impérialistes occidentales. Au contraire, face à l’insécurité généralisée, l’avant-garde de la lutte de libération nationale doit tirer parti des avancées technologiques pour discerner et définir une théorie de la lutte de libération nationale haïtienne, inspirée du marxisme-léninisme, et maintenir une présence sur les réseaux sociaux pour sensibiliser les masses populaires. Cela peut engendrer une mobilisation permanente pour contrecarrer le pillage néocolonial des pays impérialistes et le gaspillage des maigres ressources de l’État par la corruption orchestrée, le népotisme et la surfacturation.
Il est impératif de détruire l’appareil répressif (armée, police, milices, force multinationale) et l’appareil idéologique (école, église, université et médias) de l’État capitaliste néolibéral en Haïti (au service exclusif des puissances occidentales) afin de construire une société socialiste.
Non à l’occupation militaire d’Haïti.
Non au renouvellement du mandat du MSS en Haïti.
Haïtiens progressistes, unissons-nous pour lutter pour la libération nationale d’Haïti.
Liberté ou la mort ! La Patrie ou mort !